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La mouvante capitale du Canada

En lisant les Contes, légendes et récits de l'Outaouais de Martin Frigon, un paragraphe m'a parut d'une limpidité remarquable. Ce paragraphe résume en quelques phrases un pan important de l'histoire canadienne: le déménagement à Ottawa de la capitale du Canada.

C'est tellement bien tourné que je ne peux m'empêcher de le recopier ici, comme aide-mémoire et pour fin de référence. Et un peu pour vous aussi, tiens.

Ottawa ou Outaouais, selon qu'on adopte l'orthographe anglaise ou française (on conserve ordinairement la première quand il s'agit de la ville, reprenant la seconde pour la rivière), est une cité tout à fait nouvelle, qui doit son rang et sa fortune un peu à sa position stratégique et beaucoup aux prétentions discordantes des trois ou quatre capitales que s'est données successivement le Canada. Pendant les premiers temps qui suivirent l'union plus ou moins forcée des deux provinces Supérieure et Inférieure (1840), Kingston avait été la résidence du gouverneur de du Parlement. En 1843, l'un et l'autre se transportèrent à Montréal. En 1849,le parti conservateur anglais, le gouvernement de lord Elgin en faveur des victimes de l'insurrection bas-canadienne de 1837, souleva la populace anglaise de la ville. Le « mob » envahit le palais du Parlement qui fut livré aux flammes avec sa riche bibliothèque par ces émeutiers soi-disant loyalistes. La capitale fut alors transportée à Toronto mais le Bas-Canada réclamant sa part d'hégémonie, il en résulta un gouvernement nomade qui devait résider par périodes égales à Toronto et à Québec. Vers 1858, chacun réclamait contre les inconvénients de cette constitution bicéphales ; mais les localités rivales maintenaient plus que jamais leurs prétentions particulières à rester ou à redevenir le siège du gouvernement. En désespoir de cause on s'adressa à la métropole, et celle-ci, à la grande surprise de tous, trancha le procès en faveur d'une petite ville située dans une région à peine envahie par les défrichements et qu'on ne connaissait guère alors que sous le nom de Bytown, qu'elle avait reçu du colonel By, son fondateur. Le cabinet de Londres s'était décidé par des raisons stratégiques. Assise sur la rivière Outaouais, à la tête du canal Rideau, possédant par conséquent des voies de communication indépendantes du caprice comme du canon des Yankees, la nouvelle capitale se trouvait, en cas de guerre, à l'abri d'un coup de main. Les Canadiens se soumirent, non sans murmurer quelque peu, à la décision métropolitaine; et dix ans après, Ottawa, enrichi de monuments en rapport avec sa nouvelle situation, monta encore en dignité en devenant, par l'union de toutes les colonies britanniques de l'Amérique septentrionale, la capitale d'un empire aussi vase que l'Europe, entière, quoiqu'il ne contienne encore que quatre millions d'êtres humains, parmi lesquels un million deux cent mille environ, Canadiens, Acadiens ou métis Français représentent la race te la langue des premiers colonisateurs de la Nouvelle-France.

Référence: CONTES, LÉGENDES ET RÉCITS DE L’OUTAOUAIS, Martin Frigon, ÉDITIONS TROIS-PISTOLES, Chez les Français d'Amérique, H. De la Motte, p. 305-306

Lecture complémentaire: Martin Frigon raconte l'Outaouais (Cyberpresse)

QuebecTorrent, vecteur de la culture québécoise

QuebecTorrent, site de partage québécois de fichiers BitTorrent, fait face à une poursuite de 200 000 dollars intentée par une trentaine de producteurs de musique, de films et de télévision québécois. Plutôt que de fermer ses portes comme le ferait la plupart des gens devant une meute d'avocats, l'administrateur de QuebecTorrent, Sébastien Brulotte, relève le défi et leur tient tête. Bravo.

Une des mesures que QuebecTorrent a prise pour faire plaisir aux assaillants est de mettre en place « Un filtre […] pour éliminer à mesure que les membres les mettent en ligne plus de 10 000 titres (québécois) protégés par des droits d'auteur » (source: Technaute). C'est là toute une erreur selon moi. Ce qui fait la particularité de QuebecTorrent, c'est Québec, pas Torrent. Si le contenu québécois est retiré, QuebecTorrent ne deviendra plus qu'un site de torrent comme les autres.

C'est que, voyez-vous, il est nécessaire à la culture québécoise d'avoir un tel engin. Cela semble contre intuitif? Laissez-moi vous raconter comment j'ai utilisé QuebecTorrent depuis que j'ai découvert son existence, il y a un peu plus d'un an.

Ma découverte de QuebecTorrent

Lors de ma découverte de QuebecTorrent, j'étais vraiment excité. Tout ce contenu québécois maintenant à ma portée! Bien sûr des films mais moi, ce qui m'intéresse le plus et que l'on ne retrouve pas ailleurs, ce sont les documentaires et les émissions de télévision d'ici. Émissions de télévision sans les publicités. Wow!

Ça donne finalement une porte sur sa propre culture et sur ce qui se passe et se produit chez nous. Auparavant, il fallait se contenter de la culture américaine (et une peu de la française mais beaucoup moins). Maintenant, il y a du contenu québécois.

Comment est-ce que j'ai utilisé QuebecTorrent? Il y a 4 exemples qui me sont restés en tête. Ces exemples justifient amplement, selon moi, l'existence de QuebecTorrent et, tant qu'il n'y aura pas d'alternative viable et efficace proposée par les propriétaires des droits d'auteur, ce site mérite de demeurer en ligne.

1. Les Invincibles

L'émission Les Invincibles, saison 2, passait à la télévision le lundi soir à 20h (21h?). Or, il arrivait parfois que j'ai des activités ce soir-là, m'empêchant d'écouter cette émission. Le mardi matin, j'allais chercher sur QuebecTorrent le torrent de l'émission de la veille. Lorsque je revenais du boulot, l'émission au complet était sur mon disque dur.

Sans QuebecTorrent, quelles auraient été mes options? Enregistrer l'émission avec un magnétoscope n'est pas plus légal au Canada que de le télécharger. Mais, même si je l'avais enregistré avec un magnétoscope, quelle est donc la différence avec le fait de le télécharger avec QuebecTorrent?

2. Enjeux

J'arrive un bon midi à la cafétéria du bureau. On y discute du reportage de la veille diffusé à l'émission Enjeux: les sables bitumineux de l'Alberta. Ça a l'air impressionnant ces images-là et le reportage semble important. N'y aurait-il pas un convive qui ait enregistré l'émission, par hasard? Non? Bon…

La solution? QuebecTorrent! J'ai même copié le reportage sur un CD-ROM que j'ai donné à un ami par la suite pour qu'il le regarde. Je suis-ti pas un pirate rien qu'un peu!

Certes, le reportage est disponible sur le site de Radio-Canada. Par contre, ça ne fonctionne pas sur ma distribution Linux, les joies du format propriétaire choisie par une société d'état. De plus, je ne sais pas pour vous, mais regarder pendant 1 heure un petit écran avec une image d'une définition médiocre, ça me tente plus ou moins.

3. Chantal Hébert et Mario Dumont

Lundi midi, encore à la cafétéria du bureau. On parle de la leçon de Chantal Hébert administrée à Mario Dumont lors de l'émission Tout le monde en parle (TLMP) de la veille. J'adore Chantal Hébert. Son acuité intellectuelle comparée au mouvement brownien de Mario Dumont sur la même scène doit être délicieuse. Et en pleine campagne électorale en plus! Je ne peux attendre une hypothétique sorti en DVD de cette saison de TLMP. Que faire pour voir cette leçon? QuebecTorrent!

Maintenant disponible sur YouTube! (et tout aussi légal):
Partie 1 | Partie 2

4. Québec-Montréal

Vous vous souvenez de cette scène épique, dans le film Québec-Montréal, où le gars est avec sa blonde sur le bord de l'autoroute et lui explique que s'il veut aller gazer à Val-Alain, ce n'est pas pour économiser, c'est pour le principe.

Pochette du DVD de Québec-Montréal

Cette question de principe revenait souvent dans des conversations avec des copains et l'image de Val-Alain nous faisait bien rigoler. Bref, je voulais échantillonner cette discussion dans le film pour l'envoyer aux amis, en guise de rappel pouvant être utilisé au moment opportun. J'ai donc téléchargé Québec-Montréal sur QuebecTorrent pour se faire.

Quelques questions

Les ayants-droit voulant fermer QuebecTorrent offrent-ils une alternative aux services que rend ce site web?

Est-ce que l'utilisation que j'en fais enlève quelque chose aux créateurs?

Est-ce que la culture québécoise profite d'une meilleur diffusion grâce à QuebecTorrent.

Quelle autre option?

Comment, diantre, se fait-il qu'après plus de 10 ans de popularisation d'internet, l'industrie de la culture n'ait rien offert de mieux utilisant cette technologie? Pourquoi sa seule option est-elle de se tourner vers les tribunaux ou encore vers le gouvernement pour une nouvelle législation?

Le cercle vient d'être inventé. Tous les gouvernements et les lois du monde ne pourront le transformer en carré, même si les manufactures de lignes droites doivent fermer leurs portes.

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