En attendant le Messie
Billet originalement publié sur le Huffington Post.
On me dit souvent, lorsque je discute indépendance avec des amis, que les problèmes du Québec se régleront avec l'arrivée d'un chef charismatique - René Lévesque est toujours donné en exemple - qui par sa simple parole unira les Québécois et les amènera au pays rêvé. Or, la théorie du Messie politique est erronée, ce sont les événements de l'histoire qui créent les chefs et non l'inverse.
Il est important, dans un premier temps, de remettre en contexte l'oeuvre politique de René Lévesque. Il est sans l'ombre d'un doute un grand homme politique québécois, mais il est faux de penser qu'il n'a eu qu'à se présenter et que les Québécois le suivaient dans tout ce qu'il proposait. Il a été actif en politique pendant 27 ans et a eu des succès extraordinaires comme la nationalisation de l'électricité et l'élection du Parti québécois en 1976. Mais il faut également souligner qu'il a connu des échecs, que ce soit lors des élections de 1970 ou encore le référendum de 1980. De plus, la population québécoise n'a pas toujours été derrière lui, bien au contraire. En janvier 1983, par exemple, quelque 30 000 syndiqués défilent devant l'Assemblée nationale et brûlaient des mannequins à son effigie. Il démissionnera en 1985, poussé à la porte par plusieurs membres de son caucus.
Le temps qui passe gomme les difficultés du parcours de René Lévesque de notre mémoire collective, ne laissant que les grands moments. Si bien que 25 ans après sa mort, il nous reste l'impression qu'il n'avait qu'à parler pour que le peuple emboîte le pas dans son projet politique. Or, cela n'a jamais été le cas, il a travaillé sans relâche, a connu des moments extrêmement difficiles et il est apparu dans un contexte où la société avait soif de changement et avait la démographie, grâce à l'arrivée de la génération des baby-boomers, pour appuyer ces changements.
Ce sont les événements qui révèlent les chefs. Ceux qui feront du Québec un pays sont autour de vous, ils travaillent chaque jour d'arrache-pied pour lui donner son indépendance. Ce n'est pas un seul homme ou une seule femme qui, par sa seule parole, fera la différence. Lorsque le peuple se mettra en marche, animé de la volonté de changer le parcours politique monotone du Québec, les nouveaux chefs émergeront et mèneront la population. N'attendons pas le moment où la personne opportune, c'est à nous tous de libérer le Québec, maintenant.