Des remarquables oubliés, Ils ont couru l'Amérique
Billet originalement publié sur Facebook. Vous pouvez consulter la série de mes critiques de livre en suivant l'étiquette Critique sur ce blogue.
Reçu à ma fête, ce livre est spécial car avant de le terminer, j'ai eu la chance d'assister dans le cadre de mon travail à une journée de 6 heures de conférence de Serge Bouchard. Je suis d'ailleurs allé le voir pour une dédicace à la fin de sa conférence, et il m'a demandé si j'avais lu le tome 1 du livre, celui qui porte sur les femmes qui ont créé l'Amérique. Penaud, j'ai répondu que non, que ce tome était un cadeau, mais que j'allais remédier à cela dans le futur.
Voici donc mes commentaires sur le tome 2 « Des remarquables oubliés, Ils ont couru l'Amérique », suivi de mes notes de conférence, ces dernières quelque peu décousues.
Le livre consiste en une série de tableaux d'hommes ayant parcouru l'Amérique, depuis la fondation de Québec en 1608 jusqu’au début du XXe siècle. En couvrant aussi large, et de manière assez détaillée le territoire et les humains qui le peuplent, Bouchard rend compte d'une complexité, d'une richesse de notre passé. C'est là le principal de son œuvre me semble-t-il : rendre riche un passé qui nous paraît pauvre, probablement en comparaison avec la période contemporaine européenne.
Au fil du livre, les histoires se font plus détaillées, au point où la quantité de toponymes, tant d'endroits que des personnes, rend les récits plus confus. En se rapprochant du XXe siècle, les traces historiographiques des coureurs de l'Amérique sont plus nombreuses, laissant moins de place à la légende, remplacée par le factuel. Paradoxalement, le récit y perd, on est plus dans une liste d'épicerie que dans le récit légendaire, et il est difficile pour le lecteur moyen d'en retenir autre chose qu'une impression.
Ma plus grande découverte est certainement le premier tableau, qui présente Étienne Brûlé. Arrivé avec Champlain et Amérique et étant probablement le premier Européen à voir les Grands Lacs (j'ai mis à jour les pages Wikipédia correspondantes), c'est également lui qui a « découvert » le lac Mistassini.
On découvre avec les autres personnages, le manque de vision de la métropole française : la colonie devait s'autofinancer, la monarchie était chiche en colons. La classe bourgeoise de Québec reflétait d'ailleurs en cela la métropole, elle a toujours cherché à s'enrichir à court terme plutôt qu'à peupler le territoire. L'esprit français était aussi reflété dans une certaine mesure en Nouvelle-France, tous les postes importants étant destinés aux personnes nées en France, les Canadiens remplaçant le bas peuple, et étant condamnés aux plus petits postes.
Certains historiens québécois, comme Marcel Trudel, ont utilisé cette réalité pour soutenir la thèse que la Conquête a été, en quelque sorte, une libération pour les Canadiens-français. Le système anglais aurait en effet permis de se défaire de cette veulerie française, vouée à la faillite sur un continent comme l'Amérique du Nord. À lire Serge Bouchard, force est de constater que cette thèse dispose d'une forte assise.
On constate également que la découverte européenne du continent nord-américain a toujours été, sinon le fait, du moins accompagnée d'Améridiens et de Canadiens-français, de même que de Métis dès qu'il y en a eu. Si les coureurs canadiens ont été oubliés, du moins reste-t-il quelques traces pour les refaire surgir de l'histoire, ce qui ne semble pas le cas pour tous les «non-blancs» du territoire.
De tout ceci, je n'ai jamais vu la trace dans mon cours d'histoire de secondaire IV. Il y aurait là sujet à amélioration, à moins que ce ne soit déjà fait, ce qui aiderait à donner une image de découvreurs aux ancêtres des Québécois d'origine Canadienne-française, d'une part, et à mieux expliquer le contexte de la colonisation en Amérique du Nord d'autre part. La présence et le rôle des Amérindiens et Métis est clairement à revoir, eux sont séparés en gentils Algonquins et méchants Iroquois, et qui disparaissent après la Conquête. Les Américains n'ont pas hésité à mettre les Amérindiens, Métis et Canadiens-français de côté, ou encore à les représenter comme des méchants, dans leur iconographie. Il serait moment de profiter de notre histoire nationale pour mieux expliquer leur rôles.
Notes de conférence de Serge Bouchard
La première chose que j'ai réalisée dans la conférence de Serge Bouchard, c'est qu'il y avait une géopolitique en Amérique du Nord avant l'arrivée des Européens. La population d'Amérique du Nord avant le premier contact était équivalente à celle de l'Europe. Un grand nombre de nations amérindiennes occupaient le territoire et tissaient des alliances, se faisaient la guerre, étaient déplacées, assimilées, etc. Le territoire au complet était occupé, plus qu'aujourd'hui d'ailleurs, il n'y avait pas de désert humain. Il y avait un équilibre entre ces nations. La grande majorité d'entre elles existent d'ailleurs encore aujourd'hui!
Les Français et les Hollandais étaient des gens d'affaires. Ils viennent pour les fourrures, pas pour la colonisation, contrairement aux Anglais.
Le Canada est un plan d'affaires à la colonisation (découverte de l'ouest avec la compagnie de la Baie d'Hudson et la compagnie du Nord-ouest), et ça va demeurer un plan d'affaires après la confédération.
Ce sont les Amérindiens qui ont tenu l'Amérique au nom des Français, qui étaient très peu nombreux sur le territoire.
Les Anglais viennent pour coloniser, avec une hache et une bible. Ils coupent des arbres et s'interdisent de regarder les Indiens. Les Iroquois sont les seuls alliés autochtones des Anglais sur le continent, et c'est pourquoi on nous enseigne (version franco-catholique) qu'ils étaient violents et méchants. Les Algonquins étaient gentils et pacifiques, et des perdants.
Toutes les nations autochtones, même dans l'ouest, sont pro-francaise, car elles ne menacent pas les territoires, contrairement aux Anglais. Les Français établissent des postes de traite.
On enseigne qu'on est des descendants des Français, avec une langue abâtardie, mais on a caché notre métissage autochtone.
Dans tous les cas, lorsque la France en a eu l'opportunité, elle a abandonné l'Amérique : guerre de conquête, vente de la Louisiane (le tiers de l'Amérique!).
Après la Conquête, les Anglais devaient encore battre les Indiens. Pontiac a créé une confédération autochtone pour bloquer les Anglais, en attendant que les Français envoient des soldats.
Le Québec est la seule province avec des Inuits.