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Comment trouver un fonds d'investissement sans pétrole?

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Lors de la période de questions d'une présentation à la Maison du développement durable à laquelle j'assistais, un intervenant interpella l'auditoire, nous invitant à vendre nos actions dans les compagnies pétrolières. Nous devions voter avec notre argent.

Pas fou, me suis-je dit. Il n'y a pas juste les grandes institutions qui devraient désinvestir dans les actions des pétrolières ; les individus devraient également se joindre au mouvement. Et comme j'avais des placements, j'ai décidé d'embarquer. Mais voilà, avoir des investissements sans pétrole n'est pas une mince affaire.

D'entrée de jeu, je ne désirais pas devenir moi-même un spécialiste de la bourse, c'est-à-dire que je ne voulais pas composer moi-même un portefeuille à partir d'actions de compagnies que j'aurais choisies. Cela m'aurait permis d'éviter les actions des compagnies pétrolières, mais j'aurais par contre dû choisir parmi une sélection d'entreprises correspondant à mon profil d'investisseur. Je ne suis pas un boursicoteur, j'ai peu d'intérêt dans la gestion quotidienne d'un portefeuille et encore moins de temps à y consacrer. Les institutions financières ont d'ailleurs des produits tout indiqués pour les épargnants comme moi : les fonds et les portefeuilles de placement.

Je n'ai cependant trouvé aucun fonds ou portefeuille d'une institution financière ayant pignon sur rue au Québec qui soit explicitement sans pétrole. Certes, il existe bien des investissements éthiques ou encore responsables, mais les critères utilisés sont plutôt opaques et de toute évidence pas garants d'exclusion pétrolière. Par exemple, le fonds d'investissement éthique NEI propose des fonds « Environnemental, Social et de Gouvernance » qui contiennent des actions de Suncor, la plus grosse compagnie pétrolière du Canada. On pourrait discuter de la cohérence d'une telle compagnie dans un fonds « environnemental », mais il apparaît clairement que je ne peux pas utiliser cette étiquette pour éviter les compagnies pétrolières.

Comme aucun produit ne correspondait à mes exigences, j'ai dû faire le travail moi-même. En tant que client et membre chez Desjardins, j'ai d'abord exprimé mes besoins à mon conseiller financier, qui m'a confirmé qu'aucun produit Desjardins ne correspondait explicitement à ma demande, que je devrais examiner leurs produits disponibles pour voir s'ils répondaient à mes critères. Ce que j'ai fait, de manière exhaustive.

J'ai compulsé chaque produit offert par Desjardins pour déterminer lesquels contiennent des actions de compagnie pétrolière, et j'ai créé une liste indiquant si les fonds Desjardins possèdent ou non des actions dans ce secteur.

Première conclusion : tous les portefeuilles Desjardins contiennent des actions de compagnie pétrolière, y compris ceux qui portent l'étiquette de SociéTerre (Suncor se trouve dans chacun d'eux). Deuxième conclusion : lorsque vous trouvez des actions canadiennes dans la description d'un produit de placement, cela implique des compagnies pétrolières (chez Desjardins comme chez les autres institutions financières). Cela reflète bien l'économie canadienne, c'est-à-dire que le pétrole y occupe une place incontournable. Inversement, tout produit à l'étiquette québécoise est exempt de pétrole (le secteur pétrolier occupant une portion économique marginale dans notre économie). Finalement, il importe de savoir que seules les entreprises constituant les principaux placements des fonds sont listées dans la description. Comme je me base sur cette liste pour déterminer quels fonds possèdent des actions dans le secteur des hydrocarbures, je ne peux ainsi m'assurer que 100 % des fonds ne sont pas reliés au pétrole. Il s'agit du mieux que je puisse faire avec l'information disponible sur le site de Desjardins.

À la suite de ce travail, j'ai donc pu composer un portefeuille sans pétrole, adapté à mon profil d'investisseur. Ma motivation et ma discipline ont porté ses fruits ; j'ai toutefois dû m'investir pour en arriver à ce résultat. Autrement dit, la manière dont sont structurés les fonds de placement ne permet pas aux investisseurs de faire des choix respectueux de leurs critères éthiques. Si l'investisseur désire ne pas investir dans les compagnies qui produisent des OGM, des armes, qui exploitent les enfants dans le tiers-monde, ou qui ont des pratiques contraires à ses valeurs, il est laissé à lui-même.

Dans un système où les frais de gestion des produits de placement varient en moyenne entre 1 % et 2 % annuellement, je pense qu'une partie des frais pourrait être utilisée pour expliciter les critères des fonds et portefeuilles. Il serait alors possible, pour les épargnants, de vraiment voter avec leur argent.

Wallonie-Québec: en sens inverse

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

L'un des arguments ayant mené à l'élection de Donald Trump est certainement son opposition aux accords de libre-échange, notamment celui entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (ALENA). Afin que la classe politique québécoise prenne conscience de cette opposition de la population, je reviens sur les récents événements qui ont eu lieu lors de la ratification du traité de libre-échange entre l'Europe et le Canada, l'Accord économique et commercial global (AECG).

La Wallonie, par son refus momentané de signer l'AECG liant le Canada et l'Europe, est née à la face du monde il y a quelques semaines. Au cours de la dernière année, pendant mon congé parental, j'ai eu l'occasion d'habiter plusieurs mois dans cette région belge, ma conjointe étant Wallonne. Ainsi, j'aimerais faire un parallèle entre les directions opposées que prennent la Wallonie et le Québec au sein de leur fédération respective.

Il faut d'abord savoir que les habitants de la Wallonie, francophones dans leur vaste majorité, s'identifient d'abord à leur localité: Namurois, Liégeois, Ardennais, Luxembourgeois, etc. Ensuite vient l'identification à la Belgique. Lors de mon séjour, peu de fois ai-je entendu les habitants de la Wallonie se désigner en tant que «Wallon(ne)s». Certes, on y parle de la Wallonie en tant que région et unité administrative, mais pas en tant qu'unité identitaire. Il m'a d'ailleurs paru étrange d'identifier plus haut ma conjointe en tant que «Wallonne» plutôt que «Belge».

C'est un peu comme si on se disait Saguenéen(ne) ou Beauceron(ne) pour ensuite s'identifier directement comme Canadien; le Québec n'étant, dans ce contexte, qu'une unité administrative, gérant Hydro-Québec et la SAQ. En territoire québécois, la population indiquerait d'emblée que vous êtes au Canada et, si vous vous intéressez vraiment à leur situation particulière, dans la partie du pays qui parle français.

La Wallonie est essentiellement envisagée dans sa dimension économique dans le but de relancer cette économie. Les Wallon(e)s se considèrent en effet comme habitant une région défavorisée, et ils font appel à leurs pouvoirs politiques régionaux pour se remettre en route. Ils sont renforcés dans cette autoperception négative par leur voisin flamand, dont les partis politiques n'hésitent pas à souligner leur différence de PIB par habitant pour faire des gains politiques (le principal parti flamand, la N-VA, a déjà fait un coup d'éclat pour illustrer le transfert monétaire des Flamands vers la Wallonie qui n'est pas sans rappeler le coup de la Brinks).

On a ici un parallèle qui peut être établi avec le Québec. Wallons et Québécois représentent une minorité linguistique dans leur fédération, et se font traiter de pauvres par les politiciens des autres membres de la fédération, essentiellement pour des gains politiques locaux.

Lors de mon séjour, il m'est arrivé une seule fois d'entendre un politicien faire un appel «aux Wallons» dans leur ensemble. En mars 2016, Paul Magnette expliquait que la Wallonie allait être à l'avant-garde de l'Europe en refusant d'adhérer à l'AECG tel qu'il était proposé. Ce fut un réel choc et ça me faisait plaisir à entendre. Un sursaut d'identification wallonne forte s'opposant à l'Europe tout entière! Il s'agissait là des premiers soubresauts de la contestation wallonne à l'AECG, qui allait connaître son apogée 7 mois plus tard.

Il est intéressant de s'attarder aux mots utilisés par Paul Magnette dans ses allocutions. Il parle de la «population» qu'il représente, et non du «peuple». Il utilise ainsi le regroupement qui est le plus à même d'interpeller ses commettants, c'est-à-dire des gens habitant un territoire qu'il administre, et non un peuple qui formerait une nation, avant la superposition politique qui peut s'y rattacher.

On peut ici faire un parallèle entre la situation wallonne et le Québec, en examinant la vision de la Francophonie de Jean-Marc Fournier, ministre responsable des Affaires intergouvernementales, depuis que le PLQ de Philippe Couillard est au pouvoir à Québec. En effet, Fournier promeut indirectement la conception que le Québec n'est pas un peuple en soi, que celui-ci consiste plutôt en un sous-ensemble des Canadiens français. Il manipule les chiffres afin de sublimer l'identité québécoise dans le concept canadien. Les francophones québécois ne seraient qu'un sous-groupe d'une population plus grande habitant le Canada.

Il est, dans ce contexte, particulier de voir Philippe Couillard souligner à Paul Magnette la ressemblance entre le Québec et la Wallonie, afin qu'il ratifie l'AECG. D'un côté, Couillard, aveuglé par son amour irrationnel du Canada, fait tout en son pouvoir pour diluer l'identité québécoise et le pouvoir politique du Québec dans la fédération canadienne. De l'autre, il y a Paul Magnette, qui use de ses nouveaux pouvoirs légués par la transformation de son pays en fédération pour s'imposer face à l'Europe, en interpellant quelque chose comme les Wallons. Sur l'autoroute de la revendication politique et nationale, ils avancent en sens inverse, l'un faisant apparaître sa région à la face du monde, l'autre exhibant son aplaventrisme pour diluer sa nation dans la fédération.

Cette caricature de Kroll, le plus célèbre caricaturiste belge, illustre bien le sursaut des Wallons des dernières semaines, dont j'ai pu être directement témoin chez ma conjointe et ma belle-famille. Il est heureux que la contestation soit venu d'une région européenne aux fortes racines démocratiques, plutôt que par la voix d'un populiste comme nous avons pu voir aux États-Unis il y a quelques jours. Ici au Québec, il est impensable que Couillard puisse donner un sursaut de fierté aux Québécois(es), que ce soit sur le plan national ou international. Là comme ailleurs, on peut trouver inspiration chez les Wallons.