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Des pétitions détournées par les partis politiques

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Les partis politiques peuvent, légalement, utiliser les adresses courriel des signataires de pétitions électroniques afin d'envoyer des courriels non sollicités. Autrement dit, des pourriels.

C'est de cette manière que le Parti vert (PV) et le NPD on pu m'envoyer des courriels à la fin de la dernière campagne électorale canadienne. Les adresses ont été extraites, selon toute vraisemblance, des pétitions Coule pas chez nous (11 000 signataires) et Non aux sables bitumineux (90 000 signataires), qui ont été remises à tous les partis politiques au début de la campagne.

Comme j'utilise une adresse courriel unique pour signer chaque pétition, je suis en mesure de retracer la source d'une fuite lorsque je reçois un courriel non sollicité. Dans le cas de la pétition Coule pas chez nous, j'ai utilisé l'adresse « cauzio.miguel@ptaff.ca » (cauzio est le nom du site web où était hébergé la pétition) et pour celle Non aux sables bitumineux, j'ai utilisé « equiterre.miguel@ptaff.ca » car le formulaire de la pétition était hébergé sur le site web d'Équiterre.

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J'ai reçu deux courriels de chacun des partis. Deux à l'adresse « cauzio.miguel@ptaff.ca » (PV et NPD), un à l'adresse « cquiterre.miguel@ptaff.ca » (PV) et quatrième à l'adresse « cquiterre.miquel@ptaff.ca » (NPD). Les pétitions ayant été remises aux partis politiques en format papier, le PV et le NPD ont dû retranscrire les adresses courriel dans un logiciel, et c'est lors de ce processus que les coquilles se sont introduites. La « e »de « equiterre » a été remplacée par un « c », et le « g » de mon prénom pour un « q ».

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Munis de cette certitude, j'ai interpellé le Parti vert sur les réseaux sociaux. Daniel Green, lieutenant québécois du PV, s'est excusé quelques jours plus tard pour ce problable détournement d'adresses courriel par son parti politique.

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J'ai également contacté Équiterre, responsable de la pétition Non aux sables bitumineux pour leur expliquer ce détournement des pétitions. Ils ont confirmé qu'ils avaient remis la pétition en format papier à tous les partis politiques du Canada, profitant de la campagne électorale pour susciter une prise de position sur cet enjeu.

Prenant le détournement des adresses courriel par le NPD et le PV au sérieux, Équiterre a consulté un avocat pour savoir s'il y avait un recours juridique, dans la mesure où le détournement d'adresses était confirmé. Il existe en effet une loi anti-pourriel au Canada interdisant l'utilisation sans consentement d'adresses courriel pour faire de la sollicitation. Mais, vérifications faites par le juriste, il existe une exception pour les partis politiques et Équiterre n'a aucun recours juridique contre une telle utilisation des informations de leurs pétitions.

L'apprentissage derrière cette découverte, c'est que les partis politiques peuvent légalement détourner toutes les adresses électroniques qui leur tombent sous la main pour faire de la sollicitation.

Conséquemment, les pétitions en ligne sont de la nourriture pour les bases de données des partis politiques sur les électeurs. En effet, ces pétitions contiennent de l'information précieuse sur les signataires: nom complet, adresse courriel, code postal, profil politique (sujet de la pétition).

Le NPD et le PV ont, dans ce cas-ci, profité du travail d'Équiterre et de la fondation Coule pas chez nous pour contacter les signataires, ceux-ci ayant été identifiés comme étant préoccupés par des enjeux environnementaux. Ces partis auraient donc conclu, à tort ou à raison, que les signataires seraient plus susceptibles de voter pour eux et leur ont envoyé un pourriel pour solliciter leur appui.

Ceci soulève des questions. Est-ce que toutes les pétitions envoyées au gouvernement, et non seulement aux partis politiques, peuvent être détournées de la sorte par les partis politiques? Jusqu'à quel point cette pratique est-elle répandue dans les partis politiques? Est-ce que les partis politiques du Québec recourent également cette pratique? Comment réagiront les auteurs, et les signataires, de pétitions électroniques?

Pistes de solution

Pour créer une pétition électronique

Au Canada, les seules pétitions admissibles sont celles en format papier qui ont « des signatures originales inscrites directement et non collées ou autrement reproduites ». Au Québec, une pétition électronique doit avoir été remplie sur le site de l'Assemblée nationale, et avoir été parrainée par un député.

Les pétitions électroniques comme celles mises sur pied par Équiterre et Coule pas chez nous ne sont donc pas reconnues officiellement. Les organisateurs sont donc sans lignes directrices légales pour présenter leurs pétitions aux partis politiques ou aux gouvernements. Cependant, ces pétitions peuvent tout de même avoir un poids politique, dans la mesure où les signataires sont reconnus comme étant de vraies personnes.

Pour établir qu'il s'agit de vrais signataires, les organisateurs des pétitions pourraient calquer les exigences des pétitions papiers reconnues par le gouvernement du Canada. Le gouvernement du Canada exige trois éléments pour qu'une signature sur une pétition format papier soit admissible: la signature manuscrite, la ville et la province du signataire. Rien d'autre: pas de nom, pas d'adresse civique.

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Il s'agirait alors pour les organisateurs de remplacer la signature manuscrite par l'adresse courriel des signataires.

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Cela retirerait ainsi la possibilité aux partis politiques d'assigner à un électeur les adresses courriel et leur profil politique dans leur base de données, puisqu'il n'y a pas d'information nominative pour identifier les électeurs. Les signataires pourraient toujours recevoir des pourriels des partis politiques, mais leur identité d'électeur demeurera confidentielle.

Pour les signataires de pétitions électroniques

Pour signer une pétition électronique, il faut utiliser son vrai nom et adresse, mais il y a une marge de liberté pour l'adresse courriel fournie. Il est, par exemples, possible d'utiliser un service tel que MyTrashMail.com ou, si vous disposez d'un compte sur Gmail, de personnaliser chaque adresse courriel en utilisant le caractère "+" suivi d'un alias après son nom d'usager (ex: miguel+coulepascheznous@gmail est livré à l'adresse miguel@gmail.com). Si vous optez pour cette dernière stratégie, vous serez identifiés comme électeur dans les bases de données des partis politiques et recevrez des pourriels, mais vous serez capables d'identifier d'où provient le détournement, comme j'ai pu le faire pour écrire ce billet.

Finalement, je vous invite à faire part de votre mécontement aux partis politiques qui détournent les pétitions électroniques de la sorte.

Si vous avez reçu un pourriel d'un parti politique, vous pouvez exiger de l'expéditeur qu'il vous retire de ses listes, en plus de remplir une Soumission de renseignements au Centre de notification des pourriels sur le site du gouvernement du Canada.

Avec suffisament de plaintes, peut-être le législateur comblera-t-il le trou qu'il a volontairement laissé béant?

Audiochromie

En décembre 2013, ayant lu une brève annonçant le concours de création Mur à mur en hommage à Norman McLaren, j'ai proposé à Patrice Levesque, édimestre de ptaff.ca, d'y participer, ce qu'il a accepté avec enthousiasme.

Étant un grand fan de McLaren, je trouvais en effet que son oeuvre se portait bien à la création d'un film synthétique, ce qui était rendu possible grâce à notre connaissance des logiciels libres. J'avais d'ailleurs fait une première expérimentation avec la création du film 1 696 coups de foudre, orage à Montréal, 1er août 2006. Cela serait ainsi une occasion de parfaire nos connaissances sur différents logiciels, tout en laissant libre cours à notre création artistique.

La création du film a surtout été l'affaire de Patrice, me contentant de lui expliquer, dans la mesure de mes connaissances, le parcours de McLaren, ses influences et les caractéristiques de son oeuvre.

Après avoir étudié les différentes possibilités pour le concours, nous avons opté pour une création rendant hommage à Synchromie qui serait projeté sur l'édifice de la Place de la paix.

Notre film, Audiochromie, est une œuvre duale de Synchromie de Norman McLaren. Conservant le synchronisme parfait de l'image et du son, la genèse de Synchromie est inversée : les images traduisent la bande sonore.

Audiochromie explore les multiples manières de remplir la surface de projection spécifique à la Place de la Paix; les contraintes sont sublimées en éléments créatifs et structurants de l'espace visuel. D'abord par la forme des éléments des images, parfois rectangulaire, parfois mosaïque et parfois arabesque; ensuite par le mouvement, qu'il soit discret, linéaire ou courbe (rappelant la progression de McLaren pour la série de films Lignes verticales, Lignes horizontales et Mosaïques); finalement par la couleur.

Comme pour ceux employés par McLaren, les outils utilisés pour créer Audiochromie peuvent être déconstruits; il devait être possible pour les créateurs de triturer les éléments de création, de les pousser à leur limite et d'en expérimenter manuellement les combinaisons. Le film est entièrement créé à l'aide de logiciels libres (ImageMagick, bash, Csound, Lilypond, GNU Make, ffmpeg), qui amènent la liberté créatrice dans le monde numérique, refusant toute contrainte. Ceci offre une réponse abordable à ceux qui s'interrogent sur les moyens et le contexte de production, tout comme dans le cas des films de McLaren.

Vous noterez que le nom de Christine D.D. se trouve dans le générique. C'est que les règlements du concours exigeant qu'un professionnel de l'animation numérique soit dans la liste des créateurs, Christine a gentiment accepté d'ajouter son nom dans notre projet. Pour les curieux, vous pouvez consulter le synopsis complet du film soumis au concours.

Nous n'avons pas gagné ce concours. Il a été gagné par un Bulgare nommé Christo Guelov, qui étudié la peinture de murales et de fresques à l’Académie nationale des arts de Sofia avant de poursuivre sa formation en arts graphiques à Madrid. Notre background à nous était un peu moins artistique, bien qu'il fallait avoir une personne avec cette expérience dans notre dossier de candidature.

Malheureusement, son film n'est pas accessible en ligne, n'ayant que ce clip de 30 secondes pour l'apprécier :

Bien que n'ayant pas gagné, cet exercice nous aura permis d'explorer une autre aspect de la création numérique libre, que nous tentons de perpétuer en le rendant disponible et accessible en ligne.

Précisions sur un extrait du livre « Les baromètres humains »

A la page 213 du livre Les baromètres humains, le météorologue Gilles Brien s'inspire bien librement d'une de mes publications pour écrire:

Les fronts froids auraient-ils le pouvoir de prédire la violence au hockey?

Pour Miguel Tremblay, physicien […], passionné des relations entre la neige et la coupe Stanley, c'est difficile à savoir. Il n'est pas encore prêt à parier sa chemise sur le passage de fronts froids pour prévoir l'issue d'un match, ce qui ne l'empêche pas d'avoir mis au point son propre indice de prédiction relatif à l'accumulation totale de neige à Montréal pendant l'hiver. Après avoir épluché les résultats de 66 saisons des Canadiens, il estime que les hivers avec plus de neige que la normale donnent à l'équipe 37% de chances supplémentaires de remporter la coupe.

Bien que n'ayant mis aucune référence, M. Brien se base sur un billet intitulé Précipitations de neige et Canadien de Montréal: les statistiques publié en 2008 sur ce blogue.

Je suis tellement mal cité dans cet extrait, que cela mérite des précisions:

  • Je n'ai jamais établi, ou même considéré, un lien entre violence au hockey, ou résultat d'un match, et fronts froids. Je n'ai aucune opinion sur cette question, et n'en ai jamais émise aucune, que ce soit écrit ou verbalement.
  • Je ne suis pas un passionné des relations entre la neige et la coupe Stanley. J'ai écrit ce billet dans une perspective ludique et je n'ai fait aucune autre recherche ou publication sur ce sujet.
  • Je n'ai jamais mis au point un indice de prédiction basé sur l'accumulation de neige. J'ai simplement colligé des faits et calculé des statistiques. Je n'ai pas fait de prédiction, ni développé d'indice.
  • Je n'ai pas épluché les résultats de 66 saisons des Canadiens, j'ai pris la liste des années où les Canadiens avaient gagné la coupe Stanley, c'est-à-dire un simple copié-collé d'information qui se trouve partout le web.
  • Jamais je n'ai conclus que les années avec plus de neige que la normale donnent à l'équipe 37% de chances supplémentaires de remporter la coupe. Je conclus plutôt dans mon billet que lorsqu'il y a eu une quantité plus grande de neige que la moyenne, le Canadien a gagné la coupe 37 % du temps; les années sous la moyenne, 25,6 %.

Par quoi remplacer le baptême?

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Ma conjointe et moi désirions célébrer la naissance de notre premier enfant en organisant une cérémonie d'accueil laïque. Ce moment se voulait l'occasion de souligner l'arrivée parmi nous d'un nouvel être, que nous souhaitions présenter à sa communauté, à nos amis et à nos familles qui, habitant sur deux continents différents, se verraient pour la première fois rassemblées. Ma conjointe n'est pas baptisée, et pour ma part, bien que baptisé, je suis agnostique. Il n'était dès lors pas question d'opter pour un baptême comme cérémonie d'accueil pour notre enfant. Mais alors comment fêter cet événement de vie de manière solennelle?

Parmi nos critères, nous désirions une institution qui soit conforme à nos valeurs, à nos croyances, et qui pourrait nous recevoir dans un lieu symbolique. En plus d'une fête, nous voulions que cette cérémonie soit accompagnée de rites que nous n'aurions pas inventés de toute pièce, qui auraient un sens, et qui seraient menés par un célébrant.

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Une lettre dans Le Devoir décrivant un questionnement analogue fut publiée alors que ma conjointe et moi tenions ces réflexions. Je partageai l'article sur mon mur Facebook, ainsi que nos interrogations, et un ami nous suggéra l'Église unitarienne universaliste de Montréal. N'ayant jamais eu vent de cette Église - la myriade d'églises anglo-saxonnes a toujours été plus ou moins un mystère pour moi -, nous avons exploré leur site web pour constater que cette église semblait en effet partager nos valeurs.

Curieux, nous rencontrâmes la responsable francophone de l'église et assistâmes à quelques célébrations du dimanche à leur lieu de culte. Nous sûmes alors que nous avions trouvé le bon endroit. En cette église, tout le monde est le bienvenu: croyants de toutes religions, agnostiques ou athéistes, hétérosexuels, homosexuels ou transgenres. Des mariages gais y sont célébrés et le drapeau arc-en-ciel flotte dans l'entrée. De plus, la notion d'environnement est présente, tant comme valeur dans les discours des cérémonies auxquelles nous avons assistées, que dans l'enceinte de l'église (aucune vaisselle jetable n'est permise dans la salle de réception). Il y a des groupes de réflexion sur divers sujets; lors d'une cérémonie à laquelle nous avons assisté, les gens étaient invités à un groupe ayant pour mission de venir en aide concrètement aux réfugiés syriens en Hongrie. Un des aspects qui tient à cœur aux universalistes est de ne se soumettre à aucun dogme, mais d'exercer plutôt notre libre choix, de se construire un esprit critique et de partager nos réflexions. Finalement, le célébrant était une célébrante, les femmes ayant le même statut que les hommes dans cette église. Nous étions séduits.

Cette église, fondée au XVIe siècle et ayant siège à Montréal depuis 1842, est à Montréal de tradition anglo-saxonne. Les Québécois francophones étant restés catholiques pratiquants jusqu'à récemment, et utilisant encore aujourd'hui des églises catholiques pour les mariages et baptêmes, il y a une minorité de membres francophones dans cette église. Cela dit, ce nombre est croissant et un effort notable est fait vers le bilinguisme.

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Convaincus que nous avions trouvé un lieu de culte correspondant à nos valeurs, nous avons rencontré la révérende à deux reprises pour concevoir la cérémonie de notre petite fille. La révérende nous a invités à nous questionner sur nos valeurs, sur ce qu'on nous voulions transmettre à notre enfant. À partir de nos demandes, de ce que nous souhaitions mettre de l'avant, elle nous a présenté la «cérémonie du don du nom» qui est souvent pratiquée en pareille occasion, et nous a proposé deux rites: un premier pour la parrain et la marraine, et un second pour les grands-parents. Nous lui avons fait parvenir les discours que nous avions rédigés autour de la signification des prénoms de notre enfant, et elle a harmonieusement intégré notre message, notre vision, pour élaborer et animer la cérémonie.

Suite à la cérémonie d'accueil, alors que nous partagions un repas avec nos invités dans la salle communautaire attenante (dans de vraies assiettes en faïence), nous avons reçu beaucoup de bons mots au sujet de la célébration. Nos amis ont trouvé la cérémonie touchante, émouvante. Ils ont apprécié que chaque parole ait eu un sens, par opposition aux récits abscons de passages de la Bible lors des célébrations catholiques. Nos invités ont aussi été séduits par le charisme et la douceur de la révérende.

Ma conjointe et moi sommes comblés de la manière dont nous avons pu accueillir notre petite fille à l'Église universaliste unitarienne de Montréal. Il peut être angoissant de trouver un rite remplaçant celui utilisé depuis des siècles par nos aïeux, de rompre, dans mon cas, la chaîne catholique. C'est pourquoi nous avons voulu partager notre expérience. Il existe des alternatives au rite du baptême catholique, et celle-ci est la nôtre.