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Aventure au soudan - partie 1

Introduction

Le 23 avril, je quitte le Canada pour participer a la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS). J'y participe en tant que capitaine des Forces armées canadiennes. Cette mission vise à faire cesser la guerre entre le gouvernement du Soudan (GoS) et l'armée de libération du peuple soudanais (SPLA) qui occupe la moitié sud du pays. Rien a voir avec le Darfour. En fait si, mais c'est complexe… Ce conflit dure depuis 21 ans et a fait environ 3 millions de morts. Bien entendu, on n'en parle pas dans le journal de Montréal.

Pour bien situer la situation, rien de tel qu'une bonne vieille carte du Soudan. http://www.unmis.org/english/map.htm On y est en mesure d'y voir clairement les différentes zones dans lesquels seront déployées des troupes internationales. Différents pays vont contribuer des troupes afin de patrouiller les zones a risque. Présentement, malheureusement, aucun pays occidental ne fournit de ses soldats. Les seuls militaires occidentaux, font parti du quartier général et occupent des postes ou l'on s'occupe de la planification des opérations. Pour une description des pays contributeurs: http://en.wikipedia.org/wiki/UNMIS

Donc les troupes onusiennes vont s'assurer que le SPLM et le gouvernement du Soudan (GoS) vont respecter les accords qu'ils ont signé le 9 janvier 2005. Selon ces accords, des troupes internationales seront sur le terrain, dans le sud du pays pendant au moins 6 ans. Après ces 6 années, le Sud pourra, s'il le désire, faire un référendum pour obtenir son indépendance. La découverte de pétrole au beau milieu du pays, sur la ligne de démarcation en fait, vient compliquer les choses. Les ramifications politiques sont tout aussi intéressantes que complexes et méritent un texte a part.

Arrivée

Le 24 avril, je mets le pied a l'aéroport international de Khartoum, vers 23h30 du soir. On se rend au Soudan en faisant escale a Frankfort et au Caire, sur les ailes de Lufthansa (on peut faire confiance aux Allemands pour nous amener partout dans le monde!). Température extérieure : 33 degrés celsius a minuit!. Ca promet! Dans l'airbus A340 de Lufthansa, entre Le Caire et Khartoum : une vingtaine de personnes. Quelques militaires, des travailleurs humanitaires, des employés civils des Nations Unies, un photographe de National Geographic. Pas de femmes.

Descendons dans le terminal. Les militaires soudanais me regardent d'un drôle d'Sil. Je ne leur prête pas attention tant je suis fatigué. L'aéroport est poussiéreux et mal éclairé. Pas de doute, je ne suis plus sur le Plateau Mont-Royal. Attente interminable pour les bagages. Je suis agréablement surpris de voir mes 3 « barrack boxes », et mon « kit bag » faire leur apparition. La dernière fois que je les avais vu, c'était a Dorval. Je fais donc la file pour l'immigration. Un employé des Nations Unies (c'est du moins ce qu'il affirme) me tire par ma chemise d'uniforme et me baragouine quelque chose en très mauvais anglais. Je crois qu'il est Indien ou Pakistanais. Peu importe. Il me tend une feuille, je regarde, j'y vois mon nom. Bon signe. Il prend mon passeport et part vers un bureau « officiel ». Ca va bien! A peine 10 minutes au Soudan et un inconnu se balade avec mon passeport! Pourtant bonne nouvelle, après 20 minutes, il me retrouve et me fait « bypasser » les douanes. J'aurais vraiment du apporter quelques bonnes bouteilles du Canada! J'ai manqué ma chance…

A l'extérieur, l'adjudant Steffen Carlsen de l'armée danoise m'attend. On se serre chaleureusement la main, nous nous connaissons depuis septembre 2004. Je fais en effet parti d'un groupe d'officiers qui forment le quartier général de la mission. Nous provenons d'une quinzaine de pays différents et nous nous somme entraînés ensemble pendant une vingtaine de jours en septembre et novembre 04, en Autriche et au Danemark.

On quitte prestement l'aéroport, direction l'hôtel. L'ONU a mis tous les militaires dans un hôtel en ville, Le Palace. Une belle surprise, moi qui m'attendais a dormir sous la tente. Je vais donc passer les 6 prochains mois avec une douche et une toilette dans ma chambre. Le luxe. Le Palace est sur le bord du Nil bleu. (le Nil blanc est a quelques kilomètres). Un 5 étoiles selon eux, moi je leur donne un bon 3 étoiles nord américaines. Fonctionnel, bonne nourriture, belle vue, piscine. Ça « fait la job » quoi!

Les Nations-Unies a Khartoum

Les Nations Unies ont donc pignon sur rue, au centre-ville de Khartoum. Quelques bâtiments ont été réquisitionnés. En fait il y a un bâtiment principal et des contracteurs sont en train d'installer des dizaines et des dizaines de containers maritimes (ISO containers) blancs, autour de ce bâtiment. On y installe l'électricité et l'air climatisé et ceux-ci deviennent des bureaux. Efficace et rapide, ca se monte en une seule journée. Le quartier est calme et les gens semblent sympathiques à notre présence. L'armée soudanaise nous surveille discrètement. Voila pour l'aspect physique des choses.

Les gens. On trouve en gros 3 types de personnes ici. Les militaires, les « internationaux » et les « locaux ». Les militaires proviennent de nombreux pays, occidentaux pour la plupart. Un major-général du Bengladesh est a la tête de la mission, il est secondé par un brigadier général canadien. Ça fait du bien de savoir qu'un militaire de « l'ouest » est bien placé dans cette mission. On a quelques russes qui traînent ici et la. On parle de hockey avec eux, question de détendre l atmosphère. Les « internationaux » sont des employés civils qui remplissent des fonctions importantes au sein du QG. Certains travaillent en logistique, d'autres font des cartes et il y a bien entendu les experts en informatique qui tentent d'installer un réseau et de faire rouler des serveurs dans une salle qui n'est pas climatisée adéquatement… Les agences majeures des NU sont aussi représentées : UNIFEC, World Food Program, Human Rights Watch, etc. Finalement, au bas de l'échelle, il y a les employés « locaux », c'est à dire des Soudanais qui s'occupent de l'entretien et qui nous servent de chauffeurs. On imagine facilement que plusieurs d entre-eux travaillent aussi pour les services de renseignements soudanais… Mais bon, l'ONU n'a supposément aucun secret!

Khartoum

Un peu de géographie! Khartoum : 5 millions d'habitants (approx, aucun recensement depuis des années!) et 2 millions de réfugiés de la guerre (sud du pays et Darfour). Khartoum est au confluent du Nil bleu et du Nil blanc. Je confirme que les deux sont bruns. Allez savoir pourquoi on leur attribut une autre couleur… Mais j'avoue que ça fait exotique!

Khartoum est chaude et poussiéreuse. Il y fait entre 40 et 45 degrés à l'ombre. Un vent brûlant y souffle constamment. Ce vent fait exactement le même effet qu'un séchoir a cheveux. Donc pas très plaisant. Khartoum est au milieu du désert. Le vent y amène donc en permanence du sable et de la poussière (haboob). Les bons jours, on arrive presque à l'oublier. Les mauvais jours, on ne peut pas voir de l'autre côté de la rue. Une espèce de mur brun frappe alors la ville. Il va s'en dire que les habitants rentrent alors chez eux.

Khartoum est très religieuse. Pas d'alcool, charia oblige. Pas vraiment de crime non plus, charia oblige. Une multitude de minarets domine la ville et l'appel a la prière retentit plusieurs fois par jour. Les soldats soudanais qui sont dans le coin se déchaussent, trouvent la direction de La Mecque et prient. J'ai repéré 2 églises chrétienne jusqu'à maintenant, de confession « koptique » je crois, comme en Ethiopie.

La circulation est désorganisée, mais étrangement empreinte de civilité. On ne respecte pas vraiment les lois de la route, mais on le fait avec courtoisie. On n'hésite pas a couper quelqu'un, mais on le fait a vitesse réduite en lui envoyant la main. J'ai donc le sentiment que la conduite en centre-ville n'est pas si dangereuse que ça. Ça m'apparaît rempli de lois non écrites que tous semblent connaître.

Le night life

Inexistant, ou presque… L'alcool est interdit, mais il semble toléré dans les maisons privées et chez les occidentaux. Le restaurant chinois Panda nous sert du « thé » avec de la broue et 5% d'alcool. On peut toujours faire confiance aux Chinois! Pour les locaux, ca semble assez tranquille, mais la communauté des travailleurs internationaux, sait comment s'amuser. La bière fait son chemin depuis le Kenya, via les pilotes des NU. Chaque semaine voit donc une organisation internationale, organiser un BBQ dans une maison ou des employés habitent, ou encore carrément au bureau. Une terrasse est un bon plus.

Évidemment ces soirées sont l'occasion de rencontrer de jeunes et jolies travailleures humanitaires qui veulent sauver le monde!

Le paiement proportionnel au capital*

Le rapport Ménard a mis en lumière le problème auquel sera confronté la société québécoise dans son avenir. Le vieillissement de la population du Québec aura pour effet d'augmenter considérablement le coût du système de santé. La proportion des coûts reliés au système de santé représente actuellement 43% des dépenses du gouvernement provincial alors qu'il n'était que de 35% en 1995 et on prévoit qu'il sera de l'ordre de 68% en 2030.

Ce rapport propose différentes solutions pour faire face à ce problème. Ces solutions vont de la trivialité (améliorer l'efficacité du réseau, contrôler l'évolution de la dette de l'État) aux revendications traditionnelles du Québec (maintenir la pression sur le gouvernement fédéral afin d'accroître les transferts d'argent aux provinces) en passant par l'augmentation des revenus de l'État (augmentation des tarifs d'Hydro-Québec, augmentation de la taxe de vente du Québec [TVQ]) et des solutions se voulant novatrices (Régime d'asurrance contre la perte d'autonomie, compte de santé et services sociaux distinct des fonds consolidés du gouvernement).  Elles ont en communs de ne pas augmenter les impôts puisque les Québécois ont le fardeau fiscal « le plus élevé du Canada ».

Or, les moyens pour augmenter les revenus sont très discutables. L'augmentation de la TVQ et surtout des tarifs d'Hydro-Québec a pour effet direct de diminuer le revenu disponible des couches les plus démunies de la société. D'autre part, augmenter les impôts de la population active serait insuffisant, dans 20 ans il n'y aura plus que 2 travailleurs pour chaque personne agées de plus de 70 ans, sans compter le fait que la population québécoise est déjà la plus taxée en Amérique du Nord.  De plus, si le gouvernement optait pour ce dernier moyen,la génération du baby-boom se trouverait à surtaxer les générations suivantes pour leurs propres soins alors qu'eux-mêmes ont eu accès à un revenu disponible très important au cours de leur vie active.

Il faut, selon les recommandations mêmes du rapport, « éviter de transmettre une facture disproportionnée aux générations futures ». Le vieillissement de la population nécessitera des sommes d'argent supplémentaires; il n'y a pas à y échapper. La question est de savoir d'où proviendront ces sommes. La génération des baby-boomers a pu profiter de la conjoncture dû, entre autre, à leur poids démographique au cours de leur vie active. Cette conjoncture leur a permis d'acquérir une importante quantité de biens (que ce soit en placements, en biens immobiliers, etc.).

Or, nous devons considérer les coûts d'une système à long terme et non à l'échelle de quelques années, voire des décennies. Une génération n'a pas à assumer l'accumulation de richesse de la précédente. Il faut donc aller puiser dans la valeur que représente cette accumulation de biens pour pallier au déficit qu'entraînera inévitablement le vieillissement de la population. Évidemment, c'est de façon globable que cette richesse s'est créée au cours des années; ce n'est pas le cas de tous les individus. Il faut veiller à ce que ces derniers aient accès aux mêmes soins, et dans le même système, que ceux ayant des avoirs importants.

En prenant comme principe qu'il ne faut pas augmenter les impôts, je propose donc un système de paiement pour l'accès aux soins de santé basé sur l'actif des individus.  Les individus (ou une autre forme d'association à déterminer comme la famille ou les conjoints) auraient, pour avoir accès aux soins de santé, à payer un montant qui dépenderait de leur actif. Des taux seraient fixés et pourraient être changés au besoin. Par exemple, les individus possédant un actif supérieur à 1 million de dollars devraient débourser 90% des coûts de leurs soins alors que ceux ayant un actif inférieur à 100 000 dollars n'auraient rien à payer. Les taux pour ceux ayant un actif entre ce plafond (1 million) et ce plancher (100 000) seraient échelonnés.

De cette manière, les individus ayant un actif supérieur au plancher devraient, pour avoir accès à des soins, dégager des sommes d'argent afin de payer leur partie des frais encourus. Ces individus, disposant de biens dont ils peuvent se départir contre une somme d'argent, pourraient l'utiliser pour payer leurs soins. Un autre moyen de fournir cette somme serait en souscrivant à un régime d'assurance santé privé qui garantirait le paiement de ces soins, gardant ainsi intact l'actif, et le taux à payer, des individus. Cette mesure s'appliquerait à toute la population, et donc à toutes les générations, mais en mettant l'accent sur ceux qui ont le plus accès aux services à condition qu'ils aient des biens.

Soulignons que le système de santé actuel et le système unique de santé privé sont les cas limites de la solution proposée. Dans le cas du système de santé gratuit et universel, la valeur du plancher est infini. En bas du plancher, donc tous les individus, le taux à payer pour avoir accès aux soins est de 0%. Dans le cas du système unique de santé privé, c'est le plafond qui est fixé à 0$, c'est-à-dire que tous les individus doivent payer 100% des frais pour avoir accès aux soins de santé. En fait, dans le cas du système privé, le plancher est plutôt de l'infini négatif puisque même une personne avec un actif négatif, c'est-à-dire endettée, devra payer.

La solution du système de paiement basé sur l'actif permet donc de faire une transition continue à partir de maintenant (en faisant payer ceux qui ont un actif de plus de 10 millions de dollars) et de revenir au système de soins gratuit et universel. Ce sera au gouvernement du Québec d'établir les taux selon ce qu'il juge juste et nécessaire. Le taux maximal de 100% ne devrait jamais être atteint, peu importe le montant de l'actif. De cette façon l'État serait incité à la performance, il ne pourrait refiler le coût total de la facture aux usagers et l'amélioration de l'efficacité se traduirait en économies, mais surtout, on évite ainsi de se retrouver avec un système de santé privé.

Ce système semble avoir le défaut que les gens en santé pourraient profiter de leurs richesses, ce qui ne serait pas le cas pour ceux nécessitant des soins. L'existance d'un plancher, en deça duquel les individus n'ont pas à payer pour avoir accès aux soins, prévient justement ce possible déséquilibre. Ce sera à la société de juger à quel montant a droit un individu de telle sorte que son droit au bonheur ne soit pas compromis (équivalent du revenu de citoyenneté appliqué à l'actif) et utilisant l'excédant de cette somme pour le bien commun.

*Le terme de capital est utilisé au sens keynésien, c'est-à-dire aux richesses utiles de toutes sortes. Le capital comprend par conséquent les moyens de production, l'outillage, les stocks de marchandises, les maisons d'habitation, etc. En aucun cas ce mot n'est pris dans le sens restreint de monnaie qu'on lui donne parfois, par exemple lorsqu'on parle de mouvements internationaux de capitaux (source: Département des sciences économiques et sociales de l'Académie de Versailles).