697 billets et 979 commentaires jusqu'à maintenant

Mot du jour: spolier

splolier: verbe. Dépouiller par fraude ou par force. On l'a spolié de son héritage.
Étymologie: Prov. espoliar ; esp. expoliar ; ital. spogliare ; du lat. spoliare, dénominatif de spolium, qu'on rapproche du terme grec signifiant peau, dépouille.
Source: Le Littré

Exemple: Pour les indépendantistes que nous sommes, il est assez inconcevable qu’on puisse servir les intérêts d’une nation tout en travaillant ardemment à protéger des intérêts de multinationales étragères qui cherchent à spolier nos ressources naturelles. (Amir Khadir)

Aidons la Vallée-du-Richelieu

Un billet publié sur le blogue du Parti québécois de Laurier-Dorion.

Los Angeles - Chicoutimi: Jour 7

Lino sur la route

Los Angeles - Chicoutimi est une série de billets écrits par Lino Tremblay lors de son périple en vélo entre ces 2 villes. Vous pouvez consulter la série complète des billets en retournant sur la page d'accueil de cette section du site.

Jour 7 (2011-05-28)

Date: 28 mai 2011
Emplacement: Hanksville, UT
Distance de Los Angeles (à vol d’oiseau): 850 km
Distance de Chicoutimi (à vol d’oiseau): 3358 km

Après avoir quitté le Nevada, j'ai passé quelques heures en Arizona. Ce fut court, mais intense. Pendant un long moment, j'ai roulé sur une route se dirigeant droit sur une montagne énorme.

Montagne énorme

N'ayant vu aucun signe parlant de tunnel, je me demandais bien où elle passerait, jusqu'à ce qu'elle entre dans une vallée fortement encaissée, la Virgin River Gorge.

Virgin River Gorge

Malgré que l'accotement n'était pas tellement large, j'ai apprécié mon passage, et j'ai vraiment été impressionné par les parois abruptes de ce tronçon d'une quinzaine de kilomètres. Ce soir-là, je suis arrivé en Utah. Cet État immense est à la fois magnifique et exigeant. Magnifique à cause de ses montagnes ocre et ses points de vue imprenables. Entre autres, le Parc national Zion m'a laissé avec cette rare impression de vivre un moment dont je vais toujours me souvenir tout en en étant conscient sur le coup. À peu près partout, les routes sont roulantes, et la circulation sur les "scenic roads" est très légère (ce qui ne sera plus le cas le mois prochain, à ce qu'on m'a dit).

Parc national Zion

Exigeant d'abord en raison de ses côtes/cols qui font passer pour des collines à peu près tout ce que j'ai vu avant. Ce matin, j'ai grimpé une montagne pendant 20 km, avec sommet à 2900 m d'altitude.

Montagne à 3200 mètres d’altitude

Il y avait là des trembles et de la neige, un peu comme au Saguenay la veille de mon départ. Autre chose qui me complique la vie: les distances énormes entre les villes, qui me forcent à transporter beaucoup de nourriture et de liquide.

Par ailleurs, j'ai fait mes premières connaissances sur la route. Juste avant de quitter le Nevada, j'ai rencontré un Néerlandais qui se dirigeait vers Salt Lake City. Hier, j'ai croisé un groupe de retraités du Colorado qui se relaient pour faire du vélo et conduire leurs autos. Je les ai rencontrés à nouveau ce midi, et comme nous avions la même destination pour ce soir, ils ont eu l'amabilité de transporter une partie de mon matériel en auto. C'était un réel plaisir de rouler sans traîner une tonne de bagages, et surtout de pouvoir échanger avec des gens qui vivent une expérience semblable à la mienne.

Je devrais arriver au Colorado demain. Comme les retraités venaient de cet État, je leur ai demandé conseil sur les chemins à prendre, ce qui devrait m'épargner un peu de temps par rapport à au projet original. À mon grand désarroi, ils m'ont également appris que le mont Evans n'est pas encore ouvert jusqu'au sommet, à cause de l'hiver qui s'éternise - il n'y a pas qu'au Québec qu'on à ça, apparemment!

Los Angeles - Chicoutimi: Jour 3

Lino sur la route

Los Angeles - Chicoutimi est une série de billets écrits par Lino Tremblay lors de son périple en vélo entre ces 2 villes. Vous pouvez consulter la série complète des billets en retournant sur la page d'accueil de cette section du site.

Jour 3

Date: 24 mai 2011
Emplacement: Las Vegas
Distance de Los Angeles (à vol d’oiseau): 383 km
Distance de mon Chicoutimi (à vol d’oiseau): 3827 km

Je suis arrivé à Los Angeles samedi. Pour des raisons inconnues, mon vélo a voyagé par un avion différent du mien et a transité par Las Vegas et San Francisco, avant d'arriver à LA. Ça m'a empêché de rouler la première journée, mais au bout de la ligne, ça ne devrait pas changer grand-chose.

LA est une ville plutôt banale. Tout au long de mon court séjour, un brouillard permanent (il paraît que ça s'appelle smog) rendait la ville assez triste. C'est sûrement pour ça (et pour le West Edmonton Mall) que Wayne Gretzky pleurait comme une madeleine quand il a été échangé aux Kings, en 1988.J'ai vu Hollywood et ses fameuses lettres à flanc de montagne, juste après avoir traversé le quartier chinois (qui ressemble à n'importe quel autre du genre).

J'ai pris la route dimanche matin, fort de 4 jours de repos et de carbo loading (autrement dit, le réservoir d'énergie était plus que plein). La sortie de Los Angeles a été assez longue (parce que la ville et sa banlieue sont vastes, mais aussi parce que la route prévue était fermée et que j'ai dû rebrousser chemin).

Par contre, le parcours LA-Las Vegas a été assez étonnant. Après une ascension surprise à 1400 m (je ne pensais pas avoir ça le premier jour), un moment magique sur la route 66 (photo), une montée de 30 km (je ne pensais pas voir ça avant le Mont Evans), un bout de chemin sur une route non pavée que je n'oserais même pas emprunter en vélo de montagne (gloire au GPS!).

Vélo avec sacoche rouges, route à sa gauche et boisson énergie à sa droite

Je suis arrivé à Vegas en début d'après-midi, après deux jours et demi de route dans des paysages grandioses. Je dois avouer que je n'espérais pas rouler ces 520 km aussi vite, mais le vent et la qualité des routes y ont plus contribué plus que ma forme.

Route déserte qui s’enfonce dans le désert

Pour deux raisons, je n'ai pas encore sorti ma tente. La première raison est que presque tout est cloturé ici. Pas moyen de trouver un coin tranquille, d'autant plus qu'il n'y a pas d'arbres. La deuxième raison est que les motels sont très abordables (36$ avant-hier, 42$ hier). Si c'était toujours comme ça, je ne transporterais pas de matériel de camping, et j'en serais heureux, non seulement parce que je voyagerais plus léger, mais aussi parce qu'une nuit dans un grand lit blanc est bien plus répatrice et confortable qu'une nuit sous la tente. En plus, ça me permet de me doucher en arrivant, et avant de repartir. Je réévaluerai le tout si la tendance se maintient.

Hier, j'ai dormi dans un hôtel de casino, à Primm, qui est plus un rassemblement de trois gros casinos construits au milieu de nulle part qu'une ville. Malgré mon âge très avancé, je n'étais jamais entré dans un casino. L'idée de regarder des cloches, des cerises et des sept tourner sur un écran ne m'attirait pas plus que ça. J'ai bien quelques machines plus intéressantes, mais même avec ça, je n'ai pas mis un sou dans les machines. (Par contre, je rêve encore de l'arcade où on peut jouer à un méchant paquet de jeux électroniques pour 5-6$ l'heure, à Regina!)

Pour ce qui est de Las Vegas, je ne peux pas en dire grand-chose. C'est une ville particulière, bien entendu, mais pas pour autant belle. Le divertissement y occupe bien plus de place que le sport, on n'a qu'à regarder les rues de quartiers résidentiels (où mon hôte habite) à quatre voies pour s'en convaincre. Aussi, bien des maisons ont des parterres empierrés au lieu de gazon. C'est vrai que ça doit consommer moins d'eau, mais en même temps, ça manque de couleur, surtout que les maisons sont beige avec un toit en argile.

Demain, direction Utah.

(Très) Petite histoire toponymique du Québec

Saint-Laurent

Lors d'un de ses voyages, Jacques Cartier nomma Saint-Laurent une petit anse sur les rives de ce qui deviendra la Côte-Nord. Peu après, un cartographe Français se trompa en recopiant une carte dressée par celui-ci. Il attribua le nom de Saint-Laurent au golfe au complet plutôt qu'à l'anse. Par la suite, la rivière de Canada prit le nom de son golfe et devint le fleuve Saint-Laurent.

Chicoutimi

Au temps de Jacques Cartier, la vallée du Saint-Laurent était occupée par les Iroquois. 75 ans plus tard, lors du passage de Champlain, les Iroquois avaient été remplacés par les Algonquins sur ce territoire. On ignore comment cela s'est produit (probablement dans la violence). Il nous reste, de cette occupation Iroquoise, leur toponymie notée par Cartier, dont les noms de Saguenay et de Canada.

Québec

L'expression province de Québec a été utilisée pour la première fois après la conquête de 1760. Ce sont les Anglais qui l'utilisèrent pour désigner le territoire qu'ils voulaient rattacher à l'administration de la ville de Québec. Le Québec dans « province de Québec » fait donc référence à la ville.

Référence

Mythes et réalités dans l'histoire du Québec, Marcel Trudel, 2006, Bibliothèque québécoise

Il fait de moins en moins froid au Québec

Un billet publié sur P45.

Le franglais

http://xkcd.com/837/

Nous discutons entre amis, en langue française. Enfin, en français la majorité du temps, car nos phrases sont émaillées de mots, d'expressions de langue anglaise. Et pas que de simples substitutions comme nos grands-parents le faisaient. Nous, nous avons l'intonation anglaise. Aujourd'hui, nous parlons franglais.

Le Québec étant un îlot francophone ceinturé par des millions de personnes de langue anglaise, il est difficile de résister à l’attrait de celle-ci. Mais dans ce contexte, le franglais est-il inévitable?

Pourquoi parle-t-on franglais?

L'apparition du franglais s'explique d'abord parce que de nombreux mots, notamment techniques, sont popularisés en anglais : download, reboot, spam. Une fois intégrés dans notre vocabulaire, il faut faire un effort pour ne pas les utiliser directement, mais bien leur substituer la forme française correcte. Et, à supposer que l'on connaisse le mot français correspondant, les premières fois qu'on l'utilise, ou qu'on l'entend, cela sonne faux. Tout le monde connaît le terme consacré de langue anglaise, pourquoi donc ce nouveau mot français que personne ne connaît? À la limite, l'utiliser fait pédant ou pire, peut nous faire passer pour un intégriste de la langue française.

Une autre raison expliquant l'utilisation du franglais est que certaines expressions sont seulement véhiculées dans cette langue. Par exemple, à mon travail, les expressions « roadblock » (obstacle incontournable) et « show stopper » (point de blocage?) sont utilisées sans que jamais je n'aie entendu l'équivalent en français. À ma connaissance, personne n'a même tenté de trouver un terme correspondant. Dès lors, l'expression fait partie de notre culture de travail et ne peut être utilisée qu'en anglais, sans que personne n'y trouve à redire.

De plus, on pense prouver sa maîtrise de la langue de Shakespeare en parlant franglais. En effet, on ne fait pas que dire des mots ou des expressions anglaises, on en adopte aussi fièrement l'accent, pour montrer son bilinguisme, tout en ne parlant que français! Les Québécois ont par ailleurs tendance à se penser supérieurs aux Français à cet égard. Lorsque les Français utilisent un mot anglais, ils le prononcent à la française, écorchant nos oreilles québécoises, nous qui tenons pour acquis que nous devrions, en plus de parler notre langue, maîtriser à la perfection l'anglais.

Finalement, dans la grande majorité des milieux, le franglais est accepté. Il est rare, voire exceptionnel qu'une personne se fasse reprendre parce qu'elle utilise le franglais. D'ailleurs, si c'était le cas, bien des conversations seraient tout simplement insoutenables, le franglais étant pour certaines personnes une façon de s'exprimer par défaut.

Le franglais pose-t-il un problème?

Le franglais est un problème individuel, car une langue amalgamée amène à boiter dans les deux langues qui la composent. D'une part, le saut à l'anglais dès qu'une locution dans cette langue nous vient à l'esprit finit par faire intégrer les anglicismes syntaxiques. Par la suite, il n'est plus possible de les distinguer : ils font alors partie de notre paysage langagier. D'autre part, intégrer des mots d'anglais dans la langue française n'améliore pas la maîtrise de l'anglais. Par ces ponctions linguistiques, on n'embrasse pas toute la complexité de l'autre langue, on ne l'apprend pas. Alors que l'on pense faire montre de son savoir en épiçant le français d'expressions et de mots anglais, on affadit plutôt sa langue en lui retirant les règles qui la forment.

Le franglais est un problème collectif, car une langue ne fait pas que véhiculer des mots, elle convoie aussi une culture et des valeurs. Or, l'insertion intempestive de mots anglais non seulement transforme notre langue, mais provoque aussi la dérive de nos valeurs. Ceci n'est pas un argument contre la culture et la langue anglaises. Elles ont toute leur place au Québec et doivent être protégées. C'est seulement qu'en créant un hybride où l'anglais occupe de plus en plus de place, nous décrivons notre réalité avec les mots des autres. C'est l'aliénation, conséquence de notre paresse intellectuelle et de notre mollesse culturelle.

Le français étant la langue de la majorité au Québec, le développement de sa culture par de nombreux emprunts à une seule autre langue pousse à l'aliénation du peuple québécois : les mots pour décrire notre réalité ne proviennent plus de notre langue, de notre héritage culturel, mais bien de la culture de nos voisins. Nous n'avons plus nos mots, nous prenons ceux des autres.

Comment freiner le franglais?

Le franglais n'est pas appelé à disparaître. La présence culturelle de la langue anglaise est trop importante pour penser que les Québécois en viendront à parler un français qui n'est pas teinté par cette langue. La tendance peut cependant être inversée.

Dans cette lutte, nous avons des atouts. Premièrement, nos institutions. L'OQLF a été créé dans les années 70 pour freiner l'utilisation des mots anglais dans les milieux de travail québécois. Il faut entendre les employés de la STM nous parler tout naturellement de gradateur (dimmer) et d'alimentation statique sans coupure (UPS) pour constater que cet organisme déjà fait œuvre utile. La Charte de la langue française (communément appelée Loi 101) est bien sûr la clé de voûte de notre édifice culturel. Pour que le français ait un avenir, il faut que des gens le parlent, mais, surtout, il faut que ce soit clair, pour nous et pour les autres, que c'est la langue française qui fait ce que nous sommes, et que nous la défendrons.

Deuxièmement, les journaux, stations de radio et de télévision (notamment celles de l'État) sont des véhicules essentiels pour contrer l'utilisation du franglais. Puisqu'ils ont accès à un auditoire important, ce sont eux qui peuvent populariser des mots français et rendre leur usage normal. En adoptant une politique d'utilisation du français, ils permettent à ces mots de prendre leur place, puisque notre oreille devient habituée à les entendre. Pensons aux mots comme « courriel » (remplaçant email) ou encore, tout récemment, « mot-clic » (remplaçant hashtag), qui n'auraient probablement pas été rendus d'usage courant sans l'appui de ces médias.

Un dernier atout se trouve dans l'innovation culturelle, afin que la langue française n'incarne pas une vision passéiste, mais un outil de création qui nous propulse vers l'avenir. Si nous possédons les images et les mots pour nous décrire dans la langue française, nous n'aurons pas recours à une langue extérieure. Les œuvres culturelles sont dans ce sens essentielles. Plus elles seront nombreuses et toucheront un grand public, plus le Québec aura ses propres mots pour se raconter.

Renforcer le français, c'est affaiblir le franglais.

Deux solitudes

Couverture du livre Two Solitudes

Les « deux solitudes », c'est une histoire d'amour. Tiré d'un roman de Hugh MacLennan publié en 1945, Two Solitudes ne contient qu'une seule phrase avec cette expression:
Two solitudes in the infinite waste of loneliness under the sun.

Les solitudes sont celles de Paul Tallard, moitié Canadiens français moitié Irlandais, et de Heather Methuen, Anglo-Canadienne issue d'une riche famille montréalaise. Amis d'enfance, ils ont grandi dans des milieux très différents, chacun étant au sein de sa classe sociale fortement conditionné par ses origines distinctes. Lorsque se déclare leur amour, la mère d'Heather et son entourage s'opposent à cette union.

Cette expression est aujourd'hui utilisée pour qualifier l'isolement des relations entre les Canadiens anglais et les Canadiens français. C'est d'ailleurs ce qui a attiré ma curiosité et qui m'a incité à lire ce livre.

Il n'est pas intuitif de comprendre pourquoi cette histoire a donné naissance à une expression aussi populaire de nos jours. Peut-être est-ce parce qu'elle porte un sens romantique et qu'elle est assez précise, même en ignorant l'origine exacte?

Perdre le nord

Drapeau du Québec radioactif

Marie-Geneviève Chabot a utilisé la close sur les contribubeurs de ptaff.ca qui stipule que ptaff.ca encourage les auteurs à joindre ses rangs; il suffit d'une idée originale et d'un appétit pour le travail bien fait.

Je recopie son texte ici. Les hyperliens sont de l'éditeur.

Lac Cavan, 8 octobre 2010

On a beaucoup parlé de la lutte des gens de Sept-Îles contre le projet de mine d’uranium sur leur territoire. On parle actuellement beaucoup du débat entourant l’exploitation des gaz de schiste. Pendant ce temps, à quelques 975 km de là, dans la région du Nord-du-Québec, la première mine d’uranium au Québec est en train de se frayer un chemin parmi les épinettes, sans faire de bruit.

Ressources Strateco, une jeune compagnie uranifère basée à Boucherville, mais dont les deux principaux actionnaires sont à Toronto et New York, met le paquet pour que le Projet Matoush devienne la première mine d’uranium au Québec, à l’aube de 2014. Le projet est actuellement à l’étape de l’obtention du permis d’exploration, mais les forages de surface ont commencé depuis 2009.

Qu’est-ce que quelques petits trous dans la terre et quelques tonnes de pierre remuées pourraient bien déranger dans ce coin perdu, de toute façon?

Ce coin perdu, situé à 275 km au nord de la ville mythique de Chibougamau, est aussi le territoire traditionnel de chasse des Cris. Il se trouve également à 15 km du futur parc national Albanel-Témiscamie-Otish et à une centaine de kilomètres du Lac Mistassini, le plus grand lac d’eau douce du Québec. Le site est aussi et surtout en plein cœur des monts Otish, “là d’où originent les eaux”, comme disent les Cris.

Carte illustrant où se trouve le projet Matoush au Québec

C’est que les eaux provenant des monts Otish alimentent la baie James et le fleuve Saint-Laurent. « En effet, c’est au coeur de ces montagnes que prennent source plusieurs de nos plus grandes rivières, soit les rivières Rupert, Eastmain, La Grande, Péribonka, aux Outardes et Manicouagan. »

Donc, Ressources Strateco projette d’installer sa première mine d’uranium sur rien de moins que le « pivot hydrographique du Québec ». Je dis première, car si cette mine voit le jour, elle ouvre la porte aux autres mines d’uranium potentielles dans le secteur.

Comme d’autres résidents du coin, je suis inquiète. Pour me rassurer, les membres de la Conférence régionale des élus de la Baie-James (CREBJ) ont pris la responsabilité d’informer leur population en organisant des séances d’information dites « objectives ». Pour ce faire, ils ont entre autres invité des experts de Genivar, une firme d’ingénieurs-conseils, qui compte notamment Ressources Strateco au nombre de ses clients.

M.Rhéaume, physicien et directeur de la division nucléaire chez Genivar, nous a expliqué la question des résidus miniers de la façon suivante: « Après avoir extrait l’uranium pur, ce qu’on retourne dans les résidus [les radioéléments], c’est exactement ce qui était dans la nature. On les retourne, après avoir été traités chimiquement dans l’usine de concentration. » Quasiment écologique. Selon M.Rhéaume, « les risques ne sont pas là », en ce qui a trait à l’exploration de l’uranium.

Je suis ressortie de cette séance d’information avec l’impression que l’uranium était un produit naturel comme les autres, au même rayon que le magnésium, le calcium et les baies de goji. Dans le fond, l’uranium n’est pas plus toxique que d’autres substances. Selon le Dr Plante, médecin et directeur de la santé et sécurité à la centrale nucléaire de Gentilly-2, tout est une question de dose. Si on contrôle la dose de radiation qu’on absorbe, tout est tiguidou.

Peu satisfaits de cette séance d’information à laquelle il manquait vraisemblablement une partie, quelques-uns d’entre nous ont formulé le souhait de recevoir la visite d’intervenants critiques et indépendants capables de nous présenter l’envers de la médaille.

Ce à quoi les élus, parmi lesquels le député Luc Ferland, ont répondu en chœur qu’ils n’inviteraient pas d’opposants au nucléaire, mais seulement des scientifiques neutres. La neutralité, c’est aussi ce qu’a évoquée Gary James, directeur du Centre d’études collégiales de Chibougamau, en refusant la venue dans son établissement de médecins critiques s’étant impliqués à Sept-Îles, dont le Dr Isabelle Gingras et le Dr Eric Notebaert, pour participer à un débat sur l’uranium organisé par les enseignants. Neutre, M.James peut difficilement l’être, en tant que président du conseil d’administration de la Table jamésienne de concertation minière (TJCM), dont la mission est de soutenir le développement de l’industrie minière dans la région.

Donc, si j’ai bien compris, dans le débat sur le projet Matoush, on est soit neutre ou contre. Dans le Nord-du-Québec, on ne veut pas entendre les spécialistes en défaveur de l’industrie nucléaire. Même s’il s’agit de docteurs en physique nucléaire renommés comme le Dr Michel Duguay ou le Dr Gordon Edwards, qui donne des conférences dans le monde entier sur les risques du nucléaire. Pas de danger qu’on les invite. Dans le Nord-du-Québec, on veut pas se faire gâcher notre party.

Malgré leur déguisement de neutralité, les élus sont favorables au projet. Soit. Qu’ils trouvent que la création de tout au plus 300 emplois pendant environ 12 ans (la durée projetée d’exploration et d’exploitation de la mine) et des redevances de 2% à l’État valent les risques pour la santé des populations cries et jamésienne et la contamination potentielle et irréversible d’un site avec les résidus miniers radioactifs pour des centaines de milliers d’années, c’est leur opinion. Mais qu’ils censurent les intervenants ayant un avis divergent en leur refusant une tribune sur leur territoire, c’est qu’ils ont oublié que c’est par la démocratie qu’ils ont été élus.

Lors de la consultation pour le projet de loi 79, modifiant la loi sur les mines, le ministre délégué aux Ressources naturelles et à la faune, Serge Simard, a demandé aux membres de la CREBJ s’ils envisageaient de tenir un forum sur l’uranium dans le Nord-du-Québec, pour maximiser l’information à la population. Ce à quoi la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, a répondu que « nous, dans le fond, ce qu’on a fait, c’est un forum perpétuel ».

À part les trois articles à saveur d’infopub sur l’uranium qui prenaient deux pages pleines du journal local, et ce, le jour même de la première phase des audiences publiques sur le projet Matoush à Chibougamau, je n’ai pas vu de forum. Encore moins perpétuel.

La mairesse de Chibougamau scande à tous les vents qu’ils ont fait leur job et que la population de la région est très bien informée. Si madame la mairesse, qui siège également sur le conseil d’administration de la TJCM, s’est chargée de la neutralité de l’information que nous avons reçue, je ne suis pas rassurée. Comme elle l’a exprimé devant la commission sur le projet de loi 79, « si vous mettez un moratoire demain matin sur le développement de l’uranium, nous on est déçus. »

Moi, quand je suis déçue, je ne suis pas neutre.

J’aimerais que les élus pensent le développement de la région en visionnaires plutôt qu’en opportunistes, qu’ils admettent qu’il y a beaucoup d’incertitudes scientifiques entourant l’exploitation de l’uranium, et qu’ils reconnaissent le droit de la population d’avoir accès à cette information. S’ils ont si peur d’un débat ouvert sur la question, c’est peut-être justement parce qu’il y a de bonnes raisons de ne pas rester neutre.

Marie-Geneviève Chabot
Résidente du Nord-du-Québec

Liens et sources

Ce texte a aussi été publié sur Cyberpresse.

Histoire populaire du Québec: le peuplement sous Jean Talon

Couverture l’histoire du Québec, tome 1

Afin de compléter mes connaissances sur l'histoire du Québec, j'ai entrepris la lecture de l'Histoire populaire du Québec, des origines à 1791 de Jacques Lacoursière. (Vous pouvez consulter la première partie portant sur Jacques Cartier, trappe et pêche.)

Je recopie ici les extraits qui m'ont marqué.

Le peuplement sous Jean Talon

Entre la découverte de l'Amérique par Cartier et le premier établissement permanent en Nouvelle-France par Samuel de Champlain, il s'écoule 74 ans (de 1534 à 1608).

Entre 1608 et 1660, seulement 20 colons par année en moyenne s'établissent en Nouvelle-France. C'est à cette période (1647) que l'ancêtre de tous les Tremblay d'Amérique, Pierre Tremblay, arriva en Nouvelle-France.

En 1665, le régiment de Carignan-Salières est envoyé en Nouvelle-France afin de prêter main-forte à la colonie. Ce régiment, après avoir guerroyé contre les Amérindiens, retourna en France en 1667 et 1668. De ces soldats, 400 décident de demeurer en Nouvelle-France pour s'y établir. Aucun n'a plus de 40 ans.

Nombre de ces soldats donneront les noms à des villages, aujourd'hui devenus villes. Il s'agit de Jacques de Chambly, Antoine Pécaudy de Contrecoeur, Michel-Sidrac Dugué de Boisbriand, Pierre de Saurel, Pierre de Saint-Ours, Louis de Niort de Lanoraye, Alexandre Berthier, Francois Provost, René Gaultier de Varennes, Séraphin Margane de Lavaltrie, François Jarret de Verchères et Thomas-Xavier Tarieu de Lanaudière et de la Pérade.

De 1663 à 1673, 800 Filles du roi vinrent s'établir en Nouvelle-France afin de compenser le déséquilibre démographique causé par l'établissement des soldats de Carignan et des nombreux colons célibataires. Une prime de 50 livres est offerte par le roi à ceux qui les épousent. Plusieurs descriptions ont été faites de ces Filles du roi, dont celle de Louis Armand de Lom d'Arce, qui écrit à leur propos que

Ces vestales étaient pour ainsi dire entassées les unes sur les autres en trois différentes salles, où les époux choisissaient leurs épousent de la manière que le boucher va choisir les moutons au milieu d'un troupeau. Il y a avait de quoi contenter les fantasques dans la diversité des filles de ces trois sérails, car on en voyait de grandes, de petites, de blondes, de brunes, de grasses et de maigres; enfin chacun y trouvait chaussure à son pied. Il n'en resta pas une au bout de quinze jours. On m'a dit que les plus grasses furent plus tôt enlevées que les autres, parce qu'on s'imaginait qu'étant moins actives elles auraient plus de peine à quitter leur ménage et qu'elles résisteraient mieux au grand froid de l'hiver, mais ce principe a trompé bien des gens.

En 1673, l'envoi des Filles du roi cesse, d'une part parce que ces mariages coûtaient cher à la couronne, d'autre part parce que l'équilibre démographique est rétabli. Ceci permet aux filles du pays de trouver mari, car celles-ci étaient désavantagées face aux Filles du roi, leur potentiel mari ne recevant pas de prime pour les épouser.

En 1669, Jean Talon prend en main l'accroissement de la population. Tous les garçons de plus de 20 ans, et toutes les filles de plus de 16 ans qui ne sont pas mariés reçoivent une amende, au rythme d'une à tous les 6 mois. De même, les garçons de moins de 20 ans et les filles de moins de 16 ans qui se marient reçoivent une prime nommée le « présent du roi ».

En avril 1669, une prime est offerte aux familles nombreuses: 300 livres pour le 10ème enfant vivant, 400 livres pour le 12ème.

Le 20 octobre 1670, les hommes célibataires de plus de 20 ans reçoivent une mise en demeure les enjoignant à se marier à une Fille du roi, au plus tard 15 jours après l'arrivé du navire au port. S'ils optent de rester célibataire, ils seront condamnés à « être privés de la liberté de toute sorte de chasse et de pêche et de traite avec les Sauvages, et de plus grandes peines si nécessaire ». Un des objectifs est de forcer la sédentarisation des coureurs des bois.

En 6 ans (de 1667 à 1673), ces mesures font augmenter la population de la Nouvelle-France de plus de 65%, passant de 4000 à 6700 habitants.

« Page précédentePage suivante »