Titane : élément 22
Quatrième partie : épilogue

Miguel Tremblay
29 janvier 2011
  1. Première partie : la fracture
  2. Deuxième partie : les gamblers
  3. Troisième partie : les deux tours
  4. Quatrième partie : épilogue

Épilogue

La fin de cette histoire titanesque doit être écrite. Contrairement aux trois autres épisodes cependant, je n'ai pas rédigé celui-ci par besoin de partager une expérience douloureuse. Je l'ai plutôt écrit en réponse aux personnes qui, au cours des dernières années, m'ont contacté, curieux de connaître la fin de l'histoire. Salima, Suzanne, Brigitte, Germaine, Stanley, Pier, Sophie, Alex, Sylvie : cet épilogue est pour vous.

Pour commencer, il importe de souligner que l'exérèse (terme médical pour « retrait ») du clou s'est si bien déroulée que j'avais peine à me rappeler la date où elle a été effectuée. Je me souvenais seulement de l'année. Et encore, c'est parce que l'identité de mon accompagnatrice me permet d'identifier plus précisément cette période de ma vie. J'en conclus qu'on oublie rapidement les événements banals.

Jeudi 4 novembre 2004. C'est le jour où j'ai rencontré mon nouvel orthopédiste : docteur Nicholas Newman. Il m'a reçu à sa clinique privée sur le boulevard Saint-Laurent (Montréal, Québec). Nous avons regardé ensemble les radiographies de ma jambe, de mon clou, sur un moniteur au centre de son bureau. Après échange de quelques mots, il m'a reconnu.

J'ai relaté l'histoire dans Titane I d'un médecin qui est entré dans la salle de radiographie et qui a instauré le calme, le jour de ma fracture. Le médecin, c'était Nicholas Newman.

Malheureusement, je n'ai pu lui rendre la pareille. Plus de deux ans après cette fracture, je ne me souvenais pas du nom du médecin qui avait sauvé la situation. Je me souviens du moment et de mon soulagement lorsqu'il est arrivé, mais sans mes lunettes et puisque je ne suis pas très bon pour les noms, les circonstances étaient contre moi.

Après une courte discussion, lors de laquelle j'exprimais le désir de voir le clou retiré de ma belle jambe, un rendez-vous fut pris pour l'exérèse : mercredi 13 avril 2005.

Le printemps suivant, j'avisais mon patron de mon absence la semaine suivant l'opération. C'est toute une différence : lors de ma fracture, j'ai manqué plusieurs semaines de travail, alors que pour l'exérèse, je serais de retour sur pieds en moins de sept jours.

Le jour de l'opération arriva et je me rendis pour une dernière fois, c'était mon souhait, à l'Hôtel-Dieu.

N'étant pas du type à vouloir assister aux chirurgies sur ma propre personne, j'opte pour l'anesthésie générale plutôt que l'épidurale. En théorie, je crois, les risques de complications sont plus grands avec l'anesthésie générale, mais ce n'était pas assez pour me convaincre.

Mon opération s'est déroulée en avant-midi et je me suis réveillé quelque part dans l'après-midi.

Après la chirurgie, j'ai repris connaissance dans la salle de réveil et j'ai été transféré dans une espèce de pièce de repos. À mon arrivée dans cette salle, point de compagne. Comme j'étais sur le billard pendant un bon moment, elle en avait profité pour aller magasiner. Peut-être est-ce une simple négligence de sa part, elle aura pris trop de temps avant de revenir, mais toujours est-il que je me retrouve seul dans une chambre d'hôpital. Elle arrivera un peu plus [trop] tard.

La condition pour repartir chez moi : faire pipi. Je dois le confesser : j'ai menti. Après quelques heures sans pouvoir uriner, je me suis enfermé dans la toilette pour une énième tentative. En sortant, j'ai prétendu d'un air magnifique que j'avais finalement fait un beau pipi. J'ignore pourquoi, mais l'infirmière m'a cru sur parole. Cela fait, ma compagne et moi sommes rentrés à la maison.

Deux jours après l'opération, j'ai commencé à marcher sur ma jambe et à déplier le genou. J'allais aux toilettes en béquilles. Trois jours après mon opération, on m'a enlevé les bandages.

Je n'ai pas trouvé d'autres notes sur les événements qui ont suivi. Mes échanges courriel de cette époque laissent penser que ma vie est simplement revenue à la normale après quatre jours.

Aujourd'hui, début de 2011, je ressens encore une sensation dans ma jambe gauche. Je ne qualifierais pas ça de douleur, non, simplement une présence qui me rappelle par quoi nous sommes passés, ma jambe et moi.

Traces de pas dans la neige

La morphologie de ma jambe gauche est, elle aussi, modifiée. Lorsque je marche dans la neige fraîchement tombée, on voit que mon pied gauche est dans la bonne direction, alors que le droit a tendance à être ouvert. Avant j'avais les deux pieds comme ceux d’un canard alors que maintenant, je n'en ai qu'un : le droit. Ma physiothérapeute trouvait que seul le pied gauche était bien enligné. Ce serait le pied droit qui, n'ayant jamais subi de retouche, serait fautif.

Plus de huit ans après la fracture initiale, seuls les internautes qui font des recherches sur un enclouage du tibia me posent encore des questions sur ma jambe. Les internautes et ma mère, qui me demande encore « Pis, ta jambe te fait-tu encore mal? ». Non, maman, ma jambe ne me fait plus mal.

Troisième partie : les deux tours

Titane : élément 22, Quatrième partie : épilogue

Création : 29 janvier 2011
Villeray
N 45° 33′ W 73° 36′

Titane : élément 22, Quatrième partie : épilogue

Dernière mise à jour : 30 janvier 2011,
Villeray,
N 45° 33′ W 73° 36′