Dans le cadre de la petite histoire de l'atmosphère de la Terre, j'avais écris que le CO2 présent dans l'atmosphère avait été dissous dans l'océan. Les êtres vivants, en prenant le carbone présent dans le CO2, libéraient du O2. Voilà pour la récapitulation.
Les organismes vivant, en mourant, emprisonnaient une grande quantité de carbone (C) dans la lithosphère. Par exemple, pendant des millions d'années, la végétation s'est décomposée et s'est retrouvée par la suite dans la croûte terrestre. Or, que fait l'homme depuis un peu plus de 100 ans ? Il va puiser dans cette source de carbone, via les combustibles fossiles, et la consume ensuite, libérant de ce fait des quantités énormes de CO2 dans l'atmosphère. Ce que la nature a mis des millions d'années à produire, l'homme le détruit en moins de 200 ans.
Qu'arrive-t-il à la quantité fantastique de CO2 ainsi libérée ? Puisque l'océan a déjà absorbé pratiquement tout le CO2 (il ne reste que 3% de tout le CO2 présent sur la Terre sous forme de gaz dans l'atmosphère) de l'atmosphère primitive de la Terre, ne pourrait-il pas recommencer ?
Il y a 3 endroits où ce surplus de CO2 peut résider: dans l'atmosphère, dans l'océan et dans la biomasse.
Absorption du CO2 par l'océan
Dissollution directe du CO2
Pour ce qui est de l'océan, on y retrouve le CO2 dissous sous trois forme: CO2 dissous directement dans l'eau (acide carbonique), HCO2- (bicarbonate) et CO32- (carbonate). La majorité du CO2 présent dans l'océan est sous la forme de carbonate. Le pH des océans, a une valeur de 8,2, est étonnament alcalin. L'ajout de CO2 dans l'océan l'acidifie, ce qui réduit sa capacité à absorber le CO2 (la raison dépasse grandement le cadre de cette discussion). On ne peut simplement ajouter du CO2 dans l'atmosphère et attendre qu'il soit absorbé par l'océan. En fait, à cause de la contrainte sur l'alcalinité des océans, 50% du CO2 émit demeure dans l'atmosphère. On voit la menace sur l'équilibre qui existe présentement où seulement 3% du CO2 est dans l'atmosphère.
Mais comment se fait-il alors que l'océan ait réussi à absorber tout le CO2 de l'atmosphère primitif ? Excellente question Gaston. C'est là qu'intervient le fameux courant du fond des océans. La limitation sur le pH dont il était question dans le paragraphe précédent est une contrainte sur la couche supérieure de l'océan. Il est possible de voir l'océan comme une superposition de 3 réservoirs: la couche de surface (0-100m), la couche intermédiaire (100m à 1km) et l'océan profond (1km jusqu'au fond). L'eau demeure dans chacun des réservoirs en moyenne 18, 40 et 120 ans, respectivement. Autrement dit, une réponse de l'océan à un changement de concentration de CO2 dans l'atmosphère prend environ 200 ans. Il n'y a que la couche supérieure de l'océan qui entre en contact avec l'atmosphère et cette couche ne peut prendre que 6% de tout le CO2 émit par la combustion des combustibles fossiles. La somme de toutes les couches ont absorbé, depuis le début du XIXe siècle, autour de 25% de tout le CO2 émit. On peut apprécier l'importance qu'a le brassage de l'océan; le CO2 absorbé par la couche supérieure doit absolument passer dans l'océan profond si on veut que le surplus de CO2 libéré dans l'atmosphère ne nous étouffe pas.
Absorption du CO2 par le phytoplancton
Le phytoplancton est la base de la chaîne alimentaire, ce qui fait que le C qu'il produit se retrouve ensuite dans tous les échelons de la chaîne alimentaire et environ 90 % est éventuellement convertie en CO2 en solution dans l'eau (par la respiration et la décomposition dans la couche supérieure de l'océan). Le 10% restant (matières fécales, organismes décédés) est précipité au fond des océans. Cette proportion représente environ un huitième de ce qui est transporté par les échanges entres les couches d'eau dans l'océan profond.
Les mesures actuelles de CO2 atmosphériques indiquent que 50% des émissions demeurent dans l'atmosphère. L'absorption du CO2 par les océans en élimine 30%. Où passent donc les 20% restants ?
Absorption du CO2 par la biomasse de la Terre ou les « puits de carbone »
Rien n'explique où peuvent être allés ces 20 %, les scientifiques émettent des hypothèses et l'une de celle-là est l'accroissement de la biomasse de la Terre.
Par des modèles calculant la quantité de CO2 absorbée par les plantes lors de leur croissance, les scientifiques en sont venus à la conclusion que la vitesse d'absorption du CO2 par la végétation était un peu plus petite que celle des océans.
C'est là que serait passé le 20 % manquant: il y aurait eu un accroissement de la quantité de CO2 absorbé par la végétation des moyennes et hautes latitudes de l'hémisphère nord. Une partie de cette augmentation pourrait être due à une conversion des terres agricoles en forêt dans les moyennes latitudes de l'hémispère nord, et une autre partie pourrait être attribuable à une plus grande activité de la photosynthèse de la forêt boréale, résultat du réchauffement climatique.
Cette accumulation de la biomasse par les plantes seraient ensuite déposée sur le sol. Ce sont les fameux « puits de carbone » !
Référence: Introduction to atmospheric chemistry, Daniel J. Jacob, Princeton University Press, ISBN 0-691-00185-5, p. 87-90