Québec Beyond the Headlines
Billet originalement publié sur le Huffington Post.
Dans le journal belge Le Soir de mai 2015, un encart de 6 pages raconte la contribution russe à la victoire des Alliés en 1945. Cet encart est rédigé en collaboration avec Russia Beyond the Headlines, un organisme de nouvelles commandité par le gouvernement russe. On y trouve des histoires de mariages entre Belges et Russes s'étant rencontrés pendant la guerre, et comment ces deux pays sont encore aujourd'hui reliés par l'histoire de ces familles. À cela s'ajoutent des analyses historiques, dont celle d'un historien de l'Université de Montréal, qui complètent le portrait de l'apport russe à la Belgique.
Le gouvernement russe a compris quelque chose qui échappe à Philippe Couillard: la promotion d'une culture et d'une vision de l'histoire nécessite une représentation à l'étranger. L'encart en question expose la contribution cruciale des Soviétiques à la défaite nazie. C'est une contribution minimisée, pour ne pas dire occultée, dans la représentation occidentale de la Libération. Cet encart sert donc à promouvoir la version de l'histoire du point de vue russe.
En comparaison, le Québec est aujourd'hui affaibli par les coupures du gouvernement Couillard dans sa représentation à l'étranger. Les délégations du Québec sont non seulement des antennes commerciales pour vendre l'expertise québécoise dans les pays et les villes où elles se situent, mais elles sont avant tout les représentantes culturelles d'une vision du monde: la nôtre.
Ce repli du Québec à l'étranger diminue la diversité culturelle qui contribue à la richesse de l'expérience humaine. Notre position historique et culturelle s'efface aujourd'hui devant les dictats canadiens, presque partout dans le monde. On ne parlera plus de l'expérience entre Québécois et Russes, Chiliens ou Taïwanais, mais bien de l'expérience entre Canadiens et Russes, Chiliens ou Taïwanais. Il y a tout un monde de différence entre Canadiens et Québécois. C'est d'ailleurs de là qu'origine notre agacement lorsque les Européens mentionnent qu'ils sont en visite au Canada alors qu'ils visitent le Québec.
C'est le Canada qui choisit le personnel diplomatique et la façon dont les représentations sont effectuées. Il ne s'agit pas ici de prétendre que le Canada ment, pas plus que l'Occident ne ment lorsqu'il minimise la contribution soviétique. Les délégués canadiens raconteront l'histoire qui met le Canada en valeur, ce qui est normal. Il ne faut pas attendre que le Canada s'occupe du Québec: il visera ses intérêts et négligera ceux des Québécois, a fortiori si nous n'avons pas la force de nous tenir debout.
Et c'est ici qu'entre en jeu la petitesse de Philippe Couillard dans le cadre canadien. Le premier ministre du Québec ignore en effet la tradition québécoise et adopte une position «provinciale», confinant le peuple québécois à un rôle de subordonné à celui de la «nation canadienne». Affaiblissant le mouvement indépendantiste, il efface ce que nous obtiendrions de facto avec le statut de pays: une représentation étrangère pour le Québec. C'est d'autant plus méprisant que Couillard est un homme de grande culture: il est conscient de ce qu'il détruit. S'il avait de la considération historique pour le peuple dont il est issu, il aurait un autre rêve que celui d'un équilibre budgétaire.