L'usine pharmaceutique d'Al-Shifa

Yannick Lemieux
Soudan, 15 octobre 2005

J'étais en mission de paix pour l'ONU depuis plus de 5 mois à Khartoum, capitale du Soudan. Il y avait un site que je n'avais toujours pas visité et où je voulais absolument aller : l'usine de produit pharmaceutique d'Al-Shifa. Je  me suis dirigé, avec Assad notre guide local, vers cette usine, plus précisement 15°38′N 32°32′E. Cet endroit est sur la rive droite du Nil Bleu, au Nord de la ville de Khartoum, dans la banlieue communément appelée « Khartoum-North ». L'usine est à peine à plus de 20 minutes de voiture du quartier général de l'ONU, dans une partie de la ville qui me fait penser à Montréal-Est (les raffineries) mais en plus chaud!

On se rappellera que l'usine a été frappée en août 1998 par 3 missiles Tomahawk américains à partir de l'océan Indien, car la CIA la soupçonnait d'être une fabrique d'armes de destruction massive. Cette attaque, combinée à l'attaque de camps d'entraînement en Afghanistan, était une réplique aux attentats contre des ambassades américaines en Afrique de l'est.

Ce qui frappe le plus en arrivant sur les lieux, c'est l'étendue de la destruction de l'usine et la précision du raid. En effet, bien que l'usine ait été complètement rasée, les bâtiments aux alentours n'ont subi aucun dommage. Me voici donc devant un bel exemple d'une frappe chirurgicale. Les militaires ont bien fait leur travail. Par contre, dommage que le gouvernement Clinton se soit trompé de cible!

Le complexe industriel était composé d'environ 4 bâtiments majeurs d'après ce que j'ai pu voir. Trois étaient complètement détruits (il y a eu 3 missiles Tomahawk) et le 4^e a été fortement endommagé. L'endroit était squatté par des réfugiés, nombreux dans la capitale. Charmant.

La visite dure environ 45 minutes, le site n'est pas particulièrement vaste, la chaleur étouffante nous pousse à retourner vers la fraicheur de l'air climatisé des véhicules.

Que nous a appris cette visite? Premièrement, que c'est drôlement impressionnant de voir un site pareil, la précision du raid a été phénoménale. Aussi, ce fut curieux de voir ce que le gouvernement soudanais a fait avec le site. En un mot : rien! Rien n'a été déplacé, on dirait que le raid a eu lieu le mois passé, bien que le site ait été touché plutôt en 1998, il y a plus de 7 ans. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils détruisent ce site, qu'ils en exploitent la grande valeur propagandiste/touristique en en faisant une sorte de monument ou de « memorial » comme le disent si bien les anglophones. C'est en fait décevant de voir que rien a été fait, à l'image de bien d'autres choses dans ce pays!