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partage de fichiers musicaux (1 de 2)

 
 

partage de fichiers musicaux (1 de 2)

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La Presse.

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Laissez-nous partager


L'ère numérique a fait bien des hypocrites. Malgré la lutte contre le
piratage, bon nombre d'internautes, par ailleurs citoyens honnêtes,
continuent à partager musique, films et autres plaisirs protégés. Alors que
la modification prochaine de la Loi sur le droit d'auteur doit rendre la vie
dure à ceux-ci, on rencontre des visionnaires qui ont autre chose à proposer
que de les punir.

l y a plus de 100 ans, une invention diabolique a fait trembler l'industrie
de la musique. Elle était capable de produire une pièce musicale devant un
large public, en l'absence de musiciens et à l'insu des compositeurs. Cette
invention, c'était le piano mécanique. Pendant un moment, on l'a cru capable
de plonger les musiciens du monde dans la misère.

Puis on a trouvé la solution: une compensation de quelques cents prélevée
sur chaque feuille de musique, qui serait reversée aux créateurs. C'est
ainsi que le piano mécanique a envahi légalement les saloons, laissant à la
postérité une loi encore en vigueur aujourd'hui dans le moindre bar
diffusant de la musique.

Même chose avec l'arrivée massive de la radio dans les foyers, dans les
années 20. On a mis en place un système qui a laissé celle-ci s'installer
dans nos vies tout en enrichissant les artistes. Idem avec l'arrivée de la
télévision. Pareil avec les vidéocassettes. Puis les CD vierges. Chaque
fois, on s'est entendu sur une façon d'indemniser les créateurs sans
restreindre la technologie.

" Les producteurs de musique ou de films n'ont qu'à regarder dans le passé
pour trouver une solution ", dit Jim Griffin, un ancien de l'étiquette
Geffen qui a lancé il y a 10 ans la première chanson commerciale gratuite
sur Internet (Head First, par Aerosmith) et invite régulièrement les
artisans de l'industrie à discuter de ces problèmes sur (pholist.org).

L'histoire se répète

" Chaque technologie de reproduction a créé un problème de rétribution pour
les artistes, continue M. Griffin. Chaque fois, un compromis a permis de les
indemniser. "

Pour l'instant, les gros bonnets du divertissement sont encore rétifs. Ils
cherchent plutôt à promouvoir des boutiques en ligne, où les fichiers
musicaux et vidéo sont vendus à la pièce ou accessibles librement contre un
abonnement mensuel. Cependant, même si ces boutiques répondent à un besoin,
leur succès timide indique qu'elles ne suffiront pas. Selon M. Griffin,
mieux vaut s'adapter en tirant avantage de la situation, grâce à une
solution choisie maintes fois par le passé: une redevance.

" Percevoir une somme, la placer dans une caisse et répartir l'argent de la
caisse de façon équitable ", résume M. Griffin. " Quand on a inventé les
autoroutes, on a multiplié les accidents. On a mis en place des méthodes
juridiques et techniques pour les réduire, mais on ne pouvait pas les
éliminer- pour cela, il faudrait carrément interdire les autos. Alors on a
offert des assurances aux conducteurs, pour que tout le monde remplisse une
caisse qui indemnisera les accidentés de manière équitable. La même chose
peut se faire avec les autoroutes de l'information. "

Une compensation équitable

L'idée de légaliser tout bonnement le partage de fichiers et d'instaurer une
redevance, Jim Griffin est loin d'être le seul à la promouvoir. De nombreux
spécialistes du droit d'auteur y travaillent. Les modalités varient selon
les goûts, mais tous s'entendent sur une chose: il faut légaliser, et non
interdire cette technologie pleine de potentiel.

" Le partage de fichiers est une technologie extrêmement puissante qu'il
faut soutenir. En même temps, il faut que les créateurs soient payés. Mais
les deux ne sont pas incompatibles ", dit Wendy Seltzer, juriste à
l'Electronic Frontier Foundation (EFF).

La solution promue par l'organisme américain de défense des libertés sur
Internet est de s'inspirer du système en vigueur pour la radio, soit une "
licence collective volontaire " proposée aux " partageurs " par un collectif
d'ayants droit.

En choisissant de payer à cette organisation quelques dollars par mois,
perçus par un intermédiaire comme leur fournisseur d'accès à Internet (ce
n'est qu'un exemple), ceux-ci pourraient continuer à partager et à se faire
plaisir sans risquer d'être poursuivis, et enrichir les créateurs au
passage, tout comme le font les stations de radio.

" Ce serait certainement une meilleure façon de faire de l'argent que de
poursuivre les internautes un par un, pense Mme Seltzer. Un tel système
fonctionnerait autant pour la musique que pour les films, ou tout autre
contenu dont le partage sur Internet pose un problème. "

C'est bien beau, mais les partageurs sont-ils prêts à payer pour régulariser
leur situation? " Pas tous ", admet Daniel Gervais, professeur de droit à
l'Université d'Ottawa spécialisé dans le droit d'auteur, qui propose pour le
Canada un modèle similaire à celui de l'EFF.

Volontaire ou obligatoire?

" Un tiers des jeunes qui téléchargent déclarent dans les sondages qu'ils
seraient prêts à payer une somme mensuelle d'environ 5 $ pour profiter
légalement du partage de fichiers. Mais c'est assez pour indemniser les
créateurs, et même les enrichir. J'ai calculé que si 50 % des internautes du
monde industrialisé payaient l'équivalent de ces 5 $ ajusté au coût de la
vie local, les créateurs pourraient récolter 17 milliards par année. "

Dans le plan de Daniel Gervais, la conformité à la loi ne serait pas la
seule mesure pour faire adhérer les internautes à la redevance volontaire:
sur des réseaux de partage réservés à ceux qui payent, on offrirait la
garantie de fichiers 100 % intègres.

Une garantie intéressante, compte tenu de la proportion croissante de
fichiers corrompus, une pratique de l'industrie pour les détériorer.

Dans le pire des cas, si les internautes restent trop nombreux à refuser de
régulariser leur situation par la redevance, les modèles de l'EFF et de
Daniel Gervais proposent tous deux d'en venir à une redevance obligatoire-
c'est le système plus radical proposé par William Fisher, autre penseur de
la légalisation, qui enseigne le droit à Harvard.

C'est ce qu'on a fait avec le piano mécanique. C'est aussi ce qu'on fait au
Canada en prélevant 21 cents pour la SOCAN sur chaque CD vierge vendu- une
pratique introduite par la Commission du droit d'auteur quand elle était
présidée par John Gomery, qui dirige aujourd'hui un autre genre de
commission.

Cela dit, la redevance obligatoire a le gros défaut de faire payer tout le
monde, même si tout le monde ne reproduit pas des contenus protégés.

Le doute et l'incertitude

" Je connais le système proposé par Daniel Gervais, et je n'y crois pas ",
affirme Richard Pfohl, conseiller principal à l'Association de l'industrie
canadienne de l'enregistrement (CRIA).

" Ça m'obligerait à abandonner mon droit exclusif de reproduction. La pierre
d'angle du droit d'auteur est de laisser aux créateurs le contrôle sur la
façon dont leur travail est utilisé. En fait, le Canada n'a pas plus
d'intérêt à légaliser le partage de fichiers que le blanchiment d'argent. "

La CRIA pense que, de toute manière, on trouve déjà un accès à toute la
musique moyennant un paiement mensuel avec les services d'abonnement mis en
place par l'industrie, tels que Rhapsody ou le nouveau Napster. " Ces
services vous laissent écouter tout ce que vous voulez pour 10 $ par mois.
C'est vrai, il nous faut encore améliorer la technologie et le catalogue.
Mais c'est plus long de bâtir un commerce que de le dévaliser. "

En fait, ces offres incluent des technologies qui forcent le consommateur à
payer pour conserver sa collection et relèvent ses faits et gestes à des
fins de marketing. Le consommateur ne possède jamais vraiment les fichiers.

" La CRIA a simplement peur du changement ", rétorque Daniel Gervais, qui se
dit peu surpris par les réactions de M. Pfohl. " Ses membres restent
attachés à une philosophie qui veut que la musique se présente sous forme
d'objets qu'on doit vendre comme des autos. Tout changement de modèle
d'affaires fait peur aux entreprises. Elles ont peur de perdre le contrôle.
"

" Ils voudraient que la distribution de musique sur Internet ressemble à la
distribution de CD, sous forme de biens matériels, ajoute Mme Seltzer. Ils
refusent d'admettre qu'il est impossible de tuer le partage de fichiers. "

Dans le cas du Québec, l'ADISQ se montre plus ouverte à l'idée de donner sa
chance au partage légal, même si sa porte-parole dit avoir de très gros
doutes sur l'adhésion en grand nombre des internautes à une redevance
volontaire. Cela dit, l'ADISQ avait proposé il y a quelque temps son propre
concept de redevance, autour de 3 $, qui serait prélevée chez des
fournisseurs d'accès- mais sur une base obligatoire, ce que les intéressés
rejettent en bloc.

Peu importe les critiques et les doutes de chacun, la Loi sur le droit
d'auteur doit être mise à l'heure de l'ère numérique ce printemps à Ottawa.
Les producteurs de musique, de films, mais aussi de logiciels et autres
contenus protégés risquent de bloquer de tout leur poids les projets de
légalisation du partage de fichiers. " En tout cas, tout le monde est
d'accord pour dire qu'il faut faire payer les gens. La question est de
savoir comment, et combien ", résume M. Gervais
 

 

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