697 billets et 975 commentaires jusqu'à maintenant

Fin de mission au Soudan

Alors que mon service au Soudan se termine (enfin? Malheureusement? Je n ai pas encore décidé…) je décide donc de profiter du bogue ptaff, pour vous éclairer un peu plus sur le travail que j'ai fait ici.

Du 23 avril au 21 octobre, j ai eu donc la chance d'être déployé sur l'OP SAFARI, au Soudan. La force des Nations-Unies (UNMIS) a le mandat de faire respecter le cessez-le-feu entre le gouvernement du Soudan et le SPLM qui contrôle le sud du pays. Cette guerre a durée plus de 20 ans et a fait environ 2 millions de morts, sans pour autant que les journaux du monde occidental n'y consacrent la une de leur journaux.

Une de mes premières tâches, consista à développer un plan d'entraînement des télécommunications, pour les observateurs militaires qui allaient se déployer dans le sud du pays. L'entraînement consistait à leur montrer à utiliser efficacement les radios VHF et HF ainsi que les divers téléphones satellites a notre disposition. Une partie intéressante du travail fut de donner des séances d'entraînement sur les communications radios. Ce fut parfois tout un défi d'expliquer les raffinements des communications HF à des officiers de la Zambie, de la Mongolie ou du Nigéria, qui pour la plupart n'avaient jamais opéré de radios de leur carrière et ne comprenaient pas les théories de propagation des ondes.

Pendant les premiers 90 jours, ce qui prit le plus de mon temps, fut certainement la planification du déploiement d'un régiment de transmission de l'armée indienne. Étant le seul militaire au sein de la section CITS (Communications Information Technology Section), j'ai donc planifié le déploiement des 264 signaleurs indiens, à travers le Soudan. J'ai donc fait la liaison avec le commandant du régiment, en Inde et les autorités des NU, tant a Khartoum qu'a New York. Cette partie de mon travail fut passionnante, si ce n'est que par le simple fait que toutes les heures de travail consacrées, se traduisirent finalement par l'arrivée sans anicroches du contingent indien.

Lorsque enfin le régiment est arrivé sur le terrain, on m'a totalement intégré à cette unité. Ce fut sans doute la meilleure expérience professionnelle de ma carrière. Au sein du régiment, j'ai hérité du rôle de responsable de la cellule de planification de l'unité, c'est-à-dire le groupe de personne qui planifient les opérations futures a moyen et long terme.

Dans ce rôle, j'ai pu participer activement à l'implantation d'un logiciel de poursuite automatique des véhicules. Grâce à ce système, les GPS fixés sur les véhicules des observateurs militaires, transmettaient automatiquement leur position, via la radio HF, aux quartiers généraux des secteurs. Dans la salle radio, un ordinateur avec une carte digitale montre donc en temps réel, la position des véhicules a travers le Sud-Soudan. Il va s'en dire que ceci c'est révélé un outil fort efficace. On a qu'a penser que des centaines de milliers de mines sont encore actives dans le pays, il est donc fort important de contrôler le mouvement de nos véhicules a travers le pays.

Travailler avec l'armée indienne fut une expérience fantastique. L'armée indienne compte environ 1.3 millions de soldats et le corps des signaleurs a lui seul, en compte 60 000, soit autant que la totalité des Forces armées canadiennes! L'Inde a sélectionné les meilleurs soldats et officiers pour se déployer au Soudan. Leur professionnalisme a toujours été très impressionnant. La plupart des soldats et tous les officiers avaient l'expérience des opérations de combat au Cachemire, sur la ligne de séparation ainsi que des opérations anti-terroristes (counter-insurgency) dans les montagnes. Ce régiment a même déployé le poste de retransmission radio le plus élevé du monde, a une altitude de 7 200 mètres, dans l'Himalaya! Mon officier commandant m'a aussi raconté que de sa classe de 400 élèves, ayant gradué de l'académie militaire, environ 12% étaient morts au combat, depuis les 20 dernières années. Ceci a de quoi faire réfléchir.

Le commandant de l'unité m'a rapidement et totalement accepté comme l'un de ses propre officiers. J'ai pu donc profiter des avantages du corps des officiers en Inde. Disons que les Indiens sont probablement encore plus « British » que les Anglais eux-mêmes! A chaque jour à 16h00, un soldat venait nous servir le thé! Les officiers ont encore aussi leur estafette personnelle qui fait les courses, va chercher les cafés, fait les photocopies et remballe même les ordinateurs portables des officiers à la fin de la journée. Je dois dire cette expérience est un peu déstabilisante pour un occidentaux habitué a notre société égalitaire. L'armée indienne fonctionne encore intensément selon le système des castes.

Bien que la mission des NU au Soudan ait connu quelques ratés au départ et n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière, mon expérience au sein d'une unité de transmission de l'armée indienne fut des plus enrichissante. Pareille opportunité ne se représentera probablement pas se sitôt. Mon expérience au Sud-Soudan me laisse croire que la paix est possible entre les 2 partis qui sont épuisés par 20 ans de guerre. Je crois que la mission de l'Union africaine au Darfour sera, a moyen terme, intégrée a la mission des Nations-Unies au Soudan. Il sera alors intéressant d'observer la réaction des pays occidentaux et de voir s'ils auront finalement la volonté d'envoyer leurs troupes mettre fin aux violences quotidiennes. Un dossier a suivre.

Un commentaire à « Fin de mission au Soudan »

  1. Marie
    13 novembre 2005 | 12:26

    Votre texte est le seul que j'ai pu dénicher pour enfin savoir un peu de la vie que mon frère doit mener là-bas depuis le début d'octobre, envoyé dans l'Op Safari. Merci.

Réagissez