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The Fall of the Ottomans

Billet originalement publié sur Facebook. Vous pouvez consulter la série de mes critiques de livre en suivant l'étiquette Critique sur ce blogue.

Couverture du livre « The Fall of the Ottoman »

"The fall of the Ottomans" d'Eugene Rogan, non traduit en français, est un livre qui porte spécifiquement sur la chute de l'empire ottoman, c'est-à-dire entre 1900 et 1920, environ.

Au début de la guerre en juillet 1914, l'Empire ottoman se demande qui seront ses alliées dans cette guerre. Ses dirigeants tentent de soutirer la garantie de la préservation de son territoire aux Français, Anglais et Russes mais, n'en ayant reçu aucune, ils optent pour joindre les forces de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie. Des officiers allemands conseilleront d'ailleurs les Ottomans, qui en ont bien besoin, tout au long de la guerre.

La mobilisation des Ottomans qui a suivi a coûté cher à l'État, déjà pauvre: retrait des hommes des fermes et autres secteurs productifs, routes bloquées en raison des déplacements des troupes mobilisées. Troubles auxquels s'ajoute celui des banques étrangères désirant récupérer leurs prêts, causant une crise économique. Bref, les Ottomans n'étaient pas vraiment prêts à une guerre totale comme celle qui s'annonçait.

Cela dit, et malgré la conscription forcée, le nombre de soldats impliqués au Moyen-Orient est beaucoup moins grand que sur le front Ouest en Europe, où les chiffres sont tous simplement ahurissants. À titre d'exemple, l'Empire ottoman a mobilisé 2,8 millions d'hommes pendant la guerre, soit 12% de sa population, alors que les Allemands ont mobilisé quelque 13,2 millions d'hommes, soit 85% de sa population masculine âgée entre 17 et 50 ans!

Le Sultan de l'Empire ottoman était aussi Calife, c'est-à-dire le chef de tous les Musulmans. Lors du déclanchement de la guerre, le Calife déclara le Djihad contre les infidèles: les Alliés. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle les Allemands cherchaient l'appui des Ottomans: ils espéraient provoquer des troubles dans les colonies des Alliés où il y avait une population musulmane importante. Paradoxalement, ce ne sont pas les Musulmans qui réagisserent le plus à cet appel, mais bien les Alliés qui craignaient les troubles dans leurs colonies. Afin de couper court à cette menace, les Anglais tenteront ainsi d'arriver rapidement à Istanbul, provoquant la désastreuse bataille des Dardanelles. De même, les Français mobiliseront plus de troupes sur le front d'Europe de l'Ouest afin de libérer des troupes anglaises qui iront combattre en Palestine. Ils prendront notamment Jérusalem en décembre 1917, ce qui sera considérée par les troupes anglaises comme un cadeau de Noël à leur mère patrie. Cette conquête mènera ultimement à la création de l'État d'Israël quelque 30 ans plus tard.

Ces champs de bataille permettent de mieux connaître les pays laissés-pour-compte de l'histoire de la Grande Guerre : les Arabes dans les différents camps, dont les Algériens, et les Indiens (1,4 M) qui ont combattu en Mésopotamie pour les Anglais.

Le génocide arménien est bien expliqué. J'ai déjà publié un billet détaillé sur ce volet abominable.

Essoufflés, et battus sur à peu prêt tous les fronts, les Ottomans signeront l'armistice 12 jours avant les Allemands, le 30 octobre 1918, après la chute du Liban et de la Syrie. Les Alliés se partageront le territoire conquis à l'Empire ottoman lors de la conférence de Paris de 1919. Alors que les dirigeants ottomans se terrent dans la capitale et assistent sans broncher à la partition de leur ancien territoire, certains militaires vétérans se rebiffent. À leur tête, Mustafa Kemal - qui deviendra Atatürk , le « père des Turcs » - réussira sa rébellion en 1923, à peine 5 ans après la fin de la Première Guerre mondiale. Ainsi meurt l'Empire ottoman et naît la Turquie telle qu'on la connaît aujourd'hui.


On connaît moins ce front, où se sont battus les Ottomans contre les Alliés durant la Grande Guerre, probablement parce que les Canadiens, à quelques exceptions près, n'y ont pas combattu. Les Australiens et Néo-Zélandais sont plus familiers avec ce front, eux qui ont combattu dans le désert, troquant parfois leurs chevaux pour des chameaux.

Pour ma part, quand je pense « Première Guerre mondiale », ce sont des images de guerre de tranchées qui me viennent à l'esprit. Pas à la prise de Jérusalem par les Anglais, l'appel au Jihad, ou encore les révoltes arabes. Ce livre est d'autant plus intéressant qu'il nous amène à connaître ces conflits et ces batailles.

On constate que la Première Guerre mondiale dans cette région du monde est, plus qu'en Europe, une rencontre entre le XIXe et le XXe siècle. On y trouve les dernières grandes charges de cavalerie, les premiers bombardements aériens, des villes en état de siège menant à la famine, des tractations entre grandes familles arabes et ottomanes conduisant à des trahisons, les premières communications sans-fil - non-encryptées et interceptés par les Allemands en Palestine - etc.

Cependant, les batailles sont trop détaillées. Les cartes ne conviennent pas pour les descriptions (c'est d'ailleurs un reproche fréquent pour ce type d'ouvrage, les cartes sont presque toujours insuffisantes, pour des raisons de coûts?).

Après avoir terminé « La chute de l'empire ottoman », je suis retourné lire certains passages du livre de Margareth McMillan sur les accords de Paris en 1919. Le style de McMillan est vraiment différent. Elle raconte une histoire avec mise en contexte historique, qui fait que chaque chapitre peut flotter tout seul. De l'autre côté, l'ouvrage d'Eugene est plutôt un récit de guerre mis en contexte. Cette différence de lisibilité donne aux ouvrages de McMillan une plus grande notoriété, et j'en recommanderais d'ailleurs la lecture avant celui sur l'Empire ottoman.

Pour une précédente critique de McMillan, voir:
//ptaff.ca/blogue/2017/09/26/paris_1919/