Luc Ferrandez
Luc Ferrandez est aujourd'hui un homme qu'une partie de la population québécoise se plaît à détester. La faute de ce politicien? D'abord, il est maire de l'arrondissement du Plateau Mont-Royal, ce qui autorise les médias, surtout ceux à l'extérieur de Montréal, à déverser leur fiel sur une personne associée géographiquement à une gauche utopiste et dépensière. Deuxièmement, et c'est là son immense faute, Ferrandez s'est attaqué à une valeur cardinale de la société occidentale: la migration pendulaire motorisée. Ou en termes plus crus, aux chars.
Qu'un seul homme soulève l'ire d'autant de gens simplement en inversant le sens du trafic sur quelques rues - ce qui relève d'ailleurs des pouvoirs qu'il possède - est paradoxal. Un politicien s'attaque dans un quartier à notre représentation de la société contemporaine, et on assiste à une mobilisation grégaire des survivants du XXe siècle pour s'opposer à ce comportement hérétique. Le Québec désire des politiciens qui feront « de la politique autrement », mais attention! il faut que cela se fasse sans toucher notre mode de vie. Du changement, mais sans que ça change.
L'humanité sera confrontée à moyen terme à des défis qui nécessiteront des changements beaucoup plus radicaux que d'inverser le trafic d'une rue sur 1000 mètres. Or, la réaction contre Ferrandez laisse songeur quant à la capacité des Québécois d'entreprendre les actions qui seront nécessaires dans un futur pas très lointain. Il ne sert à rien d'avoir des politiciens visionnaires si la population refuse de voir les choses autrement. Accepter qu'un maire de quartier puisse prendre des décisions sur le sens de trafic me semble un point de départ accessible.