Extrait d'un discours de Lionel Groulx, le 29 juin 1937
Ce discours de Lionel Groulx a été prononcé lors du Deuxième Congrès de la langue française au Canada en 1937. Ayant pour titre « L'histoire gardienne des traditions vivantes », les organisateurs ne pouvaient se douter de la conclusion, où l'abbé Groulx appelle à la création d'un État français.
La fin de ce discours est recopiée ici.
De grâce, que l'on ne réplique point, avec les défaitistes: « Trop tard! Le peuple ne veut plus! » J'aurai le courage de prendre ici la défense de notre petit peuple. Sans doute, se révèle-t-il parfois bien inerte, bien décevant. Mais l'histoire m'a appris que d'ordinaire, il vaut autant que ses chefs. Au surplus, quand tout un peuple est endormi, c'est qu'il y a eu quelque part des endormeurs. Je dénie le droit à ceux qui ne sont pas même éveillés, de reprocher au peuple son sommeil. Trop tard? Passons, Messieurs les dirigeants, autant de temps à faire quelque chose que nous en avons passé à ne rien faire; dépensez, pour le réveil national, pour le redressement de la conscience collective, autant d'activité, autant de millions, autant d'esprit d'organisation et de propagande, propagande de husting1, propagande de radio, propagande de journaux, qui s'en est dépensé, en cette province, depuis soixante ans, pour nous insuffler les passions insanes de la politique; dépensez autant d'effort, pour nous éclairer et pour nous unir, que vous en avez dépensé pour nous aveugler et nous diviser; et alors, vous pourrez parler de l'apathie populaire.
Trop tard? Mais vous ne voyez donc pas, vous n'entendez pas ce qui s'en vient? Le souffle de grandeurs, le voici qui commence à soulever une génération. Notre avenir nouveau, la jeunesse la plus intelligente, la plus allante, la plus décidée, le porte déjà dans ses yeux. Voilà pourquoi je suis de ceux qui espèrent. Parce qu'il y a Dieu, les ancêtres qui ont espéré; j'espère avec tous les espérants d'aujourd'hui; j'espère par-dessus mon temps, par-dessus tous les découragés. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, notre État français, nous l'aurons; nous l'aurons jeune, fort, rayonnant et beau, foyer spirituel, pôle dynamique pour toute l'Amérique française. Nous aurons aussi un pays français, un pays qui portera son âme dans son visage. Les snobs, les bonne-ententistes, les défaitistes, peuvent nous crier, tant qu'ils voudront: « Vous êtes la dernière génération de Canadiens français… » Je leur réponds, avec toute la jeunesse: « Nous sommes la génération des vivants. Vous êtes la dernière génération des morts! »
Source: Courtois, Charles-Philippe; Parenteau, Danic (2011). Les 50 discours qui ont marqué le Québec, Anjou: Les éditions CEC, p. 168. ISBN: 9782761732703