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Oléoducs au Québec: le pétrole sera vendu au plus offrant

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

TransCanada et Enbridge, les deux compagnies désirant amener le pétrole albertain au Québec par oléoducs, utilisent comme argument principal l'autonomie énergétique canadienne pour faire accepter leur projet. Leurs deux oléoducs, Énergie Est et 9B, permettront selon eux de remplacer le pétrole importé au Québec par du pétrole canadien. Or, rien ne garantit que le pétrole transitant par ces oléoducs sera entièrement raffiné au Québec. Voici pourquoi.

Premièrement, le pétrole se vend et s'achète librement sur le marché mondial. Le pétrole mis en vente et transitant par ces deux oléoducs ne représentera donc pour les raffineries québécoises qu'un vendeur supplémentaire. Les raffineries québécoises achèteront, au moment où ils le jugent opportun, le pétrole léger le moins cher disponible sur le marché mondial. Le pétrole albertain, de moindre qualité, parce que lourd, ne sera qu'une offre parmi d'autres, et rien ne garantit que cette offre sera la plus avantageuse pour les raffineries.

Suivant la même logique marchande, les compagnies pétrolières qui feront passer le pétrole dans ces oléoducs vendront le pétrole au prix le plus élevé possible sur ce même marché mondial. Les raffineries du Québec ne seront que deux clients parmi tous ceux de la planète, et rien ne garantit que les raffineries offriront le meilleur prix pour le pétrole coulant dans les oléoducs.

Deuxièmement, le pétrole transitant par ces oléoducs ne peut être complètement raffiné au Québec. D'abord en raison du type de pétrole transporté, car les raffineries québécoises ne peuvent traiter qu'un pétrole de qualité supérieure (léger) au pétrole des sables bitumineux (lourd). Et même si les raffineries québécoises pouvaient utiliser le pétrole lourd il y en aura beaucoup trop : la capacité des deux oléoducs sera de 1,4 million de barils de pétrole par jour (bpj), alors la consommation québécoise est de 300 000 bpj, quatre fois moins que la quantité de pétrole qui y transitera. On peut donc conclure que la grande partie de ce pétrole devra être exportée. Cette exportation se fera notamment avec des superpétroliers, pouvant contenir 700 000 barils de pétrole, qui navigueront sur le fleuve et le golfe St-Laurent.

Seule la méthode coercitive permettrait de garantir le remplacement des importations québécoises de pétrole par du pétrole canadien. Les gouvernements devraient forcer les producteurs de pétrole albertain et les raffineries du Québec à conclure des contrats d'approvisionnement pour que cela survienne. Bien sûr, aucun gouvernement n'a envisagé cette possibilité. Les acheteurs, comme les vendeurs, ont avantage à avoir accès à un libre marché mondial du pétrole.

Notons au passage que cette argumentation est tout aussi valable pour une éventuelle production de pétrole au Québec. Le pétrole québécois serait lui aussi vendu sur un marché mondial et le serait au plus offrant, pas nécessairement aux raffineries québécoises contrairement à ce que laisse sous-entendre les compagnies rêvant à cette exploitation (Pétrolia, Junex, Corridor Resources, Questerre).

Au moment où le gouvernement du PLQ lance sa réflexion sur sa politique énergétique, dans laquelle il affirme que « tout le pétrole raffiné au Québec serait canadien ou américain d'ici à la fin de l'année », il est bon de rappeler que le pétrole est acheté et vendu sur un marché mondial et qu'on ne peut forcer des ententes. Ne nous laissons pas tromper par les campagnes de communication des entreprises et des gouvernements, le pétrole des oléoducs n'est pas destiné aux Québécois, mais bien à faire le maximum de profits.

Les dénégateurs du réchauffement climatique

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Lors de la rédaction de ma réponse aux mensonges climatiques, j'ai été confronté à la difficulté de trouver un mot, ou une expression, permettant de désigner les personnes niant le réchauffement climatique. Je n'y suis pas parvenu et j'ai dû utiliser explicitement « personne niant le réchauffement climatique ». C'est ce problème que je propose de résoudre en utilisant l'expression dénégateurs du réchauffement climatique pour les identifier. Voici mon raisonnement.

Les mots climatosceptique et négationniste sont ceux qui sont le plus utilisés dans les médias pour qualifier ces personnes. Cependant, leur étymologie soulève des problèmes importants.

Le terme climatosceptique, comme l'Association communicateurs scientifiques du Québec se l'est fait rappeler lors de leur riposte à Friend of Science, contient le mot sceptique, qui est relié à la méthode scientifique. Or, on reproche justement à ces personnes de nier la méthode scientifique et ses résultats. Les affubler d'un mot incluant sceptique est élogieux à leur égard et ne correspond par à leur attitude. Un groupe de sceptiques américains a d'ailleurs publié en décembre dernier une lettre demandant à ce que ces deniers ne soient plus qualifiés de skeptics.

Quant au mot négationniste, il soulève encore plus de problèmes. Ce mot est en effet utilisé uniquement pour désigner ceux qui nient des événements historiques, plus particulièrement la Shoah. D'une part, le réchauffement climatique n'est pas un événement historique, mais bien une théorie scientifique. D'autre part, cela permet aux personnes ainsi étiquetées de se victimiser, car elles sont assimilées à une tendance néonazie. Cette victimisation a par exemple été le premier reflexe de l'auteur à qui je m'adressais dans ma réponse à ses mensonges climatiques, alors que le mot négationniste n'apparaissant pas dans mon texte:

- Vous utilisez l'attaque ad hominem classique du «négationnisme». Or, ce terme n'est utilisé que pour renier des faits indéniables comme l'Holocauste.

En raison des problèmes reliés à ces deux mots, il faut donc trouver un nouveau terme.

Les personnes que l'on tente de qualifier peuvent être regroupées dans trois catégories, soient les personnes qui:

  1. Nient l'existence du réchauffement climatique;
  2. Croient en l'existence du réchauffement climatique, mais nient le rôle de l'humain ;
  3. Nient que l'on peut déterminer s'il y a réchauffement climatique, ou si les humains y jouent un rôle, car les incertitudes sont trop grandes (ces derniers s'identifient souvent comme agnostiques).

Le terme «dénégateur du réchauffement climatique» désigne bien ces personnes, car:

  • Le mot dénégateur a pour définition « celui qui nie », le verbe que l'on retrouve dans la description des trois groupes;
  • C'est également un mot dans la même famille que déni, qui définit en psychologie un « refus de reconnaître une réalité à caractère traumatisant » (Larousse), le réchauffement climatique pouvant certes être vu comme étant traumatisant;
  • Il permet d'éviter le problème du mot négateur, qui est défini comme une personne « portée à tout nier, à tout critiquer » (Larousse). Or, les dénégateurs du réchauffement climatique nient un sujet bien précis, et non tous les sujets.
  • C'est une traduction qui correspond au terme anglais Climate change denialist.

Certains prétendront que les termes climatosceptique et négationniste sont déjà d'usages courants et qu'il serait contre-productif de les changer pour un autre terme. Mais comme il est certain que ces personnes continuent d'avoir un rayonnement médiatique, mieux vaut ajuster notre sémantique le plus tôt possible afin de mieux refléter la réalité. Ajuster le discours pour refléter la réalité est la force des scientifiques, et la faiblesse des dénégateurs du réchauffement climatique. Soyons conséquents et adaptons notre vocabulaire.