Le vote électronique au Québec: suite et fin
12e billet d'une série de 12 concernant le vote électronique. Vous pouvez avoir accès au résumé des 12 billets ou encore à la liste de tous les billets concernant le vote électronique.
Ce billet termine le cycle de billets débuté en 2005 portant sur le vote électronique au Québec. Un bref rappel: aux élections municipales du Québec en novembre 2005, de « nouveaux mécanismes de votation » furent utilisés à travers la province, notamment des urnes électroniques. Ayant voté à l'aide d'une de celles-ci dans mon quartier, Villeray, j'ai fait enquête pour savoir ce qui arrivait à mon vote une fois mon bulletin entré dans l'urne. Conclusion, non seulement il m'était impossible de le savoir mais l'arbitre des élections, le Directeur général des élections du Québec (DGEQ), n'avait pas lui-même les pouvoirs pour l'apprendre. Il n'y a que la compagnie fournissant les urnes électroniques, PG Elections (leur site web ne semble plus exister), qui savait ce qui se passait et ils n'ont jamais daigné répondre à mes questions. Je n'avais aucun recours sinon que de suivre la suggestions du DGEQ, soit de consulter un avocat pour éventuellement poursuivre la compagnie.
L'utilisation de ces nouveaux mécanismes de votation s'est révélée un fiasco. Les médias ont bien rapporté les problèmes ponctuels de ces mécanismes, votes annulés, congestion des lignes, problèmes informatiques, mais hormis le politologue Claude Côté, chercheur associé à l'Université Concordia, il y eut peu de débats de fond sur les implications sur la démocratie de l'utilisation de ces machines.
Suite à l'utilisation des nouveaux mécanismes de votation, le DGEQ avait prévu la rédaction d'un rapport faisant état des expériences des municipalités lors de ces élections. Ce rapport a été publié en octobre 2006. Je tiens à souligner l'excellente qualité de ce rapport, tant au niveau de son édition que de son contenu. Bien qu'il contienne plus de 200 pages et qu'il couvre tous les aspects des nouveaux mécanismes de votation (juridiques, techniques, plaintes, etc.), il m'a été facile de me concentrer uniquement sur le type d'urne utilisé dans mon quartier. Ce document combine analyse détaillé et consultation rapide, une combinaison de qualités que l'on ne retrouve malheureusement que trop rarement.
Initialement, je voulais disséquer ce rapport pour ensuite en résumer les grands traits dans un billet. Mais, à la réflexion, ce n'est pas le traitement que je ferai. Tout d'abord, le rapport et les annexes sont accessibles dans leurs entièretés en ligne. Il est aussi possible d'obtenir gratuitement une version papier du rapport sur une simple demande. D'autre part, tel que je l'ai mentionné, le document a les qualités requises pour répondre rapidement aux interrogations des lecteurs intéressés à la question. Je me contenterai de noter que le DGEQ conclue que les nouveaux mécanismes de votation tels qu'ils ont été utilisés doivent être abandonnés et qu'ils ne sauraient en être de nouveau question à moins que ses recommandations ne soient suivies.
Présentement, il n'y a dans le monde aucun système de votation électronique qui répond à ces exigences. Ceci révèle non pas que le DGEQ a des exigences irréalistes mais bien qu'aucun des systèmes existant ne remplit les conditions inaliénables que les Québécois se sont donnés en tant que société pour ses élections. Cette institution, le DGEQ, a rempli parfaitement son rôle avec ce rapport et ces recommandations.
Il est heureux que la génération nous précédant ait eu la clairvoyance de donner ces pouvoirs à une institution et de créer ainsi le DGEQ. Par son mandat et ses pouvoirs, elle a su protéger la population du Québec face aux conséquences de l'utilisation de la technologie. Sans le DGEQ, le système politique québécois aurait sûrement suivi le même chemin que plusieurs États américains qui utilisent aujourd'hui le vote électronique, une partie de leur système électoral est caché dans une boîte noire dont aucun citoyen ne peut connaître le fonctionnement.
Je n'ai de cesse de m'étonner que notre système démocratique, ce qui constitue l'essence même de notre société, ait été attaqué dans son mécanisme de base, le processus électoral, et qu'il y ait eu si peu de personnes pour s'en inquiéter ou s'en indigner. Je vois 3 raisons possibles pour expliquer cette apathie.
D'une part, le sentiment trompeur que nous subissons la technologie, nous ne la contrôlons pas. De la même façon que nous nous sommes résignés à voir geler un ordinateur ou encore à être forcé d'utiliser un logiciel spécifique pour un appareil électronique, nous acceptons simplement un système qui nous est imposé. Il en va du système électoral comme de notre ordinateur, pourquoi une personne croirait-elle qu'elle a plus d'emprise sur cette technologie qu'elle en a sur une boîte qui est dans sa propre maison?
D'autre part, le désintérêt, pour ne pas dire le cynisme, de la population pour tout ce qui concerne la politique. Le taux sans cesse décroissant de participation de la population aux élections illustre bien ce fait. Je ne tenterai pas pas d'expliquer ce phénomène ici, cela dépasse grandement le cadre de ce billet, mais ce constat pourrait expliquer le laisser faire face aux nouveaux mécanismes de votation.
Finalement, la confiance que les autorités allaient s'occuper de la question. Lorsque les problèmes sont survenus, les médias ont rapporté que le DGEQ allait se pencher sur la question et faire un rapport sur les incidents. Peut-être la population avait-elle suffisamment confiance et s'est intéressé à autre chose?
Si l'une des 2 premières hypothèses est en cause, il y a tout à s'inquiéter de la réaction de la population lorsqu'il est question du fonctionnement de la technologie. Les appareils électroniques sont maintenant essentiels dans un nombre croissant d'aspects de notre vie. Nous avons cette fois-ci été sauvé par une institution avec un mandat clair concernant un enjeu précis. Si nous abdiquons notre contrôle sur la technologie, qui donc viendra à notre secours la prochaine fois que nos droits serons attaqués? Qui nous éclairera?