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Fin de mission au Soudan

Alors que mon service au Soudan se termine (enfin? Malheureusement? Je n ai pas encore décidé…) je décide donc de profiter du bogue ptaff, pour vous éclairer un peu plus sur le travail que j'ai fait ici.

Du 23 avril au 21 octobre, j ai eu donc la chance d'être déployé sur l'OP SAFARI, au Soudan. La force des Nations-Unies (UNMIS) a le mandat de faire respecter le cessez-le-feu entre le gouvernement du Soudan et le SPLM qui contrôle le sud du pays. Cette guerre a durée plus de 20 ans et a fait environ 2 millions de morts, sans pour autant que les journaux du monde occidental n'y consacrent la une de leur journaux.

Une de mes premières tâches, consista à développer un plan d'entraînement des télécommunications, pour les observateurs militaires qui allaient se déployer dans le sud du pays. L'entraînement consistait à leur montrer à utiliser efficacement les radios VHF et HF ainsi que les divers téléphones satellites a notre disposition. Une partie intéressante du travail fut de donner des séances d'entraînement sur les communications radios. Ce fut parfois tout un défi d'expliquer les raffinements des communications HF à des officiers de la Zambie, de la Mongolie ou du Nigéria, qui pour la plupart n'avaient jamais opéré de radios de leur carrière et ne comprenaient pas les théories de propagation des ondes.

Pendant les premiers 90 jours, ce qui prit le plus de mon temps, fut certainement la planification du déploiement d'un régiment de transmission de l'armée indienne. Étant le seul militaire au sein de la section CITS (Communications Information Technology Section), j'ai donc planifié le déploiement des 264 signaleurs indiens, à travers le Soudan. J'ai donc fait la liaison avec le commandant du régiment, en Inde et les autorités des NU, tant a Khartoum qu'a New York. Cette partie de mon travail fut passionnante, si ce n'est que par le simple fait que toutes les heures de travail consacrées, se traduisirent finalement par l'arrivée sans anicroches du contingent indien.

Lorsque enfin le régiment est arrivé sur le terrain, on m'a totalement intégré à cette unité. Ce fut sans doute la meilleure expérience professionnelle de ma carrière. Au sein du régiment, j'ai hérité du rôle de responsable de la cellule de planification de l'unité, c'est-à-dire le groupe de personne qui planifient les opérations futures a moyen et long terme.

Dans ce rôle, j'ai pu participer activement à l'implantation d'un logiciel de poursuite automatique des véhicules. Grâce à ce système, les GPS fixés sur les véhicules des observateurs militaires, transmettaient automatiquement leur position, via la radio HF, aux quartiers généraux des secteurs. Dans la salle radio, un ordinateur avec une carte digitale montre donc en temps réel, la position des véhicules a travers le Sud-Soudan. Il va s'en dire que ceci c'est révélé un outil fort efficace. On a qu'a penser que des centaines de milliers de mines sont encore actives dans le pays, il est donc fort important de contrôler le mouvement de nos véhicules a travers le pays.

Travailler avec l'armée indienne fut une expérience fantastique. L'armée indienne compte environ 1.3 millions de soldats et le corps des signaleurs a lui seul, en compte 60 000, soit autant que la totalité des Forces armées canadiennes! L'Inde a sélectionné les meilleurs soldats et officiers pour se déployer au Soudan. Leur professionnalisme a toujours été très impressionnant. La plupart des soldats et tous les officiers avaient l'expérience des opérations de combat au Cachemire, sur la ligne de séparation ainsi que des opérations anti-terroristes (counter-insurgency) dans les montagnes. Ce régiment a même déployé le poste de retransmission radio le plus élevé du monde, a une altitude de 7 200 mètres, dans l'Himalaya! Mon officier commandant m'a aussi raconté que de sa classe de 400 élèves, ayant gradué de l'académie militaire, environ 12% étaient morts au combat, depuis les 20 dernières années. Ceci a de quoi faire réfléchir.

Le commandant de l'unité m'a rapidement et totalement accepté comme l'un de ses propre officiers. J'ai pu donc profiter des avantages du corps des officiers en Inde. Disons que les Indiens sont probablement encore plus « British » que les Anglais eux-mêmes! A chaque jour à 16h00, un soldat venait nous servir le thé! Les officiers ont encore aussi leur estafette personnelle qui fait les courses, va chercher les cafés, fait les photocopies et remballe même les ordinateurs portables des officiers à la fin de la journée. Je dois dire cette expérience est un peu déstabilisante pour un occidentaux habitué a notre société égalitaire. L'armée indienne fonctionne encore intensément selon le système des castes.

Bien que la mission des NU au Soudan ait connu quelques ratés au départ et n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière, mon expérience au sein d'une unité de transmission de l'armée indienne fut des plus enrichissante. Pareille opportunité ne se représentera probablement pas se sitôt. Mon expérience au Sud-Soudan me laisse croire que la paix est possible entre les 2 partis qui sont épuisés par 20 ans de guerre. Je crois que la mission de l'Union africaine au Darfour sera, a moyen terme, intégrée a la mission des Nations-Unies au Soudan. Il sera alors intéressant d'observer la réaction des pays occidentaux et de voir s'ils auront finalement la volonté d'envoyer leurs troupes mettre fin aux violences quotidiennes. Un dossier a suivre.

Aventure au soudan - partie 1

Introduction

Le 23 avril, je quitte le Canada pour participer a la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS). J'y participe en tant que capitaine des Forces armées canadiennes. Cette mission vise à faire cesser la guerre entre le gouvernement du Soudan (GoS) et l'armée de libération du peuple soudanais (SPLA) qui occupe la moitié sud du pays. Rien a voir avec le Darfour. En fait si, mais c'est complexe… Ce conflit dure depuis 21 ans et a fait environ 3 millions de morts. Bien entendu, on n'en parle pas dans le journal de Montréal.

Pour bien situer la situation, rien de tel qu'une bonne vieille carte du Soudan. http://www.unmis.org/english/map.htm On y est en mesure d'y voir clairement les différentes zones dans lesquels seront déployées des troupes internationales. Différents pays vont contribuer des troupes afin de patrouiller les zones a risque. Présentement, malheureusement, aucun pays occidental ne fournit de ses soldats. Les seuls militaires occidentaux, font parti du quartier général et occupent des postes ou l'on s'occupe de la planification des opérations. Pour une description des pays contributeurs: http://en.wikipedia.org/wiki/UNMIS

Donc les troupes onusiennes vont s'assurer que le SPLM et le gouvernement du Soudan (GoS) vont respecter les accords qu'ils ont signé le 9 janvier 2005. Selon ces accords, des troupes internationales seront sur le terrain, dans le sud du pays pendant au moins 6 ans. Après ces 6 années, le Sud pourra, s'il le désire, faire un référendum pour obtenir son indépendance. La découverte de pétrole au beau milieu du pays, sur la ligne de démarcation en fait, vient compliquer les choses. Les ramifications politiques sont tout aussi intéressantes que complexes et méritent un texte a part.

Arrivée

Le 24 avril, je mets le pied a l'aéroport international de Khartoum, vers 23h30 du soir. On se rend au Soudan en faisant escale a Frankfort et au Caire, sur les ailes de Lufthansa (on peut faire confiance aux Allemands pour nous amener partout dans le monde!). Température extérieure : 33 degrés celsius a minuit!. Ca promet! Dans l'airbus A340 de Lufthansa, entre Le Caire et Khartoum : une vingtaine de personnes. Quelques militaires, des travailleurs humanitaires, des employés civils des Nations Unies, un photographe de National Geographic. Pas de femmes.

Descendons dans le terminal. Les militaires soudanais me regardent d'un drôle d'Sil. Je ne leur prête pas attention tant je suis fatigué. L'aéroport est poussiéreux et mal éclairé. Pas de doute, je ne suis plus sur le Plateau Mont-Royal. Attente interminable pour les bagages. Je suis agréablement surpris de voir mes 3 « barrack boxes », et mon « kit bag » faire leur apparition. La dernière fois que je les avais vu, c'était a Dorval. Je fais donc la file pour l'immigration. Un employé des Nations Unies (c'est du moins ce qu'il affirme) me tire par ma chemise d'uniforme et me baragouine quelque chose en très mauvais anglais. Je crois qu'il est Indien ou Pakistanais. Peu importe. Il me tend une feuille, je regarde, j'y vois mon nom. Bon signe. Il prend mon passeport et part vers un bureau « officiel ». Ca va bien! A peine 10 minutes au Soudan et un inconnu se balade avec mon passeport! Pourtant bonne nouvelle, après 20 minutes, il me retrouve et me fait « bypasser » les douanes. J'aurais vraiment du apporter quelques bonnes bouteilles du Canada! J'ai manqué ma chance…

A l'extérieur, l'adjudant Steffen Carlsen de l'armée danoise m'attend. On se serre chaleureusement la main, nous nous connaissons depuis septembre 2004. Je fais en effet parti d'un groupe d'officiers qui forment le quartier général de la mission. Nous provenons d'une quinzaine de pays différents et nous nous somme entraînés ensemble pendant une vingtaine de jours en septembre et novembre 04, en Autriche et au Danemark.

On quitte prestement l'aéroport, direction l'hôtel. L'ONU a mis tous les militaires dans un hôtel en ville, Le Palace. Une belle surprise, moi qui m'attendais a dormir sous la tente. Je vais donc passer les 6 prochains mois avec une douche et une toilette dans ma chambre. Le luxe. Le Palace est sur le bord du Nil bleu. (le Nil blanc est a quelques kilomètres). Un 5 étoiles selon eux, moi je leur donne un bon 3 étoiles nord américaines. Fonctionnel, bonne nourriture, belle vue, piscine. Ça « fait la job » quoi!

Les Nations-Unies a Khartoum

Les Nations Unies ont donc pignon sur rue, au centre-ville de Khartoum. Quelques bâtiments ont été réquisitionnés. En fait il y a un bâtiment principal et des contracteurs sont en train d'installer des dizaines et des dizaines de containers maritimes (ISO containers) blancs, autour de ce bâtiment. On y installe l'électricité et l'air climatisé et ceux-ci deviennent des bureaux. Efficace et rapide, ca se monte en une seule journée. Le quartier est calme et les gens semblent sympathiques à notre présence. L'armée soudanaise nous surveille discrètement. Voila pour l'aspect physique des choses.

Les gens. On trouve en gros 3 types de personnes ici. Les militaires, les « internationaux » et les « locaux ». Les militaires proviennent de nombreux pays, occidentaux pour la plupart. Un major-général du Bengladesh est a la tête de la mission, il est secondé par un brigadier général canadien. Ça fait du bien de savoir qu'un militaire de « l'ouest » est bien placé dans cette mission. On a quelques russes qui traînent ici et la. On parle de hockey avec eux, question de détendre l atmosphère. Les « internationaux » sont des employés civils qui remplissent des fonctions importantes au sein du QG. Certains travaillent en logistique, d'autres font des cartes et il y a bien entendu les experts en informatique qui tentent d'installer un réseau et de faire rouler des serveurs dans une salle qui n'est pas climatisée adéquatement… Les agences majeures des NU sont aussi représentées : UNIFEC, World Food Program, Human Rights Watch, etc. Finalement, au bas de l'échelle, il y a les employés « locaux », c'est à dire des Soudanais qui s'occupent de l'entretien et qui nous servent de chauffeurs. On imagine facilement que plusieurs d entre-eux travaillent aussi pour les services de renseignements soudanais… Mais bon, l'ONU n'a supposément aucun secret!

Khartoum

Un peu de géographie! Khartoum : 5 millions d'habitants (approx, aucun recensement depuis des années!) et 2 millions de réfugiés de la guerre (sud du pays et Darfour). Khartoum est au confluent du Nil bleu et du Nil blanc. Je confirme que les deux sont bruns. Allez savoir pourquoi on leur attribut une autre couleur… Mais j'avoue que ça fait exotique!

Khartoum est chaude et poussiéreuse. Il y fait entre 40 et 45 degrés à l'ombre. Un vent brûlant y souffle constamment. Ce vent fait exactement le même effet qu'un séchoir a cheveux. Donc pas très plaisant. Khartoum est au milieu du désert. Le vent y amène donc en permanence du sable et de la poussière (haboob). Les bons jours, on arrive presque à l'oublier. Les mauvais jours, on ne peut pas voir de l'autre côté de la rue. Une espèce de mur brun frappe alors la ville. Il va s'en dire que les habitants rentrent alors chez eux.

Khartoum est très religieuse. Pas d'alcool, charia oblige. Pas vraiment de crime non plus, charia oblige. Une multitude de minarets domine la ville et l'appel a la prière retentit plusieurs fois par jour. Les soldats soudanais qui sont dans le coin se déchaussent, trouvent la direction de La Mecque et prient. J'ai repéré 2 églises chrétienne jusqu'à maintenant, de confession « koptique » je crois, comme en Ethiopie.

La circulation est désorganisée, mais étrangement empreinte de civilité. On ne respecte pas vraiment les lois de la route, mais on le fait avec courtoisie. On n'hésite pas a couper quelqu'un, mais on le fait a vitesse réduite en lui envoyant la main. J'ai donc le sentiment que la conduite en centre-ville n'est pas si dangereuse que ça. Ça m'apparaît rempli de lois non écrites que tous semblent connaître.

Le night life

Inexistant, ou presque… L'alcool est interdit, mais il semble toléré dans les maisons privées et chez les occidentaux. Le restaurant chinois Panda nous sert du « thé » avec de la broue et 5% d'alcool. On peut toujours faire confiance aux Chinois! Pour les locaux, ca semble assez tranquille, mais la communauté des travailleurs internationaux, sait comment s'amuser. La bière fait son chemin depuis le Kenya, via les pilotes des NU. Chaque semaine voit donc une organisation internationale, organiser un BBQ dans une maison ou des employés habitent, ou encore carrément au bureau. Une terrasse est un bon plus.

Évidemment ces soirées sont l'occasion de rencontrer de jeunes et jolies travailleures humanitaires qui veulent sauver le monde!