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Dorion la différente

J'aimerais attirer votre attention sur quelques aspects qui n'ont peut-être pas été apparents à première vue dans cette entrevue des nouvelles élues à Tout le monde en parle (TLMEP).

Écoutez la manière dont Geneviève Guilbault répond à la première question de Guy A. Elle y répond de biais, passant les messages que la CAQ a identifiés, et qu'elle a vraisemblablement pratiqués, soient:

  1. Les Québécois ont écrit une page d'histoire en élisant la CAQ;
  2. On a un mandat clair;
  3. À nous maintenant de livrer le changement.

Même chose pour la réponse de Marwah Rizqy du PLQ. Les éléments qu'elle désire communiquer au public sont:

  1. J'ai lutté contre les paradis fiscaux;
  2. Couillard a mis «la maison en ordre»;
  3. Beaucoup de citoyens ne sont pas allés voter.

En comparaison, remarquez comment répond Catherine Dorion aux questions qui lui sont posées: elle réfléchit, puis répond directement. Elle gesticule également pendant qu'elle s'exprime. Il y a des répétitions dans ses formules. Bref, elle est naturelle.

La différence entre la technique et le naturel est palpable. Il ne s'agit pas ici de blâmer la manière «classique» de répondre du PQ/CAQ/PLQ. En fait, cette façon de répondre est une technique enseignée dans les facultés de communication des universités, c'est le B.A.-BA des politiciens (et politiciennes).

Deux raisons mènent les politiciens à répondre de la sorte. Premièrement, les clips pour la télé et la radio sont généralement de quelques secondes. Il faut donc que les politiciens passent leur message dès qu'ils ont le micro, quitte à éluder la question posée. Cette réponse doit de plus être formatée pour être coupée et montée aisément par les médias (4 ou 7 secondes). Message court, simple et répété. Gardez ça en tête, vous verrez passer ça en boucle.

Deuxièmement, les journalistes ne défendent pas le bien commun, mais posent des questions pour faire un titre vendeur, pour coincer les politiciens. Quant aux chroniqueurs, ils tentent plutôt de poser des questions qui confirment leur trame narrative, leur interprétation politique, souvent développée et élaborée au cours des années et de leur chronique (ex.: Michel David pense et promeut l'idée que la baisse de popularité de l'indépendance mène logiquement à la mise au rencart de la promotion de l'option. Mathieu Bock-Côté ramène tout à l'identité et à un passé mythique idyllique. Richard Martineau met du « gros bon sens » partout, etc.)

Une méthode de défense contre les questions tendancieuses, qui finit par devenir une seconde nature, est de répondre à côté en donnant ses propres messages, courts et répétés.

Catherine Dorion n'est pas (encore) passée dans ce moule-là, pas plus que 7 des 10 élus de QS : GND et Manon Massée sont déjà rompus à cette technique, et Vincent Marissal, en tant qu'ex-chroniqueur à la Presse, la connaît bien également.

La différence entre Catherine Dorion et les autres élues sur le plateau de TLMEP, ce n'est pas juste d'avoir des bottes faites pour marcher à la place de talons aiguilles. C'est aussi que Catherine Dorion n'est pas encore formatée au style politicien. On peut également le constater à son attitude non verbale : alors que les élues sourient lors des réponses des autres, Catherine Dorion se manifeste sans filtre. Cela a d'ailleurs été bien saisi au montage lorsque Catherine Fournier du PQ insinue que QS est « dogmatique ». Ajoutons une deuxième exception lors de l'entrevue, lorsque Marwah Rizqy du PLQ passe l'offensive lors de la réponse de Geneviève Guilbault de la CAQ sur les signes ostentatoires : on voit que la question vient la chercher, elle en perd sa composition habituelle.

Ce qui risque d'arriver à terme, c'est que Catherine Dorion et les autres se fassent coincer par une réponse mal interprétée qui donne des titres dont QS doit par la suite se défendre ou, dans le meilleur des cas, que le message ne passe tout simplement pas.

On va probablement assister au cours des prochaines années, à un lissage des messages de QS. C'est d'autant plus probable que QS ayant maintenant des moyens financiers importants, ils vont engager des professionnels de la communication, formés à la technique décrite, qui vont instiller cette méthode chez les députés.

Ou bien, peut-être, ils resteront naturels devant les médias et oseront quelques "scandales" échappés en échange de beaucoup de moments de vérité. Après tout, il y en a eu d'autres avant : Chartrand, Falardeau… et même le maire Labeaume.

Apprécions maintenant le naturel et la jeunesse des élus de QS, en espérant qu'ils ne perdent pas trop rapidement cette façon rafraîchissante et naturelle de communiquer avec la population.

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