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Volcanologie amateure dans l’est du Congo

Drapeau de la République démocratique du Congo

Ce billet est le quatrième d'un collaborateur de ptaff.ca qui est présentement en République démocratique du Congo. Le lecteur pourra retrouver l'ensemble de cette série en consultant les billets portant l'étiquette congo.

Les volcanologues en herbes connaissent bien l’est de la République Démocratique du Congo, car on y retrouve le volcan le plus actif d’Afrique, et possiblement du monde, le Nyiragongo, d'une altitude de 3470 m.

Carte du Congo

Une visite du Nyiragongo s’impose, si on a la chance de visiter le Kivu en général et la ville de Goma en particulier malgré la guerre qui fait rage dans la région. Une guerre civile n’étant pas pour décourager de vrais amateurs de géologie et de volcans, j’ai entrepris l'ascension de cette montagne, avec un groupe d’amis.

Vue à la base du Nyiragongo
Vue à la base du Nyiragongo

L'Institut congolais de conservation de la nature (ICCN) est l’organisme qui est en charge de la protection des parcs nationaux du pays. En RDC, la protection des parcs nationaux prend un tout autre sens qu’en Amérique. Ici, les « parks rangers » sont armés de AK-47 et doivent régulièrement affronter les milices du CNDP ou du FDLR. Dans le parc des Virungas, une poignée de courageux rangers protègent les derniers grand gorilles de montagne de la planète. Des gens dédies qui font ce métier dangereux pour quelque dollars par mois.

Nous rencontrons le guide de l’ICCN au pied de la montagne, à environ 15 minutes de voiture de la ville de Goma. Il nous en coutera 50$ US pour faire l’ascension du volcan et 20$ par porteur. Les porteurs vont monter la montagne en sandales de caoutchouc, chandails de laine et manteaux datant des années 80. En comparaison, notre groupe est équipé « tout goretex ». Il va sans dire que nous avons laissé de généreux pourboires à nos porteurs à la fin du voyage. Ils ont probablement gagné en 36 heures de durs labeurs, l'équivalent de 15 jours de travail pour le congolais moyen habitant Goma.

Notre groupe d’amateurs est compose de 2 Canadiens, 1 Français, 1 Belge, 3 Sud-Africains et 2 Britanniques. Il est 11h00, nous commençons la marche. Altitude : 2000 m. Le moral est excellent.

La marche d’approche va nous prendre 5 heures et demi. Au départ le sentier monte doucement à travers une jolie forêt. La végétation est dense et luxuriante. Tout en montant, on peut malheureusement voir plusieurs signes de coupe illégale de bois. Il est en effet interdit de couper les arbres à l’intérieur du parc national. Les habitants viennent y couper de grands arbres au bois très dense, pour en faire du charbon de bois, qui sera revendu a Goma. La demande est très forte puisque tout est cuit au charbon de bois a Goma. Au Rwanda voisin, il est interdit de couper les arbres (le Rwanda étant très densément peuple, il n’y a presque plus de forêt) donc les Rwandais s’approvisionnent en charbon au Congo.

Forêt tropicale
Forêt tropicale à la montée du Nyiragongo

Nous traversons de nombreuses coulées de lave datant de diverses époques. La dernière éruption volcanique remonte a 2002. La marche est de plus en plus difficile car le sol est principalement compose de petits cailloux de lave. Plutôt dangereux! À mesure que nous grimpons, nous apercevons de plus en plus de petites aspérités dans la pierre d’où s’échappent des gaz volcaniques très chaud. On sent bien qu’ici, le sol est vivant! La végétation devient plus rare et les plantes sont couvertes de cendres. Les derniers 600 mètres sont très pénibles, la pente est très inclinée, et pluie et grêle s’abattent sur le groupe. Mais après plus de 5 heures d'efforts, nous atteignons finalement le sommet.

La vue sur le cratère de 1,2 km de diamètre est spectaculaire. On peut se tenir debout directement sur le bord du cratère pour voir tout au fond, 700 m plus bas, un lac de lave. Une immense colonne de fumée s élève du cratère et on peut entendre très distinctement le grondement sourd de la lave qui mijote au fond de cette marmite géante. Sur le rebord du cratère, une petite croix de bois a été élevée a la mémoire d'une touriste chinoise qui a péri en 2007. Elle est tombée dans le cratère, a réussi à s’accrocher à une corniche, mais est finalement morte d’avoir inhalée les gaz mortels. Au sommet, nous regardons la lave pendant quelque heures et nous apprécions ce moment de tranquillité. De forts vents poussent des nuages sur nos tentes, rendant le lieu encore plus irréel.

Bordure du Nyiragongo
Bordure du Nyiragongo
Vue du cratère du Nyiragongo
Cratère du Nyiragongo
Vue du cratère du Nyiragongo
Vue de la lave à l’intérieur du Nyiragongo
Le cratère au crépuscule

Nous montons nos tentes à quelques mètres à peine du bord du cratère, une expérience tout à fait magique. Nos porteurs font chauffer de l’eau à l'aide de charbon de bois (quelle ironie!) et nous partageons notre nourriture avec eux.

Campement sur les bords du Nyiragongo
Notre campement

Après une nuit froide, pluvieuse et venteuse, le lendemain nous repartons de très bonne heure. La descente dure 3 heures a peine et nous sommes vite de retour au bureau de l'ICCN, au pied du majestueux Nyirangongo.

Descente du Nyiragongo
Végétation lors de la descente

Une visite au volcan Nyiragongo est un « must » pour le voyageur qui aboutit a Goma. Il est à espérer que de plus en plus de touristes pourront se rendre sur cette montagne magique. Ceci serait une source importante de capitaux étrangers. Le seul point négatif du voyage est l’absence de renseignements sur le volcan. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de volcanologues et de scientifiques qui travaillent dans le région. Bien que la randonnée soit fantastique, on dénote une absence d'informations sur la faune, la flore et la géologie du volcan. Notre esprit scientifique est un peu déçu de cet état des choses.