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Composantes anthropogéniques du forçage radiatif

La Terre

Ce billet fait un survol de tous les facteurs humains qui peuvent influencer le climat. Une fois terminé, le lecteur aura visité les facteurs les plus communément abordés dans la cause des changements climatiques.

Introduction

Anthropogénique: Qui a pour source l'être humain

Forçage radiatif: Énergie du soleil qui est retenue ou repoussée de la Terre.

La composante anthropogénique du forçage radiatif est la partie de l'énergie du soleil qui est retenue sur la Terre à cause de l'action de l'humain.

Le quatrième rapport du Groupe intergouvernemental sur l'évolution climatique contient un résumé pour les preneurs de décisions dont une partie détaille la composante anthropogénique du forçage radiatif (Figure SPM2, page 4). J'en fais la traduction et la vulgarisation ici.

Le watt par mètre carré

Premièrement, une note sur l'unité utilisée. Le forçage radiatif a pour unité le watt par mètre carré (W/m² ou Wm-2). Cette unité est en fait une quantité d'énergie par seconde, le Watt, par unité de surface, le mètre carré.

Pour avoir une meilleure idée de la quantité d'énergie que peut représenter 1 W/m², reportons-nous à la page soleil de ptaff.ca. Une des graphiques produits par cet outil présente le flux solaire maximal théorique en W/m² pour chaque jour à un endroit. Autrement dit, c'est une quantification de la force du soleil tout au long de l'année.

Regardons le graphique qui illustre le flux solaire pour Montréal:

Graphique du flux solaire maximal quotidien pour Montréal

La valeur maximale du flux solaire pour Montréal est de 1018 W/m², lorsque le soleil est à son plus fort, c'est-à-dire autour du 20 juin. La valeur minimale est de 361 W/m², lorsque le soleil est à son plus faible, autour du 20 décembre. Pour les Québécois, notre peau est probablement ce qu'il y a de meilleur pour estimer ce qu'est le W/m². Imaginez une journée dehors en juin au plein soleil de midi, c'est environ 1000 W/m². Imaginez la même situation, mais pendant les vacances de Noël, c'est entre 300 et 400 W/m².

Graphique des composantes anthropogéniques du forçage radiatif

Nous voici avec une idée intuitive du W/m², continuons.

Ceci est le graphique intitulé Composantes du forçage radiatif du quatrième rapport du Groupe intergouvernemental sur l'évolution climatique :

Graphique présentant les composantes du forçage radiatif

SPM2. Moyenne globale du forçage radiatif (RF) estimée selon les émissions de 2005 pour le dioxyde de carbone anthropogénique (CO2), méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O) et d'autres facteurs et mécanismes importants, avec l'échelle spatiale de l'influence du forçage ainsi que la confiance des scientifiques dans les niveaux affichés (level of scientific understanding, LOSU). Le forçage anthropogénique net et son étendu sont aussi illustrés. Ceci nécessite l'addition d'estimée d'incertitude et ne peut être obtenu par une simple addition. D'autres facteurs de forçage sont absents à cause de la faible confiance des scientifiques dans l'estimation de leurs valeurs. Les aérosols volcaniques contribuent un forçage naturel additionnel, mais ne sont pas inclus ici à cause de leur caractère épisodique. La plage pour les traînées de condensation n'inclut pas les effets possibles de l'aviation sur la couverture nuageuse.

Sur l'abscisse, l'axe des X, on retrouve les valeurs du forçage en W/m². On constate que, peu importe le facteur de forçage considéré, les valeurs considérées sont de l'ordre de 1 W/m². Au regard des valeurs considérées pour Montréal, entre 350 et 1000 W/m², on pourrait être tenté de se dire que ce forçage est négligeable. Rappelons que le forçage dont il est question est une valeur pour toute la surface de la planète et à longueur d'année. Nous y reviendrons.

La balance totale du forçage anthropogénique est positive: 1,6 ou encore 0,6 à 2,4 si on inclut la marge d'erreur. La marge d'erreur est plus grande que la valeur (une plage de 1,8 pour une valeur de 1,6), mais la conclusion est tout de même que la valeur est positive. C'est la somme de ces valeurs qui amène à conclure qu'il y a un réchauffement climatique et qu'il est causé par l'action de l'homme.

Le CO2

Barre du CO2

On voit que le CO2 est nettement le terme dominant. En faisant ainsi le premier facteur à réduire si l'on désire atténuer les effets du réchauffement climatique. Les 2/3 de ces émissions sont dues à la combustion des combustibles fossiles, l'autre 1/3 est dû au changement de vocation dans l'usage des terres (p. 25).

Le méthane

Barre du CH4

Le méthane, ou CH4, est relâché principalement par les activités agricoles et la fonte du pergélisol. Les halocarbures sont des molécules artificielles crées par l'humain et ayant des applications spécifiques dans différents domaines de l'industrie. Ces molécules ont une durée de vie dans l'atmosphère exceptionnellement longue, ce qui leur permet de voyager jusque dans la stratosphère et y détruire la couche d'ozone, en plus de la participation au réchauffement de l'atmosphère.

L'ozone

Barre d’ozone

Il y a 2 types d'ozone: celle dans la stratosphère et celle dans la troposphère. L'ozone est un gaz à effet de serre. Comme il y en a moins qu'avant dans la stratosphère, cette couche se refroidit. Or, dans la troposphère, l'émission de polluants comme le monoxyde de carbone ou encore l'oxyde nitreux a pour effet d'augmenter le taux d'ozone. C'est d'ailleurs une des composantes du smog. Plus d'ozone dans la troposphère, dont une contribution positive à la rétention de la chaleur.

La vapeur d'eau stratosphérique

Barre pour la vapeur d’eau stratosphérique

La durée de vie du CH4, environ 10 ans, lui permet d'atteindre la stratosphère. Rendu là, le méthane s'oxyde créant ainsi des molécules d'eau (H2O). Comme le méthane est émis par l'activité des humains et que l'eau est un gaz à effet de serre, cette contribution dans la stratosphère est considérée comme un forçage anthropogénique. C'est bien sûr une contribution positive (source).

L'albédo

Barre pour l’albedo

L'albédo, c'est le rapport de l'énergie solaire réfléchie par une surface sur l'énergie solaire incidente. Plus l'albédo est élevé, plus la surface réfléchit l'énergie, plus il est bas et plus il l'absorbe. L'activité humaine à un effet sur l'utilisation des terres, son albédo est ainsi changé. Il suffit de penser à une forêt qui fait place à une ville. Le vert n'a pas le même albédo que le gris. En effet, la forêt absorbe plus les rayons du soleil qu'une surface déboisée, ce qui est encore plus vrai lorsque la surface déboisée peut être recouverte de neige (voir chapitre 2, page 180). Cette diminution de l'albédo est représentée par la partie du bleu du graphique. D'autre part, les poussières émises par l'activité humaine recouvrent la neige et augmentent ainsi son albédo, augmentant également la partie de rayon du soleil absorbée. C'est la partie rouge du graphique.

Les aérosols

Effet direct
Barre pour l’effet direct des aérosols

Les aérosols sont en fait les poussières en suspensions dans l'atmosphère. Les activités humaines créant ces poussières sont des plus diverses: sulfate, carbone provenant du combustible fossile, combustion de biomasse et poussière minérale. Ces poussières bloquent les rayons du soleil en les réfléchissant. Ils absorbent aussi une partie de ce rayonnement, mais l'effet net est négatif (voir chapitre 2, page 153). C'est pourquoi l'effet direct est représenté en bleu.

Effet sur l'albédo des nuages
aerosols_albedo_cloud_effect.png

Figure 2.10 (page 154). Diagramme schématique montrant les différents mécanismes radiatifs associés aux effets sur les nuages qui ont été identifiés comme étant significatifs en relation avec les aérosols. Les petits points noirs représentent les particules; les gros cercles représentent des gouttes dans les nuages. Les lignes droites représentent les rayons du soleil incidents et réfléchis et les lignes onduleuses représentent la radiation terrestre. Les cercles blancs pleins indiquent la concentration du nombre de gouttes (cloud droplet number concentration, CDNC). Le nuage non perturbé contient des gouttes d'eau plus grosses puisque les seuls noyaux de condensation existants proviennent des aérosols naturels, alors que le nuage perturbé contient un plus grand nombre de petites gouttes d'eau puisque et la poussière naturelle et la poussière anthropogénique sont disponibles comme noyaux de condensation (cloud condensation nuclei, CCN). Les lignes grises pointillées représentent les précipitations et LWC fait référence au contenu en vapeur liquide (liquid water content).

Barre pour l’albedo des nuages

Ce mécanisme est celui qui est le plus compliqué à comprendre pour les forçages radiatifs. La physique des nuages est un phénomène complexe. Le résultat du changement d'albédo dans les nuages donne un rendement négatif dans le bilan énergétique. Cette valeur est obtenue à l'aide de la modélisation: plusieurs modèles avec des paramètres différents arrivent tous à la conclusion d'une contribution négative.

Pour en savoir plus sur l'influence des aérosols sur les nuages, reportez-vous à la section 2.4.5 du rapport (page 171).

Traînée de condensation

Barre pour la traînée de condensation

Les traînées de condensation sont des traînées de vapeur créées par les moteurs d'avion dans l'atmosphère. Après le passage des avions, les traînées se transforment en nuage artificiel.

De façon générale, les nuages jouent 2 rôles par rapport aux flux d'énergie. Dans un premier temps, ils bloquent les rayons du soleil (contribution négative) et dans un deuxième temps ils empêchent le rayonnement infrarouge de quitter la Terre pour aller dans l'espace (contribution positive puisqu'ils gardent la chaleur dans l'atmosphère). C'est d'ailleurs pour cette dernière raison que les nuits les plus chaudes sont celles avec des nuages.

Dans le cas des traînées de condensation, l'effet de conservation des rayons infrarouges est plus important que celui du blocage du soleil. C'est pourquoi elles ont une contribution positive.

Rayonnement solaire

Graphique du rayonnement solaire du 1600 à nos jours.

Figure 2.17. Reconstruction de la série temporelle du rayonnement solaire total depuis 1600. On distingue bien le cycle de 11 ans dans la reconstruction de Y. Wang et Al. (Source, page 190)

Barre pour le rayonnement solaire

Le rayonnement solaire suit un cycle de 11 ans, tel qu'illustré sur la figure 2.17. On constate aussi que le rayonnement solaire à une tendance moyenne à la hausse. Ces variations seraient communes chez les étoiles du même type que notre soleil. Nous sommes présentement dans une période où le soleil est assez fort comparativement à la moyenne des 400 dernières années.

Conclusion

Barre pour la somme de tous les forçages anthropogéniques
Sommes des forçages anthropogéniques

Les termes les plus significatifs du forçage radiatif imposé à la Terre par l'homme peuvent se résumer à 8 facteurs. La somme de ces 8 facteurs est comme on l'a vu positive. C'est pourquoi on parle de réchauffement climatique. Eut-il fallu que la somme de ces facteurs eut été négative que l'on aurait assisté à un refroidissement climatique.

Toutes les solutions dites de géo-ingénierie tente d'influencer un de ces facteurs en faisant abstraction des autres conséquences. Il a par exemple été proposé de répandre des sulfates en haute atmosphère pour augmenter l'effet direct des aérosols. Ou encore d'ensemencer la mer avec du sulfate de fer pour stimuler l'absorption de CO2 par le plancton, ceci pour diminuer la concentration de ce gaz dans l'atmosphère.

Le degré de confiance dans la valeur de ces différents facteurs est illustré sur le graphique dans chacune des barres (|—|). Bien que les marges d'erreur puissent paraître énormes pour le lecteur profane, il n'en reste pas moins que la valeur finale est positive. Et elle l'est suffisamment pour être certain qu'un réchauffement climatique aura des effets importants.

On ne saura le souligner avec assez d'ardeur, ce réchauffement en tant que tendance pour l'atmosphère dans les prochains siècles est une certitude. De plus, les scientifiques s'entendent également pour dire qu'il est causé par l'action de l'humain. La question est de savoir jusqu'à quel point le comportement humain pourra être modifié dans les prochaines années pour diminuer l'impact qu'aura ce réchauffement.

7 commentaires à « Composantes anthropogéniques du forçage radiatif »

  1. 17 avril 2009 | 11:22

    "Imaginez une journée dehors en juin au plein soleil de midi, c’est environ 1000 W/m². Imaginez la même situation, mais pendant les vacances de Noël, c’est entre 300 et 400 W/m²."

    Est-ce que les valeurs sont des moyennes qui considèrent la durée d'ensoleillement d'une journée, si oui, ton exemple n'est pas représentatif, sauf si la personne reste toute la journée dehors ! :-)

    Merci à l'avance pour les précisions…

  2. 17 avril 2009 | 12:52

    Il s'agit d'une quantité d'énergie par seconde, le watt.

    Fait que le 1000 W/m², tu le rescends instantanément si tu veux, ou dans l'ordre de la seconde. lorsque le soleil est à son maximum dans la journée. Tu n'as pas besoin de passer la journée dehors, juste d'exposer ton visage pour quelques secondes. Tu as ainsi une bonne idée de ce que ça représente.

  3. yannick
    17 avril 2009 | 17:03

    Excellent billet.

    Penses-tu que le ministre de l'environnement au fédéral saisit bien ces concepts?
    Peut-être ne comprendrait-il meme pas le titre.

  4. 18 avril 2009 | 16:46

    Salut Miguel -
    Ok, j'ai ma réponse dans le titre de ton graphe : "flux solaire maximum moyen", donc "maximum", à midi et à midi seulement. Ce qui m'a confondu, c'est ta formulation "imaginez une journée", alors qu'en fait, tu veux qu'on s'imagine seulement à midi lors cette journée…
    -1 point pour moi en reading comprehension ?
    -1 point pour toi pour confusion d'un gars capable d'être confus ? ;-)

    have fun -

  5. Alain Cota
    26 décembre 2009 | 6:38

    Pourquoi le total net anthropogenic n'est pas la somme des composantes, aussi bien pour la moyenne que pour les limites de l'intervalle de confiance ?

  6. 26 décembre 2009 | 9:25

    Voilà une excellente question. Cela ne semble pas être abordé dans le rapport dont le graphique est issu.

    J'ignore pourquoi la moyenne et les bornes ne concordent pas aux sommes mais, après réfléxion, j'hasarderais que ces facteurs sont peut-être reliés entre eux dans les modèles, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être additionnés de façon indépendante. Cela vaudrait probablement aussi pour les valeurs intermédiaires.

  7. Alain Cota
    4 janvier 2010 | 4:39

    Votre réponse appelle la question fondamentale:
    Quelle est l'action sur le total d'une diminution d'une composante, et pour fixer les idées: de combien diminue le total pour une dininution de 50% par exemple de la composante CO2?

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