Du refroidissement éolien et du facteur humidex
(Critique des indices)

Miguel Tremblay
physicien
31 mai 2003

Vous pouvez écouter une entrevue de l'auteur de cet article à Radio-Canada à l'émission Vous êtes ici.

Présentation

Si vous habitez au Canada, vous êtes sûrement familier avec les concepts de refroidissement éolien, aussi appelé facteur vent, et du facteur humidex. Ces indices sont annoncés de façon régulière pendant les saisons d'hiver et d'été, respectivement, à la suite de la température dans les bulletins météorologiques de ce pays.

Sur le site web d'Environnement Canada, on retrouve le terme « Refr. éolien » pendant l'hiver et « Humidex » pendant l'été, alors que le site web de Météomédia utilise « Temp. ressentie » pour traiter les deux indices, évitant de changer de terme en fonction des saisons.

La section « Naissance » relate l'origine de ces indices. Dans la section « Pourquoi être contre ces indices? » on retrouve la description des principaux griefs concernant le refroidissement éolien. Les sections « Répercussion du refroidissement éolien sur l'économie » et « Par quoi remplacer ces indices? » ont été rédigées suite à la réception de courriels d'internautes faisant part de leur expérience. On retrouvera ensuite un exposé mathématique portant sur les formules utilisées pour calculer les indices.

Plusieurs pages du site web d'Environnement Canada ont été retirées depuis la parution de cette page en 2003. Lorsque les informations se trouvent ailleurs, les hyperliens mènent désormais vers le nouvel emplacement. Dans le cas contraire, ils mènent vers la page archivée sur le site Internet Archive WaybackMachine.

Naissance

Les origines du refroidissement éolien (facteur vent)

Les informations que l'on trouve dans cette section proviennent, majoritairement, du site web d'Environnement Canada, lieu de génèse de cet indice. Je vous invite d'ailleurs à le consulter pour plus d'information, il est très complet et explique clairement d'où provient cet indice.

Il est important de savoir que le refroidissement éolien a été réinventé en février 2001. En effet, « bien que la température équivalente de refroidissement éolien était supposée être la température qui aurait causé le même refroidissement par vent très léger, ce n'était pas le cas [...] ».

« La formule originale de refroidissement éolien était dérivée d'expériences menées en 1939 par des explorateurs [américains] de l'Antarctique, Paul Siple et Charles Passel. Ces intrépides scientifiques ont mesuré combien de temps il fallait pour congeler l'eau contenue dans un petit cylindre de plastique exposé au vent à l'extérieur ».

Cette formule était obsolète et donnait lieu à des confusions dans certaines circonstances. Environnement Canada a donc décidé de tenir en avril 2000 un Atelier Internet sur le refroidissement éolien pour qu'il soit mieux adapté à la réalité. Plutôt que d'être basé sur un cylindre d'eau, « le nouvel indice est fondé sur un modèle de la rapidité avec laquelle le visage humain perd sa chaleur. Nous avons choisi la figure parce qu'elle est la partie du corps la plus souvent exposée au temps dangereux hivernal, en supposant que des vêtements convenant au temps couvrent le reste du corps ». Il est pertinent de lire quelles sont les hypothèses prises en compte pour ce nouvel indice. Un avant goût: « Il [le refroidissement éolien] utilise un seuil de vent calme de 4,8 km/h. On a obtenu cette valeur en observant la vitesse à laquelle les gens marchent quand ils traversent une intersection ».

Les origines du facteur humidex

De même que pour le refroidissement éolien, les informations pour le facteur humidex proviennent essentiellement du site web d'Environnement Canada et du document de Masterson et Richardson[1]. J'ai obtenu ce document en faisant la demande à Environnement Canada qui me l'a gracieusement fait parvenir. Merci.

« L'humidex est une innovation canadienne utilisée pour la première fois en 1965. Ce sont les météorologues canadiens qui l'ont inventé pour indiquer de quelle manière le temps chaud et humide est perçu par la moyenne des gens ».

Ce facteur est moins bien documenté que le refroidissement éolien puisqu'il n'a pas fait l'objet d'une refonte au cours des dernières années. Bien que ce ne soit pas écrit sur le site d'Environnement Canada, la manière de calculer le facteur humidex est présentement basée sur les travaux de J.M. Masterson et F.A. Richardson qui ont publié une étude nommée « A method of quantifying human discomfort due to excessive heat and humidity ». Cette étude a été publiée en 1979 par Environnement Canada. Si on omet les graphiques et les cartes indiquant les différents taux d'humidex en Ontario, le contenu de cette publication tient sur 8 pages, incluant une revue de littérature sur l'indice humidex.

Le facteur humidex est basé sur l'observation que la chaleur intense, accompagnée par un haut taux d'humidité, entraîne un malaise physique. Dans des cas extrêmes, lorsque les effets combinés de la température et de l'humidité approchent la température normale du corps (37°C), ce malaise devient un danger pour le corps humain.

Lors de la création du facteur humidex, en 1979, 22 personnes par année mouraient « d'insolation ou de chaleur excessive » au Canada. Ce nombre représente les morts causées directement par la chaleur. Il n'inclut pas les crises cardiaques ou autres conséquences pouvant être engendrées par une trop grande chaleur.

Le facteur humidex a donc été créé pour quantifier et comprendre le degré de risque pour le corps humain en cas de chaleur ET d'humidité excessive.

Le calcul de l'humidex est basé sur:

  1. La température ambiante;
  2. La pression de vapeur;
  3. Le point de rosée.

Il faut également souligner que s'il est normal qu'un pays nordique comme le Canada se dote d'un indice pour indiquer les grands froids venteux, il est moins évident qu'un indice pour les grandes chaleurs humides soit également requis. En effet, de nombreux pays connaissent des chaleurs et des taux d'humidité beaucoup plus importants et ils n'ont pourtant pas le besoin de créer un indice. Le facteur humidex n'a d'ailleurs pas été adopté, du moins pas à ma connaissance, dans les pays tropicaux. Comme sa popularisation est survenue après celle du refroidissement éolien, c'est peut-être par souci de symétrie, ou encore d'équité envers l'été, qu'il a été popularisé. Si on peut exagérer le froid en hiver, pourquoi n'en serait-il pas de même avec la chaleur en été?

Pourquoi être contre ces indices?

1. On utilise la science pour quantifier une sensation.

Je ne conteste aucunement le fait que la sensation de froid est plus vive lorsqu'il vente ou encore que nous avons l'impression qu'il fait plus chaud l'été lorsque le taux d'humidité est élevé. Là où il y a un problème, c'est dans l'invention d'une formule chiffrée pour décrire cette réalité. La science n'a pas réponse à tout et inventer une formule ayant comme finalité le chiffrement d'une « sensation » est un travestissement de la science pour un but qui lui est impropre et qui ne lui appartiendra jamais. Une sensation est spécifique à chaque individu. La science étudie des phénomènes REPRODUCTIBLES, ce qui ne saurait, par définition, s'appliquer à une sensation.

2. Le refroidissement éolien et le facteur humidex sont du sensationnalisme météorologique.

La météo est l'un des rares domaines scientifiques auquel la totalité des gens ont accès et ont une opinion. Les présentateurs météo - la nuance entre présentateurs météo et météorologues est très importante - sont donc des apôtres de la vulgarisation scientifique, tout en n'ayant pas nécessairement une formation scientifique. On a qu'à penser à l'écrivain Dany Laferrière qui a déjà présenté le bulletin météo à TQS ou à la comédienne Pauline Martin à l'émission du matin à Montréal sur la première chaîne de Radio-Canada pour s'apercevoir qu'il ne faut pas être météorologue pour parler de météo avec autorité.

La météo s'adresse au grand public. Les canaux diffusant cette information, la radio et la télévision, rivalisent d'audace et d'innovations pour présenter les prévisions. L'infographie utilisée pour montrer les cartes géographiques, sur lesquelles il est possible de voir les précipitations par exemple, est très complexe et chaque réseau possède son propre style de présentation.

Le refroidissement éolien et le facteur humidex sont des créations nées de l'inflation des moyens utilisés par les médias afin de captiver leur auditoire. Il est bien plus impressionnant et marquant de dire: « Il faisait -34°C avec le vent » que « Il faisait -20°C avec un vent de 40 km/h ». Ces indices sont en fait des artifices mathématiques pour ramener des mesures (le vent pour le refroidissement éolien et le taux d'humidité pour le facteur humidex) dans des unités qui leur sont impropres (les degrés Celsius), mais comprises plus aisément. Il s'agit donc de sensationnalisme météorologique, puisque l'information est présentée de façon à dramatiser la réalité pour attirer l'attention de l'auditeur.

3. Un indice qui est fonction de deux mesures ne donne pas plus d'information que les deux mesures en elles-mêmes.

Plutôt que de donner deux mesures (température et vitesse du vent; température et taux d'humidité) aux gens qui devraient assimiler leur importance et leur interdépendance, on préfère les fusionner dans une formule qui ne correspond à rien de naturel.

4. Le refroidissement éolien fait usage d'hypothèses qui sont plus que discutables et dont les gens ignorent tout.
  • Il utilise la vitesse du vent calculée à la hauteur moyenne du visage humain (environ 1,5 m) au lieu de la hauteur standard de l'anémomètre (10 m). On effectue la correction en multipliant la valeur à 10 mètres (celle indiquée dans les observations météo) par un facteur 2/3. La vitesse du vent à 1,5 mètre du sol correspond-elle vraiment aux deux tiers de celle du vent à 10 mètres et ce, de façon constante?

  • Il est fondé sur un modèle du visage humain, et incorpore la théorie moderne du transfert de chaleur, soit la théorie indiquant la quantité de chaleur perdue par le corps vers son environnement lors de jours froids et venteux. Le modèle du visage humain, comment, sur qui et quand a-t-il été construit? Est-il possible de baser une mesure sur quelque chose d'aussi variable que la morphologie d'un visage humain? Qu'arrive-t-il pour ceux qui arborent fièrement la barbe?

  • Il utilise un seuil de vent calme de 4,8 km/h. On a obtenu cette valeur en observant la vitesse à laquelle les gens marchent quand ils traversent une intersection. Les gens traverseraient une intersection en moyenne à 4,8 km/h... Par temps venteux et froid?

Ces éléments pris un à un ont peut-être un certain sens, mais il faut être conscient que ce ne sont que des valeurs statistiques ou encore un modèle (la chaleur) dépendant de l'état des connaissances au moment où ils sont utilisés. Je ne doute pas de la bonne foi des gens qui ont conçu la formule du refroidissement éolien, seulement du but qu'ils cherchaient à atteindre.

Environnement Canada a d'ailleurs fait un sondage pour prendre connaissance de la compréhension du refroidissement éolien par les Canadiens. Les résultats sont éloquents et montrent bien que ce facteur entraîne une confusion qui ne saurait avoir lieu avec la simple vitesse du vent.

De la page « Recherche en opinion publique sur le refroidissement éolien au Canada » du site d'Environnement Canada: « [...] bien qu'il y a une bonne compréhension du refroidissement éolien à un niveau superficiel, il y a des idées fausses, particulièrement en rapport avec l'effet du refroidissement éolien sur les objets comme les voitures (la moitié des répondants ont dit que le refroidissement éolien peut abaisser la température de l'auto au-dessous de celle de l'air ambiant), ou avec la relation entre le refroidissement éolien et la température, puisque 40 % des répondants ont dit, erronément, que même à l'abri du vent, ils auraient l'impression, un jour de vent, de se trouver à une température inférieure à celle de l'air ».

Passons outre qu'il est possible d'avoir une bonne compréhension à un niveau superficiel. On voit que cet indice n'est pas compris alors qu'il est clair, à mon sens, que lorsque l'on est à l'abri du vent, il ne vente pas. Ces indices, plutôt que d'informer les gens sur une réalité, les induisent en erreur.

Répercussion du refroidissement éolien sur l'économie

Jusqu'à récemment, le refroidissement éolien n'était utilisé que de ce côté-ci de l'Atlantique, c'est-à-dire en Amérique du Nord. Les Européens ne connaissaient pas alors la nouvelle mode météorologique ayant cours ici. En janvier 2004, des froids sibériens frappèrent le Canada. Les informations devenant facilement transmissibles d'un continent à l'autre, le fameux « il faisait -55 », qui implique le refroidissement éolien, est parvenu aux oreilles des habitants des vieux pays. Sans nuance. Sans explication. De quoi faire peur.

Mise à jour (août 2013) : À l'hiver 2012-2013, le refroidissement éolien a fait son apparition dans les bulletins météorologiques en Europe suite à une vague de froid. À l'été 2013, il en fut de même pour le facteur humidex.

Ce n'est sûrement pas très profitable pour la réputation touristique de notre nation, cette propension à utiliser ces grands nombres négatifs. Au pire, ils considéreront que le Canada est un endroit qu'il vaut mieux éviter l'hiver. Pour quelqu'un n'ayant jamais connu, ni une température plus basse que -10°C, ni un annonceur météo canadien, il y a de quoi être effrayé. Je vois mal comment vanter les beautés hivernales d'un pays tout en criant sur tous les toits qu'il connaît des températures de -55. Au mieux, s'ils découvrent ce qu'est le refroidissement éolien, ils sauront qu'il n'ont pas l'heure juste lorsqu'il est question de température au Canada. Ils n'assimileront pas les nuances, nous en sommes nous-mêmes incapables. Ce n'est pas en notre honneur.

Localement, le refroidissement éolien ne fait sûrement pas l'affaire des propriétaires d'entreprise de plein-air. Prenons le ski de fond. S'il faisait -15°C mais que le refroidissement éolien indiquait une valeur de -32, resteriez-vous à la maison plutôt que de faire la randonnée en forêt que vous aviez prévue? Si par contre, vous saviez qu'il fait -15°C et qu'il vente très fort, vous auriez probablement le réflexe de vous dire qu'en forêt, vous êtes à l'abri du vent et que sa force n'est pas si importante. Une réalité. Deux manières de l'aborder. Une, issue d'un flou mathématique, l'autre, de quantités mesurables et accessibles. Laquelle prévaut en ce moment?

La forge mathématique

Regardons comment ces indices furent forgés pour nous donner la température ressentie.

Le facteur humidex

Commençons par la formule, décortiquant chaque terme avant de regarder ce que leur réunion peut bien donner.

La formule permettant d'obtenir l'indice du facteur humidex est:

H = H(T, h) = T + h, où { H est l'indice humidex, T est la température en degrés Celsius, h = (5 / 9)(e - 10), e est la pression de vapeur de l'eau en millibar (mbar) }

La pression de vapeur est calculée à l'aide d'une version modifiée de la formule de Clausius-Clapeyron. Je vous épargne les détails, si ce n'est que dans cette formule, la seule quantité n'étant pas une constante est le point de rosée. Le point de rosée est lui-même fonction de la température et du taux d'humidité relative. Ceci implique que le facteur humidex H est calculé en fonction de deux mesures: la température et le taux d'humidité relative.

H(T,h) et h(pt. rosée) ⇒ H = H(T, pt. rosée); H(T, pt. rosée) et pt. rosée(T, % d'humidité) ⇒ H = H(T, % d'humidité)

Jusqu'ici tout va bien.

Attardons-nous sur le travail fait avec la pression de vapeur (e) exprimée en millibars:

(e - 10)

On lui soustrait 10. 10 est un scalaire, c'est-à-dire qu'il n'a pas d'unité, et on le soustrait de millibars. C'est à la petite école que l'on apprend qu'il n'y a pas de sens à additionner des valeurs qui n'ont pas les mêmes unités. 4 pommes + 5 dollars = ? Premier accroc.

Pourquoi choisir le nombre 10? Parce que la pression de vapeur de l'eau est toujours supérieure à 10 millibars pour des températures supérieures à 7°C. Ceci implique que:

∀ T > 7°C, (e - 10) > 0; ⇒ h > 0; ⇒ H > T

Autrement dit, l'indice du facteur humidex est toujours supérieur à la température ambiante à partir du moment où il fait plus chaud que 7°C. C'est une conséquence recherchée puisque le facteur humidex doit représenter notre sensation de la chaleur, sensation qui nous dicte qu'il fait plus chaud. Le facteur humidex H doit donc être supérieur à la température, ce qui est le cas avec cette formule. Un choix judicieux mais tout de même, il s'agit d'un choix. On aurait pu prendre 9 ou 11 mais c'est 10 qui fut choisi.

Notons que pour des températures inférieures à 7°C, la formule du facteur humidex donnerait un nombre inférieur à la température ambiante. L'hypothèse de base, il doit faire plus chaud lorsque l'humidité augmente, restreint l'utilisation du facteur humidex à la saison estivale.

Pourrait-on conclure que la présence d'un haut taux d'humidité, à des températures inférieures à 7°C, donne une impression de plus grand froid? Oui, puisque l'eau contenue dans l'air sous forme de vapeur, l'humidité, augmente la capacité thermique de l'air. En présence d'air froid, cela implique qu'un volume d'air humide peut aspirer plus de chaleur que le même volume d'air sec. À température égale, l'air humide absorbera plus de chaleur que l'air sec, ce qui augmente la sensation de froid. Alors, pourquoi l'humidité n'est-elle pas prise en compte lorsque du calcul de la température ressentie en hiver?

Probablement parce qu'il existe déjà un indice pour la température en hiver (le refroidissement éolien) qui tient compte de la vitesse du vent. Étant donné la formule pour le refroidissement éolien (voir ci-bas), il est quasiment impensable, voire impossible, d'y introduire une autre variable. Dehors la notion d'humidité quand il fait froid. C'est plus simple et le pauvre citoyen s'y retrouve mieux.

Continuons notre exposé mathématique. Rappelons la formule du facteur humidex:

H = T + (5 / 9)(e - 10)

Mais d'où peut bien venir le facteur 5/9? La formule ayant été conçu par des Américains, ces derniers devaient utiliser des degrés Fahrenheit dans leur formule originale. Afin d'adapter la formule aux degrés Celsius, il suffit d'ajouter le facteur 5/9, utilisé dans la formule de conversion entre ces deux unités.

On prend des millibars, desquels on soustrait un scalaire (10), on le multiplie par une fraction (5/9), et que fait-on avec le résultat? On lui additionne la température ambiante en... degrés Celsius.

Le facteur humidex est une construction. On essaie de faire correspondre une sensation à une mesure, quitte à utiliser des moyens mathématiques « illégaux » comme additionner des millibars et des degrés Celsius dans la même formule.

Le refroidissement éolien

Jetons un coup d'oeil à ce qui est fait pour calculer le refroidissement éolien:

R = 13,12 + 0,6215T - 11,37(V^0,16) + 0,3965T(V^0,16) où { R est l'indice de refroidissement éolien; T est la température de l'air en degrés Celsius (°C); V est la vitesse du vent à 10 mètres, la hauteur standard de l'anémomètre, en (km/h) }

Première évidence, la vitesse du vent est élevée à la puissance 0,16. J'ignore la signification de la vitesse du vent en km/h à la puissance 0,16.

Deuxième évidence, on additionne un scalaire (13,12) à des degrés Celsius (0,6215*T), puis avec des (km/h) à la puissance 0,16, et finalement avec des °C multipliés par des km/h toujours à la puissance 0,16.

Le refroidissement éolien nouveau et amélioré se prête moins bien au décortiquement que le facteur humidex. Le facteur humidex est basé sur les équations thermodynamiques de la pression de vapeur et du taux d'humidité ambiante, tandis que le refroidissement éolien est une construction d'une toute autre sorte.

Le refroidissement éolien incorpore toutes les hypothèses dénombrées ci-haut et on en déduit des constantes utilisées directement dans une formule. La déduction de ces constantes n'est pas documentée sur le site web d'Environnement Canada, bien qu'il y ait une page ayant pour titre « Science du refroidissement éolien et équations ».

On peut douter de la manière dont furent incorporées les hypothèses. Il s'agit plus probablement d'un ajustement pour que les sensations ressenties par les 12 personnes (6 hommes et 6 femmes de 22 à 45 ans) représentant l'humanité se conforment aux données (température et vitesse du vent) des tests.

Soulignons que la seule personne identifiée pour ces tests (lire son témoignage) exerce la profession de météorologue. On peut se questionner sur la représentativité d'un météorologue lorsqu'il est question de température. Il n'a certainement pas l'opinion du citoyen moyen, alors qu'il est censé représenter le 1/12 de l'humanité. On ignore quelle est la profession des 11 autres participants mais il est probable, n'ayant qu'un cas pour extrapoler, qu'il s'agisse de collègues des personnes ayant conçu l'expérience. Si c'était le cas, non seulement l'échantillon est extrêmement réduit (12 personnes seulement), mais la méthodologie serait plus que douteuse pour déduire les sensations que les gens « ordinaires » devraient ressentir.

Par quoi remplacer ces indices?

Bien que rendus populaires par leur distorsion de la réalité vers des valeurs spectaculaires, les indices du refroidissement éolien et du facteur humidex convoient tout de même de l'information utile. Il existe en effet des conditions où le froid combiné au vent, où la chaleur combinée à l'humidité sont dangereux pour la santé. À l'inverse, lorsqu'il n'y a pas de danger pour les humains, ces indices ne devraient pas être communiqués ou devraient prendre une valeur claire et simple indiquant qu'il n'y a pas de danger.

Ainsi, plutôt que de délaisser ces indices, ne serait-il pas possible de les recadrer ou de les remplacer afin d'atteindre leur objectif d'origine : informer la population des risques engendrés par ces conditions météorologiques particulières? Voici mes propositions.

Remplacer le refroidissement éolien par le nombre de minutes pour une engelure

Afin d'avoir une information utile qui tient compte de la température froide et du vent, il serait possible de donner le nombre de minutes nécessaire à la peau exposée pour subir une engelure. Cette proposition est tirée du tableau d'interprétation du refroidissement éolien sur le site d'Environnement Canada.

Ces valeurs sont des approximations basées sur les données d'Environnement Canada pour le nombre de minutes nécessaires à la peau exposée pour subir une engelure en fonction de la température et de la vitesse du vent. Certaines valeurs ont été interpolées.
-12°C-14°C-16°C-18°C-20°C-22°C-24°C-26°C-28°C-30°C-32°C-34°C-36°C-38°C-40°C
10 km/h> 30> 30> 30> 30> 30262319141097654
15 km/h> 30> 30> 30> 302823191510976542
20 km/h> 30> 30> 303026211512986543< 2
25 km/h> 30> 30> 302823191410975432< 2
30 km/h> 30> 30> 30262117121086543< 2< 2
35 km/h> 30> 303024211510975532< 2< 2
40 km/h> 30> 30282419141097543< 2< 2< 2
45 km/h> 30> 30282317141086542< 2< 2< 2
50 km/h> 30> 3026211712976532< 2< 2< 2
55 km/h> 303026211510975432< 2< 2< 2
60 km/h> 30302419151097543< 2< 2< 2< 2
65 km/h> 30282419141087542< 2< 2< 2< 2
70 km/h> 30282317141086542< 2< 2< 2< 2

Cela impliquerait qu'il n'y aurait pas d'annonce de refroidissement éolien pour une grande partie des valeurs présentement diffusées, ce qui éviterait beaucoup de mésinformation lorsque la température réelle est plus chaude que -20°C, c'est-à-dire la plupart du temps dans les latitudes les plus densément peuplées du Canada et de l'Europe. Cela annulerait en grande partie l'utilisation superflue de cet indice, qui nuit à l'information appropriée du public en le noyant dans le sensationnalisme. Cependant, lorsqu'il est possible d'avoir des engelures, cette information est capitale et il est important que les gens habitant là où cette combinaison vent/froid se produit prennent conscience du danger. En transmettant seulement le nombre de minutes, cela permet à l'auditeur de prendre conscience du grand froid, puisqu'il n'entend pas souvent cette information, tout en pouvant estimer concrètement ce que veut dire ce nombre. Il ne craindra pas non plus pour son automobile qui ne démarre par lorsqu'il fait en dessous de -25°C, puisque l'information supplémentaire qui lui est fournie est celle concernant sa propre sécurité, c'est-à-dire le temps qu'il faut pour qu'il ait une engelure.

En utilisant le nombre de minutes pour une engelure, cela recadrerait le refroidissement éolien dans sa mission originale, prévenir le public d'un danger pour sa santé et lui donner l'information pertinente pour qu'il agisse en conséquence.

Remplacer le facteur humidex par le point de rosée

Le facteur humidex est plus difficile à remplacer que le refroidissement éolien. En effet, les dangers pour le corps humain exposé à la chaleur dépend varie selon une foule de paramètres : âge de la personne, la région (urbaine, rurale), type d'activité effectuée (repos, travail léger, etc.), ventilation, exposition au soleil, etc. Il suffit de lire sur les normes du travail lors des périodes de chaleur pour prendre conscience de cette complexité.

Alors plutôt que trouver un nouvel indice, pourquoi ne pas tout simplement utiliser une mesure qui est observée à toutes les stations météo et qui est également incluse dans toutes les prévisions météorologiques? Une mesure thermodynamique importante qui mesure la quantité d'eau contenue dans l'air, c'est-à-dire le point de rosée.

En combinant le point de rosée et la température de l'air, on a une idée de la vitesse à laquelle l'eau s'évapore et de la quantité d'énergie nécessaire pour élever la température.

En été, c'est la vitesse d'évaporation qui est la plus importante pour l'humain, un grand écart entre la température et le point de rosée indique une grande vitesse d'évaporation, un petit écart indique une évaporation plus lente. Dans ce cas, un grand écart impliquera que la transpiration s'évaporera rapidement, permettant au corps de réguler sa température avec plus d'aisance, et inversement si l'écart est petit.

En hiver, un point de rosée près de la température fera condenser l'eau plus rapidement sur la couche intérieure des vêtements, accélérant ainsi le transfert de chaleur vers l'extérieur (l'eau liquide ayant une capacité et une conductivité thermique beaucoup plus grande que l'air, que celui-ci soit sec ou humide). C'est d'ailleurs pour cette raison que l'impression de froid est plus intense lorsque le taux d'humidité est élevé. Un séjour à Londres en hiver est suffisant pour nous convaincre qu'une température de -2°C avec un point de rosée de -4°C, par exemple, donne une sensation de froid beaucoup plus grande que la même température avec un point de rosée aux environs de -10°C, ce qui est un cas plus normal pour le Québec. Ceci s'explique par la quantité d'énergie plus soutenue que le corps doit fournir pour réchauffer sa couche isolante, c'est-à-dire l'air dans les vêtements qui le recouvrent, dans le cas londonien que dans le cas québécois, l'eau condensée sur les vêtements faisant fuir la chaleur vers l'extérieur.

Le point de rosée donne donc de l'information importante pour l'humain, été comme hiver. C'est d'ailleurs une variable capitale pour ce qui est de l'étude des phénomènes météorologiques, et nous aurions tous intérêt à mieux la comprendre, tant pour notre sécurité que pour mieux appréhender les phénomènes météorologiques qui nous entourent.

Conclusion

Il est étonnant que l'utilisation des indices du refroidissement éolien et du facteur humidex ne soit pas plus décriée. La création de cette page web a pour but de corriger cette situation. Ces indices étant une création canadienne, il est normal que la lumière sur cette réalité provienne du même endroit. Mon souhait est que les gens réalisent ce que sont réellement ces indices, que les présentateurs météo fassent un travail d'information et non de « sensations ».

Pour tout commentaire, je vous invite à me joindre par courriel.

Liens

Référence

[1] MASTERSON, J. et RICHARDSON, F. A., 1979 : Humidex, A Method of Quantifying Human Discomfort Due to Excessive Heat and Humidity. Downsview, Ontario: Environnement Canada. 45p.


Du refroidissement éolien et du facteur humidex (Critique des indices)

Création : 31 mai 2003
Villeray
N 45° 33′ W 73° 36′

Du refroidissement éolien et du facteur humidex (Critique des indices)

Dernière mise à jour : 25 novembre 2013,
Villeray,
N 45° 33′ W 73° 36′