Typologie de la blogosphère québécoise

Miguel Tremblay
Octobre 2009

Introduction

La blogosphère exerce une influence sur l'environnement médiatique et sur le public en général qui est difficilement quantifiable. Certes, les experts de cet espace publient leur palmarès des gens les plus importants selon eux, mais un classement n'est pas une représentation.

Afin de mieux comprendre l'impact des blogues sur la façon dont est véhiculée l'information dans notre société, ainsi que de mieux cerner les interactions qu'ils ont entre eux, je présente ici une typologie des blogues québécois. Cette typologie est basée sur mon expérience des blogues québécois, tant du point de vue d'auteur que de lecteur.

Cette typologie est composée de 3 types de blogues. Pour chacun de ces blogues, je propose une analyse en 4 temps, soit :

  • Une description du type de blogues en question : sujet abordés, lectorat, etc.;
  • Le profil des auteurs;
  • Des exemples de ces blogues;
  • Les commentaires laissés sur ces blogues.

Type 1 — La blogosphère M ou la blogosphère de masse

Description

Les blogues de cette blogosphère créent et véhiculent les courants de pensée majoritaire. Les sujets abordés sont ceux que l'on retrouve dans les médias traditionnels : sport, actualité, politique, finances, etc.

Il existe également une spécialité qui est surreprésentée par rapport aux traitement habituellement fait dans les médias traditionnels : il s'agit des billets concernant la technologie (illustré par le cercle pointillé avec le « S » dans le diagramme à la fin de ce billet). La popularité de ce sujet dans la blogosphère M peut être expliquée par l'expertise technologique moyenne des internautes : elle est supérieure à celle du public en général, public auquel s'adresse les médias traditionnels. Il est ainsi possible de faire de la technologie un sujet de masse en utilisant internet comme moyen de diffusion.

Cette blogosphère est autonome, elle n'a pas besoin de la reconnaissance d'autres blogues pour être populaire. Les blogues de la blogosphère M appartiennent à des corporations médiatiques, la majorité d'entre eux existant avant l'ère d'internet (journaux, magazines). La publicité et la visibilité de ces blogues sont assurées par la corporation qui assure sa publication.

Les sujets abordés seront souvent par la suite repris et analysés par une multitude de blogues, essentiellement par ceux de la blogosphère C (description ci-bas).

Auteurs

Les auteurs de ces blogues sont des personnes ayant déjà une notoriété avant de devenirs blogueurs. La plupart du temps, ils occupent un métier de journaliste ou de chroniqueur, leur blogue n'étant qu'une plateforme de diffusion alternative ou supplémentaire pour leurs écrits. Ces auteurs bénéficient ainsi d'une double notoriété : la leur et celle de la compagnie qui les emploie.

De plus, le soutien technique leur est fourni par la corporation qui héberge leur blogue. Les auteurs de la blogosphère M peuvent donc se concentrer uniquement sur l'écriture, sans trop se soucier du côté technique qu'implique un blogue.

Les commentaires

Le nombre de commentaires pour chaque billet de cette blogosphère est grand, pouvant s'élever à plusieurs dizaines par billet. Peu informatifs, très souvent mal écrits, tant au niveau de l'orthographe que de la syntaxe, il n'est pas rare d'assister à des prises de bec entre commentateurs, allant souvent jusqu'à l'insulte.

Ces commentaires ont tout de même une valeur informative, notamment puisqu'ils permettent de prendre le pouls d'une certaine population sur un sujet donné. Ils donnent très rarement une perspective différente ou de l'information pertinente, ces autres opinions se retrouveront plutôt dans des billets de la blogosphère C portant sur le même sujet. On se lasse rapidement de la lecture des commentaires publiés sur la blogosphère M.

Exemples

Type 2 — La blogosphère C ou la blogosphère communautaire

Description

Chaque blogue appartenant à la blogosphère C traite de plusieurs sujets. Souvent, ils commentent les sujets qui ont été traités dans la blogosphère M et les médias traditionnels, mais ils ont aussi une part de contenu qui leur est unique.

Ces blogues sont gérés par des individus, que ce soit seul ou de façon collective. Ils ne sont pas le fait de corporations médiatiques. Comme ils n'ont pas le soutien et la machine publicitaire pour donner de la visibilité à leur blogue, ils sont moins populaires que ceux de la blogosphère M. De ce fait, ils doivent publier régulièrement et sur une longue période pour acquérir une certaine notoriété. Ces blogues doivent se fier sur l'originalité du point de vue ou le traitement de sujets inédits pour se faire connaître.

Les blogues de la blogosphère C se pollinisent entre eux. Ils se citent souvent d'un blogue à l'autre, écrivent des commentaires sur leurs blogues favoris, reliant ainsi leur nom à leur blogue par un hyperlien dans la section commentaire. C'est en cela qu'ils forment une communauté.

C'est souvent cet aspect communautaire qui est mis de l'avant par les exégètes du Web 2.0, pour justifier la révolution que constitue le concept de blogosphère. Des trois types de blogosphères décrits ici, c'est cet aspect qui nécessite le plus d'investissement humain ainsi qu'une compréhension des règles qui régissent la blogosphère C. Les 2 autres types de blogosphères, M et S, peuvent être appréhendées avec la seule compréhension des médias traditionnels, ce qui n'est pas le cas de celle-ci.

Contrairement à la blogosphère M, il peut y avoir une infinité de blogues appartenant à la blogosphère C, l'importance du lectorat n'est pas un critère pour faire partie de ce type.

Une forme de consécration possible d'un blogue de la blogosphère C est qu'un de ses billets soit repris dans la blogosphère M ou encore dans les médias traditionnels.

Auteurs

Les auteurs de la blogosphère C occupent des métiers professionnels : professeurs, pigistes, spécialistes en technologie de l'information, recherchistes, etc.

Les auteurs de ces blogues ont ceci de particulier qu'ils se connaissent entre eux et aiment à se fréquenter, que ce soit dans le monde réel ou en publiant des commentaires sur les blogues de leur connaissance. Les associations comme YulBlog sont composées essentiellement des auteurs de la blogosphère C, quoique certains auteurs de la blogosphère S s'y greffent aussi parfois.

Le respect mutuel de ces auteurs est présent, quoique l'empoignade par billets interposés entre blogueurs ne soit pas pour autant exclue.

Les commentaires

Les commentaires sur la blogosphère C sont peu nombreux, la plupart du temps moins de 5 par billet, et ils sont habituellement d'une plus grande qualité que ceux de la blogosphère M. Ils sont souvent rédigés par un habitué du blogue ou encore un membre de la communauté de cette blogosphère.

Exceptionnellement, les billets traitant de sujets chauds donneront lieu à une longue série de commentaires.

Les commentaires de la blogosphère C servent essentiellement à 4 fins :

  • Commentaire humoristique;
  • Information complémentaire;
  • Faire voir un autre point de vue que l'auteur sur le sujet du billet;
  • Lien vers un autre billet de la blogosphère C faisant suite à ce billet (rétrolien).

Exemples

Type 3 — La blogosphère S ou la blogosphère spécialisée

Description

Les blogues traitant d'un seul sujet composent la partie de la blogosphère S. Les sujets peuvent être pointus comme la science, la cuisine, la mode, les web télés, etc. J'inclus également les blogues de type journal intime, chaque moi étant aussi un sujet spécialisé, ainsi que les blogues corporatifs ayant pour objectif de faire connaître les actualités de leur compagnie. Ces blogues peuvent donc être le fait de corporations ou non.

Ces blogues profitent de l'espace qu'offre internet pour publier de l'information qui ne pouvait autrefois être publiée dans les médias traditionnels. On pense par exemple aux blogues académiques qui font un travail de vulgarisation et de communication sur des sujets pointus; ces publications n'auraient pas leur place dans un média de masse, ni donc la blogosphère M.

Les billets de la blogosphère S font parfois des liens à d'autres blogues traitant de la même spécialité, mais rarement à des blogues hors de leur champ. Ils vont à l'occasion faire des liens à des blogues de la blogosphère M, mais seulement lorsque ceux-ci abordent les sujets qui les concernent.

La popularité n'est pas un facteur pour appartenir à la blogosphère S.

Les billets de la blogosphère S vont souvent être utilisés comme références ou comme sources faisant autorité sur des blogues de la blogosphère M ou C.

Auteurs

Les auteurs de la blogosphère S sont bien sûr des spécialistes ou des professionnels du domaine qu'ils abordent sur leur blogue. Ils travaillent souvent dans ce domaine et bloguer à ce propos est un moyen de vulgarisation ou de publicité.

Ces blogues ne sont pas le gagne-pain de ces auteurs. Il ne s'agit que d'une activité connexe à leur travail.

Les commentaires

Les types de commentaires sur ces blogues sont en phase avec le sérieux du blogue, sa popularité et le sujet traité. Un blogue scientifique aura essentiellement des commentaires de scientifiques rédigé sur un ton scientifique, alors que ceux qui sont sous forme de journal intime auront plutôt des commentaires qui ont plutôt un ton de discussion entre amis.

C'est dans la blogosphère S qu'il est possible de combiner popularité et qualité des commentaires. En effet, un blogue portant sur un sujet pointu aura habituellement un lectorat qui est très proche des intérêts de l'auteur, ce qui permettra d'avoir des commentaires constructifs.

Exemples

Diagramme

Diagramme portant sur la typologie des blogues québécois

Typologie de la blogosphère québécoise

Création : 12 octobre 2009
Villeray
N 45° 33′ W 73° 36′

Typologie de la blogosphère québécoise

Dernière mise à jour : 12 octobre 2009,
Villeray,
N 45° 33′ W 73° 36′