Paris 1919
Billet originalement publié sur Facebook. Vous pouvez consulter la série de mes critiques de livre en suivant l'étiquette Critique sur ce blogue.
J'ai connu Margaret MacMillan grâce à son livre précédent, celui qui est le "New York Times bestseller", The War That Ended Peace, qui portait sur le siècle ayant précédé la Grande Guerre. Je n'en revenais pas qu'une seule personne puisse avoir autant de connaissances dans sa tête.
J'ai donc ajouté sur ma liste de lecture « Paris 1919 », livre qui porte sur les 6 mois de la conférence de la paix ayant suivi l'armistice de la Grande Guerre. Lors de cette demi-année, les dirigeants de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis ont siégé à Paris pour décider de la forme à donner à cette paix. On ne reverra probablement jamais une conférence où les dirigeants sont sur place pendant des mois pour discuter en face à face.
Chaque chapitre porte sur une région ou pays dont les dirigeants ont du négocier la paix et surtout, le partage du territoire. Les renseignements sont précis, et permettent d'élargir ses connaissances géographiques en Europe, notamment sur les régions qui ne sont pas des pays (Sudètes, Danzig, Transylvanie). C'est à ce moment qu'ont été créés nombre de pays en Europe (naissance de la Yougoslavie, de l'Autriche, de la Tchécoslovaquie, Renaissance de la Pologne, etc.), en Afrique et au Moyen-Orient (Syrie, Irak, première concession territoriale aux sionistes, mandats en Mésopotamie). Le livre fait de même une incursion en Asie où l'on apprend sur la montée du Japon. Ce sont ces frontières qui font encore l'actualité de nos jours.
L'histoire de cette période devrait être plus connue : le décor du XXe siècle a été planté à ce moment. La Seconde Guerre mondiale découle essentiellement de ces événements (quoique le second conflit donne des meilleurs films d'action, pas de doute). J'ai plus appris sur la géopolitique contemporaine en lisant sur la première guerre que sur la deuxième.
Margaret a pour style de s'accrocher à des anecdotes, à des potins, pour tisser ses histoires (ce sont ses propres mots). Elle explique d'ailleurs que c'est une bonne façon de raconter et de retenir, ce qui n'est pas faux. Je ne suis pas assez versé en histoire en général, et sur le début du XXe en particulier, pour juger de la technique, mais cette technique a le mérite de personnaliser des récits qui aurait facilement pu être arides.
Sa principale conclusion, c'est qu'on ne peut attribuer la montée du nazisme dans l'entre deux guerres à l'accord de Versailles, même si c'est ce qu'ont fait les historiens occidentaux et les propagandistes nazis. Les protagonistes du traité de Versailles, et de la paix de 1919 en général, ont fait leur gros possible avec les contraintes du moment (y compris le poids de l'opinion publique, qui pour la première fois de l'histoire était au fait en temps quasi réel des tractations et dont les dirigeants devaient tenir compte): ce traité ne contenait rien sur l'antisémitisme, ni sur la conquête vers l'est, par exemple. Les Alliés ont imposé des conditions qu'ils n'étaient pas prêts à faire respecter par la force . L'Amérique n'était pas encore assez forte, et la France et le Royaume-Uni pas assez faibles, pour faire place à un nouvel équilibre mondial. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre pour voir apparaître ces conditions.
Quant aux réparations, elle note que ce qui a été payé par l'Allemagne de 1919 à 1932, jusqu'à ce Hitler suspende les paiements pour toujours, représente un montant moindre que ce que les Français ont dû payer après la guerre de 1870, avec une économie beaucoup moins forte que celle de l'Allemagne. En d'autres mots, l'économie de l'Allemagne n'a pas été mise à genoux par les réparations, c'est plutôt la propagande allemande qui a créé cette impression.
Brique de près de 500 pages, qui a été traduite en français, il faut avoir du temps devant soi, car c'est une longue lecture. Ce livre a cependant le grand mérite de rassembler dans un seul ouvrage un grand nombre de clés permettant de comprendre l'état du monde actuel.