L'article dont il est question dans l'article (vous me suivez?), peut être
trouvé ici:
http://www.firstmonday.org/issues/issue10_4/geist/index.html
Du matériel pour expliquer à matante pourquoi internet est pas méchant.
Bonne lecture,
Miguel
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PUBLICATION: Le Devoir
DATE: 2005.04.18
SECTION: CONVERGENCE
PAGE: B6
BYLINE: Dumais, Michel
L'industrie du disque en difficulté, ne tirez pas sur le P2P
Dans un texte publié dans le cybermag First Monday, Michael Geist,
professeur titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet
et du commerce électronique à l'Université d'Ottawa, réfute les arguments de
la CRIA (Canadian Recording Industry Association) selon lesquels l'industrie
canadienne du disque aurait enregistré des pertes annuelles de plus de 450
millions, principalement à cause de l'échange de fichiers numérisés et de la
popularité des réseaux P2P.
On le sait, à la suite des pressions d'organismes comme la CRIA, la ministre
Liza Frulla a récemment annoncé l'intention de son gouvernement de revoir la
loi sur le droit d'auteur afin de «relever les défis et saisir les
possibilités liées à Internet». Comme le décrivait récemment mon collègue
Baillargeon, ces modifications à la loi devraient entre autres choses,
«apporter des éclaircissements quant à la responsabilité des fournisseurs de
services sur le Web».
La seule cause?
Nul doute que les pertes enregistrées par l'industrie du disque ont dû jouer
dans la décision de la ministre de vouloir modifier la loi. Mais les pertes
décrites par la CRIA sont-elles liées uniquement au téléchargement illégal
de fichiers? Le professeur Geist en doute fortement. Et publie, avec
chiffres à l'appui, un texte percutant qui démonte un à un les arguments de
la CRIA dans le très respecté cybermag First Monday, une référence
incontournable lorsqu'il s'agit d'étudier les phénomènes liés au réseau
Internet.
Dès le départ, Geist met la table et affirme que ce ne sont pas 450 millions
annuellement que l'industrie aurait perdu, mais bien 431,7 millions, et ce,
entre 1999 et 2004. Toute une différence.
Et quelles sont les raisons reliées à ces pertes? Ne nous leurrons pas, il
est évident que l'échange de fichiers est responsable de certaines pertes.
Mais de là à accepter aveuglément les chiffres de la CRIA, il y a un pas que
Geist se refuse à franchir.
Selon le professeur Geist, plusieurs phénomènes sont responsables de ces
baisses de revenus pour l'industrie du disque. Se basant sur des chiffres
provenant du bureau de la statistique américain, le US Census, Geist
constate que les consommateurs passent moins de temps à écouter de la
musique qu'auparavant. Partagés entre la télé, Internet, les jeux vidéo et
tutti quanti, les jeunes, bien que friands de musique, doivent faire des
choix, malgré leur apparente facilité à adopter un mode de vie multitâche
(multitasking).
Un autre responsable de ces pertes tant décriées par la CRIA serait la
montée en popularité du DVD. Alors qu'en 1999 les chiffres de ventes du DVD
se chiffraient à plus ou moins zéro, ceux pour la période 2000-2004
atteignaient près de 170 millions de dollars. Il n'y a qu'à se promener chez
un disquaire ces jours-ci pour constater à quel point l'espace consacré aux
DVD empiète de plus en plus sur celui réservé aux CD audio. Bref, le fait
que de plus en plus de nouveaux produits culturels ou non cannibalisent
l'espace réservé au CD n'aide en rien la cause du bon vieux CD audio.
L'impact des chaînes
La où Geist fascine, c'est sans contredit lorsqu'il nous révèle l'impact des
grandes chaînes de type Wal-Mart et Costco sur les ventes de disques. En
effet, au Canada, ces deux chaînes seraient responsables de plus 25 % des
ventes de CD. Et nul doute qu'il s'agit d'une tendance à la hausse, si on
croit les chiffres de la contrepartie américaine de la CRIA, la RIAA, qui
affirme que ces grandes chaînes vendent plus de 50 % des CD aux États-Unis.
Or qui dit grandes chaînes, dit offre limitée. En effet, alors que les
disquaires, les vrais, proposent à leur clientèle un catalogue de plus de 60
000 titres, ces mammouths de la vente au détail se concentrent sur un
catalogue limité de 5000 titres, constitué principalement des nouveautés et
des meilleures ventes. Conséquence de cette stratégie commerciale,
l'industrie du disque ne peut que constater ses pertes, elle qui réalisait
près de 40 % de ses ventes sur ces «vieux titres», toujours populaires
toutefois.
Autre conséquence de l'envahissement des industries culturelles par les
Wal-Mart de ce monde, les politiques de prix les plus bas. On le sait, les
nouveaux géants de la vente du détail appliquent une pression considérable
sur leurs fournisseurs afin d'offrir à leur clientèle un prix imbattable.
Droits compensateurs
En reprenant les chiffres de la CRIA, Geist constate qu'un CD vendu 12 $ en
1999 ne se détaillait plus que 10,95 $ en 2004. Résultat de cette pression:
des pertes réelles pour l'industrie du disque canadienne de 53,9 millions de
dollars, et ce, uniquement pour l'année 2004.
Toutefois, Geist affirme que les pertes réelles de l'industrie dues
uniquement aux réseaux d'échanges seraient largement compensées par les
droits compensateurs versés par les consommateurs lors de l'achat de CD
vierges ou de lecteurs MP3.
En effet, bien que les montants perçus soient minimes, les dollars
s'additionnant année après année, aujourd'hui, à la fin de 2004, la société
responsable d'administrer ces redevances, la SCPCP (Société canadienne de
perception de la copie privée), aurait perçu près de 120 millions. Une somme
qui, selon Geist, dédommagerait adéquatement les créateurs des pertes subies
à cause des réseaux d'échange.
Ne voulant pas submerger le lecteur d'une myriade de chiffres, je l'invite
toutefois à lire en détail le texte publié par Michael Geist.
Votre avis
Et en passant, amis lecteurs? Je constate que, depuis des années, on ne vous
a pas vraiment demandé votre avis sur cette industrie. Je vous conseille
fortement, si vous désirez vous faire une véritable idée des enjeux liés à
l'avenir de l'industrie du disque, de lire tout autant le texte de Michael
Geist que ceux publiés sur les sites d'ayants droit. Une fois ces lectures
faites, vous serez ainsi en mesure de vous faire votre propre idée sur les
débats en cours.
D'ailleurs, votre avis m'intéresse et intéressera sûrement les autres
lecteurs du Devoir. Croyez-vous que le disque a toujours un avenir?
Préférez-vous acheter votre musique à la pièce en ligne dans des boutiques
comme iTunes Music Store, ou le disque est-il toujours votre support de
prédilection? L'introduction de mesures coercitives vous inciteront-elles à
ne plus fréquenter les réseaux d'échange P2P? Comment voulez-vous consommer
votre musique? Etes-vous d'accord avec l'affirmation qu'un créateur doit
recevoir une juste contribution pour son oeuvre? Pensez-vous que les
boutiques en ligne sont la solution aux maux de l'industrie? Avez-vous une
meilleure idée à proposer? Un nouveau modèle d'affaires qui permettrait aux
créateurs d'être justement rétribués? Devrions-nous augmenter les
compensations versées lors de l'achat de CD vierges et de lecteurs MP3? Une
«taxe» imposée à tous les clients utilisateurs d'Internet, reversée par
l'intermédiaire de leurs fournisseurs Internet, serait-elle une solution
valable pour vous? Que de questions! Et, espérons-le, que de réponses, que
nous publierons sur notre carnet Web.
Alors, amis lecteurs?
mdumaisledevoir.com