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Oeuvres philanthroptaff


Tux Sticker

Durant l'année 2010, ptaff.ca a versé près de 1000$ en dons. Cet argent provient entièrement de la vente des autocollants Tux.

Lors du lancement, en 2004, nous nous étions engagés à donner 10% des profits à une cause précise: à la fondation Wikimedia dans un premier temps (2004-2008), puis à la Free Software Foundation (2009-2010).

À l'usage, nous avons constaté qu'il est plus gratifiant d'effectuer des dons avec cet argent plutôt que de l'utiliser à des fins personnelles. Nous prenons donc la décision, mon édimestre et moi, de verser 100% des profits à des oeuvres de bienfaisance ou à des fondations qui nous tiennent à coeur.

Nous ajouterons des organismes plus près de nous, tels que l'Itinéraire ou Dans la rue, pour que notre impact soit aussi local.

Chaque achat d'un manchot Tux fait ainsi plaisir à 3 groupes de personnes: l'acheteur, les créateurs de ptaff.ca, et ceux qui reçoivent les dons.

Parlez-moi d'une belle synergie!

En perdre des bouts

J'adore les publicités d'Éduc'Alcool que l'on trouve à côté des caisses à la SAQ.

J'ai proposé, lors d'une fête l'an dernier, de reprendre le concept et de faire d'autres versions de ces publicités.

Voici la meilleure publicité de la soirée, celle d'Alexandre Desjardins-Brunet.

Quand on abuse, on perd des bouts
Quand on abuse, on perd des bouts…

Mascouche, 1778

Un billet publié sur P45.

Mascouche, ce n’était pour moi qu’une insignifiante petite ville au nord de Montréal. Une vieille ville entourée de nouveaux projets immobiliers, convertissant les terres agricoles en habitations pour migrateurs pendulaires. La banlieue, quoi.

C’était avant de découvrir qu’un événement d’une rare violence s’y est déjà déroulé.

Ça s’est passé en 1778.

La Nouvelle-France n’est plus, conquise depuis huit ans déjà par les Britanniques. Aux côtés de l’occupant britannique, plus de 4000 mercenaires allemands. Les États-Unis, un pays depuis deux ans seulement, tentent d’envahir le Canada pour la seconde fois.

Au mois de mars, le gouverneur Carleton fait lever des troupes de Montréal à Trois-Rivières, afin d’être en mesure de repousser une attaque américaine dans la vallée du Richelieu. Partout, la réponse est rapide et positive. Partout, sauf à Mascouche.

Dans ce village, le capitaine de la milice locale essuie un refus de ses 32 hommes. Ces Mascouchois, de 16 à 60 ans, sont alors emprisonnés. Le commandant de Montréal envoie par la suite à Mascouche un détachement de troupes afin d’en faire un exemple pour toute la colonie. Ces troupes, en l’absence des hommes du village, pillèrent presque toutes les maisons et violèrent plusieurs filles et femmes.

On libéra ensuite les 32 habitants qui, retournant chez eux, trouvèrent leurs femmes et filles déshonorées. C’est le lieutenant-colonel Ehrenbrook, du régiment allemand de Rhetz, qui avait dirigé l’opération de répression de Mascouche.

Fin.

Référence:

Histoire populaire du Québec, tome 1 : des origines à 1791, Jacques Lacoursière, Septentrion, 1995, p. 440.

Le couple Terre-Lune

Animation de la Lune qui tourne autour de la Terre

La Lune tente de quitter la Terre. Oh, pas très rapidement, au rythme de 4 cm par année. Mais si la Terre est patiente, la Lune l'est tout autant.

Cette dynamique de couple a débuté il y a un peu plus de 4 milliards d'années. Au début, tout excité de leur rencontre, les deux corps célestes tournaient sur eux-mêmes beaucoup plus vite qu'ils ne le font de nos jours. Puis, par un échange d'énergie que les physiciens nomment poétiquement conservation du moment angulaire, ils ont commencé à ralentir et à s'éloigner.

Même qu'un jour, dans un lointain passé, la Lune s'est mise à tourner en phase avec la Terre, privant cette dernière, à tout jamais, d'admirer son autre face.

À long terme, c'est toujours ce qui survient dans les couples de cette nature. La Terre servira le même traitement à sa compagne Lune: elle ne lui montrera qu'une seule face. Ce faisant, la Terre privera la moitié de ses habitants de la contemplation de la Lune, alors que l'autre la verra fixée au même endroit éternellement.

Se développera alors du tourisme lunaire, non pas pour aller sur l'astre lui-même, mais simplement pour se déplacer du côté planétaire qui la regardera en permanence.

Lorsqu'elles auront terminé leur valse, il y a une chance sur deux pour que la Terre choisisse de montrer le Québec à dame Lune. Espérons que lors du choix de son plus beau visage, nous ferons pencher la balance de notre côté.

Il est moins quart

Parler en français avec un anglophone, c'est un peu comme côtoyer un enfant; on remarque des singularités de notre langue.

Tenez, hier par exemple, à la générale préparation du party de Noël au travail, David (prononcez dé-vide) nous annonce qu'il faudra se réunir à 15h moins quart…

J'ignore pourquoi, mais de 13h à 23h, on n'utilise jamais l'expression «moins quelque chose ». Il n'est jamais 22h moins 5. Personne n'a jamais eu rendez-vous à 16h moins 25.

M'en rendant compte, je lui ai généreusement expliqué que j'ignorais pourquoi, mais qu'on ne pouvait pas faire ça. Et en publiant ce billet, c'est un peu comme si je partageais un moment familial touchant.

UPA 101

Logo de l’UPA

L'Union des producteurs agricoles du Québec, mieux connu sous son acronyme UPA, est une institution unique au monde.

Pour un petit cours d'UPA 101, il suffit de lire ce qu'en disait en 2008 la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois:

LE SYNDICALISME AGRICOLE

1. Une situation unique au Québec

Le besoin des agriculteurs québécois de se regrouper au sein d’associations représentatives a émergé dès 1789, au moment où furent créées les premières sociétés d’agriculture subventionnées par le gouvernement. Ce n’est cependant qu’un siècle plus tard, soit en 1875, que ces différents cercles agricoles se sont unis pour former le premier regroupement provincial, soit l’Union agricole nationale. En 1924, 2400 agriculteurs fondaient l’Union catholique des cultivateurs, l’UCC.

En 1972, le gouvernement du Québec adoptait la Loi sur les producteurs agricoles. Cette Loi précisait qu’une association représentative des producteurs agricoles devait comporter des structures générales et spécialisées, des syndicats de base et des fédérations. Ces caractéristiques correspondaient à l’organisation de l’Union des producteurs agricoles (UPA). La Loi stipulait en outre qu’un référendum devait être tenu pour re- connaître à l’association des producteurs le droit de percevoir des cotisations et des contributions obligatoires auprès des agriculteurs, ce qui fut fait en décembre 1972.

Depuis lors, aux termes de la Loi, l’UPA détient l’exclusivité de la représentativité des agriculteurs. Tous les producteurs agricoles ont l’obligation de verser une cotisation à ce syndicat, même s’ils peuvent formellement choisir de ne pas en être membre. La Loi ne contient aucun mécanisme pour vérifier périodiquement la volonté d’adhésion des agriculteurs à leur syndicat. Comme il a déjà été mentionné, la dernière consultation a eu lieu en 1972, c’est-à-dire il y a 35 ans. Non seulement la Loi crée-t-elle, à toutes fins utiles, une instance unique de représentation des producteurs agri- coles, mais elle lui donne pour ainsi dire un caractère permanent. Une organisation qui souhaiterait représenter les agriculteurs québécois devrait d’abord rassembler une majorité des producteurs. La Loi sur les producteurs agricoles stipule en effet « qu’une association qui demande l’accréditation doit établir, à la satisfaction de la Régie [des marchés agricoles et alimentaires du Québec] et de la manière que cette dernière juge appropriée, qu’elle représente la majorité des producteurs du Québec ».

La Commission a demandé à l’Observatoire de l’administration publique de l’École nationale d’administration publique d’étudier les modes d’association des agriculteurs d’autres provinces et d’autres pays. L’Observatoire n’a recensé aucun cas s’apparentant à celui du Québec. Partout ailleurs, il y a plus d’une association. Les producteurs agricoles adhèrent librement à celle de leur choix et ils peuvent changer d’allégeance.

2. Une représentation pour tous les agriculteurs

Plusieurs représentants aux audiences régionales et nationales de la Commission ont avancé qu’il était temps de remettre en cause ce qu’ils ont appelé le « monopole syndical ». L’Union paysanne est celle qui exprime le plus ouvertement son opposition au mode unique de représentation des producteurs agricoles. Le mémoire qu’elle a présenté à la Commission en fait foi : « La question du monopole de l’UPA, bien qu’elle puisse sembler à premier abord étrangère au débat sur l’agriculture, est au contraire au centre de la tempête et doit ici être abordée. Pendant des décennies, l’UPA a étendu son contrôle bien au-delà d’un simple rôle de représentation syndicale. Son influence est maintenant démesurée sur le financement de l’agriculture, sur la mise en marché, sur les orientations municipales, sur l’aménagement du territoire et sur les instances gouvernementales de contrôle et de supervision. » Elle ajoute : « Loin de vouloir nier le rôle de l’UPA, nous croyons toutefois qu’elle ne représente qu’une partie du monde agricole. Travailleurs agricoles, petites fermes, artisans d’une agriculture différente, autant d’éléments qui n’ont pas droit au chapitre. »

Source: Rapport de la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois (page 234)

Je serai là au RIDM

D’entrée de jeu, l’invitation est lancée par Rosenda : « Pourriez-vous venir filmer la maison et le terrain pour qu’on puisse l’envoyer à ma fille Rosalia qui est partie travailler au Nord il y a plus de quinze ans? Je veux lui montrer ce que San Isidro est devenu ». Le documentaire Je serai là, tourné dans une petite communauté autochtone du sud du Mexique, nous transporte alors au cœur du quotidien de cinq personnages qui composent depuis plusieurs années avec l’absence de leurs proches.

Modesta
Modesta

Parce que la migration, c’est aussi ceux qui demeurent, Rosenda, Modesta, Octavio, Elisabet et Merenciana nous racontent les répercussions de ce phénomène dans leur vie. Tableau en cinq temps, le film pénètre dans l’univers intérieur de ces personnages qui, tour à tour, expriment à leur manière les fondements et les contrecoups de ce mode de vie. Leurs réflexions abordent les thèmes de l’absence, de la terre, des transformations sociales et culturelles, de l’autonomie et de l’avenir tout en questionnant la nécessité de partir.

Projection

Le documentaire Je serai là, en nomitation pour 4 prix (caméra-stylo, première camera, meilleure oeuvre québécoise/canadienne, meilleur espoir Québec/Canada), sera projeté 2 fois dans le cadre des Rencontres internationales du documentaire de Montréal:

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Vendredi 19 novembre à 21 h
à la Grande Bibliothèque (475, boulevard De Maisonneuve Est)
Suivie d’une soirée festive à saveur latine à 22 h 30 (venez déguster des nachos avec les cinéastes) à 2 coins de rue de là à la Cinémathèque québécoise (335, boul. De Maisonneuve Est)

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Samedi 20 novembre à 15 h
au Cinéma Parallèle (3536 Boulevard St-Laurent)

Du désintérêt politique: la montée des ONG

Des filles et des garçons

Ce billet est le sixième et dernier de la série Du désintérêt politique. Cette série présente des hypothèses expliquant le désintérêt de la population pour la politique dans les démocraties occidentales. Vous pouvez consulter toute la série en vous rendant sur le billet d'introduction.

Devant la montée en puissance des mégacorporations, le pouvoir de l'État sur la vie des citoyens semble diminuer. Ces corporations ont une influence accrue sur les politiques économiques, internationales et réglementaires des nations.

Devant l'étiolement du pouvoir de l'État, les citoyens optent pour un repli vers les mouvements abordant une seule problématique, plutôt que vers les partis politiques traditionnels qui semblent impuissants ou complaisants face à ces pressions. Ces mouvements, afin d'être distingués des gouvernements, sont regroupés sous un concept négatif: les organisations non gouvernementales (ONG).

Comme la majorité des ONG se concentre sur un seul enjeu (environnement, féminisme, paix, antimondialisation, etc.), il est possible aux individus de cibler une ONG agissant sur un enjeu important à leurs yeux. Il est ainsi plus aisé d'être en accord avec les positions d'une ONG, concentrée sur une seule problématique, plutôt que sur celles d'un parti politique traditionnel qui doit avoir une multitude de positions face aux enjeux touchant la société. Il est possible de magasiner ses ONG pour qu'ils correspondent à nos principes, comme on compose un bouquet de fleurs, alors que les partis politiques sont plutôt comme des boîtes de chocolats assortis; il y en aura toujours quelques-uns qui nous déplairont.

Un parallèle peut aussi être fait entre l'explosion du nombre des ONG et la société de consommation. La montée des ONG correspond en effet à la diversification des produits de consommation dans les années 70. Selon ce nouveau paradigme moussé par l'industrie de la mise en marché, l'individu se différencie par ce qu'il consomme, la diversité des produits disponibles lui permettant d'exprimer sa personnalité et d'être unique par ses choix. Il en serait de même pour les ONG, chaque personne peut choisir une cause et l'ONG qui lui correspond et s'y identifier. On lui remettra même un insigne (ruban, bracelet) pour afficher cet appui.

Certaines ONG sont actives par delà les frontières des États. De cette façon, elles ont une étendue rivalisant avec celle des mégacorporations ayant des intérêts dans plusieurs pays. Pour plusieurs enjeux, les ONG sont donc mieux adaptées que les États, dont le pouvoir ne dépasse habituellement pas ses frontières, pour faire contrepoids à ces corporations.

Ajoutons à cela que la pression médiatique à laquelle les politiciens sont soumis est plutôt absente auprès des porte-parole ou des dirigeants des ONG.

Pour toutes ces raisons, les personnes désirant s'impliquer pour influencer le fonctionnement de la société opteront souvent pour les ONG plutôt que pour un parti politique. L'effet de ces organisations est plus ciblé, plus concret et l'attention médiatique moins grande. On peut voir cette implication de façon positive: le nombre de personnes s'impliquant dans la société est toujours important, il y a simplement eu migration des partis politiques vers les ONG.

Au Québec

Il y a 40 ans, aucune ONG n'était présente dans les débats de sociétés entourant l'environnement. Pensons par exemple à la construction en 1971 des barrages sur la Grande Rivière à la baie James. Les opposants au Parti Libéral du Québec (PLQ) étaient les Cris et le Parti Québécois (qui prônait plutôt l'utilisation de l'énergie nucléaire).

D'autre part, regardons le dossier contemporain des gaz de schistes. Il y a le PLQ d'un côté, appuyé cette fois-ci par une coalition de corporations gazières. De l'autre côté, on retrouve encore le Parti Québécois mais, cette fois-ci, il est appuyé par une constellation d'ONG de défense de l'environnement (AQLPA, Nature Québec, Greenpeace, etc.).

Hier comme aujourd'hui, le secteur privé est présent aux côtés du parti au pouvoir afin de favoriser son profit. L'élément nouveau, ce sont les ONG qui tentent de leur faire contre poids avec l'opposition. Alors que les partis politiques de part et d'autre demeureront les mêmes, les ONG changeront selon les enjeux.

Au niveau de l'implication personnelle, le cas de Steven Guilbeault est révélateur. Alors qu'il était porte-parole pour Greenpeace Québec, il s'est vu offrir un château fort du Parti Libéral du Canada (PLC), alors en position de former le gouvernement. Étant donné son profil, on peut penser que le PLC lui aurait offert le poste de ministre de l'Environnement dans l'éventualité où il aurait pris le pouvoir. Plutôt que de saisir l'opportunité d'occuper le poste le plus puissant au niveau de la législation environnementale au Canada, sans parler d'influence internationale, Steven Guilbeault a préféré décliner l'offre, pour des raisons personnelles, mais aussi parce qu'il croit que la cause écologique est mieux servie s'il oeuvre dans une ONG plutôt que dans un parti politique, fut-il ministre au pouvoir.

Si les gens ayant l'environnement à coeur suivent la voie tracée par Steven Guilbeault, ils seront d'emblée exclus des postes de pouvoir, les laissant à d'autres sur lesquels ils devront faire pression.

Le problème soulevé par les ONG n'est pas qu'elles canalisent une partie des gens désirant s'impliquer, mais qu'elles véhiculent l'image de l'implication politique comme étant impure. Par opposition, les gens impliqués dans les ONG seraient plus intègres, conservant la virginité de leurs principes.

Toutefois, il ne faut pas oublier que c'est en exerçant directement le pouvoir que l'on a le plus d'effet sur le cours des événements, pas en faisant pression sur ceux qui le détiennent, aussi noble et efficace soit-on.

Une saison de Bixi en chiffres

Un billet publié sur P45.

Perdre le nord

Drapeau du Québec radioactif

Marie-Geneviève Chabot a utilisé la close sur les contribubeurs de ptaff.ca qui stipule que ptaff.ca encourage les auteurs à joindre ses rangs; il suffit d'une idée originale et d'un appétit pour le travail bien fait.

Je recopie son texte ici. Les hyperliens sont de l'éditeur.

Lac Cavan, 8 octobre 2010

On a beaucoup parlé de la lutte des gens de Sept-Îles contre le projet de mine d’uranium sur leur territoire. On parle actuellement beaucoup du débat entourant l’exploitation des gaz de schiste. Pendant ce temps, à quelques 975 km de là, dans la région du Nord-du-Québec, la première mine d’uranium au Québec est en train de se frayer un chemin parmi les épinettes, sans faire de bruit.

Ressources Strateco, une jeune compagnie uranifère basée à Boucherville, mais dont les deux principaux actionnaires sont à Toronto et New York, met le paquet pour que le Projet Matoush devienne la première mine d’uranium au Québec, à l’aube de 2014. Le projet est actuellement à l’étape de l’obtention du permis d’exploration, mais les forages de surface ont commencé depuis 2009.

Qu’est-ce que quelques petits trous dans la terre et quelques tonnes de pierre remuées pourraient bien déranger dans ce coin perdu, de toute façon?

Ce coin perdu, situé à 275 km au nord de la ville mythique de Chibougamau, est aussi le territoire traditionnel de chasse des Cris. Il se trouve également à 15 km du futur parc national Albanel-Témiscamie-Otish et à une centaine de kilomètres du Lac Mistassini, le plus grand lac d’eau douce du Québec. Le site est aussi et surtout en plein cœur des monts Otish, “là d’où originent les eaux”, comme disent les Cris.

Carte illustrant où se trouve le projet Matoush au Québec

C’est que les eaux provenant des monts Otish alimentent la baie James et le fleuve Saint-Laurent. « En effet, c’est au coeur de ces montagnes que prennent source plusieurs de nos plus grandes rivières, soit les rivières Rupert, Eastmain, La Grande, Péribonka, aux Outardes et Manicouagan. »

Donc, Ressources Strateco projette d’installer sa première mine d’uranium sur rien de moins que le « pivot hydrographique du Québec ». Je dis première, car si cette mine voit le jour, elle ouvre la porte aux autres mines d’uranium potentielles dans le secteur.

Comme d’autres résidents du coin, je suis inquiète. Pour me rassurer, les membres de la Conférence régionale des élus de la Baie-James (CREBJ) ont pris la responsabilité d’informer leur population en organisant des séances d’information dites « objectives ». Pour ce faire, ils ont entre autres invité des experts de Genivar, une firme d’ingénieurs-conseils, qui compte notamment Ressources Strateco au nombre de ses clients.

M.Rhéaume, physicien et directeur de la division nucléaire chez Genivar, nous a expliqué la question des résidus miniers de la façon suivante: « Après avoir extrait l’uranium pur, ce qu’on retourne dans les résidus [les radioéléments], c’est exactement ce qui était dans la nature. On les retourne, après avoir été traités chimiquement dans l’usine de concentration. » Quasiment écologique. Selon M.Rhéaume, « les risques ne sont pas là », en ce qui a trait à l’exploration de l’uranium.

Je suis ressortie de cette séance d’information avec l’impression que l’uranium était un produit naturel comme les autres, au même rayon que le magnésium, le calcium et les baies de goji. Dans le fond, l’uranium n’est pas plus toxique que d’autres substances. Selon le Dr Plante, médecin et directeur de la santé et sécurité à la centrale nucléaire de Gentilly-2, tout est une question de dose. Si on contrôle la dose de radiation qu’on absorbe, tout est tiguidou.

Peu satisfaits de cette séance d’information à laquelle il manquait vraisemblablement une partie, quelques-uns d’entre nous ont formulé le souhait de recevoir la visite d’intervenants critiques et indépendants capables de nous présenter l’envers de la médaille.

Ce à quoi les élus, parmi lesquels le député Luc Ferland, ont répondu en chœur qu’ils n’inviteraient pas d’opposants au nucléaire, mais seulement des scientifiques neutres. La neutralité, c’est aussi ce qu’a évoquée Gary James, directeur du Centre d’études collégiales de Chibougamau, en refusant la venue dans son établissement de médecins critiques s’étant impliqués à Sept-Îles, dont le Dr Isabelle Gingras et le Dr Eric Notebaert, pour participer à un débat sur l’uranium organisé par les enseignants. Neutre, M.James peut difficilement l’être, en tant que président du conseil d’administration de la Table jamésienne de concertation minière (TJCM), dont la mission est de soutenir le développement de l’industrie minière dans la région.

Donc, si j’ai bien compris, dans le débat sur le projet Matoush, on est soit neutre ou contre. Dans le Nord-du-Québec, on ne veut pas entendre les spécialistes en défaveur de l’industrie nucléaire. Même s’il s’agit de docteurs en physique nucléaire renommés comme le Dr Michel Duguay ou le Dr Gordon Edwards, qui donne des conférences dans le monde entier sur les risques du nucléaire. Pas de danger qu’on les invite. Dans le Nord-du-Québec, on veut pas se faire gâcher notre party.

Malgré leur déguisement de neutralité, les élus sont favorables au projet. Soit. Qu’ils trouvent que la création de tout au plus 300 emplois pendant environ 12 ans (la durée projetée d’exploration et d’exploitation de la mine) et des redevances de 2% à l’État valent les risques pour la santé des populations cries et jamésienne et la contamination potentielle et irréversible d’un site avec les résidus miniers radioactifs pour des centaines de milliers d’années, c’est leur opinion. Mais qu’ils censurent les intervenants ayant un avis divergent en leur refusant une tribune sur leur territoire, c’est qu’ils ont oublié que c’est par la démocratie qu’ils ont été élus.

Lors de la consultation pour le projet de loi 79, modifiant la loi sur les mines, le ministre délégué aux Ressources naturelles et à la faune, Serge Simard, a demandé aux membres de la CREBJ s’ils envisageaient de tenir un forum sur l’uranium dans le Nord-du-Québec, pour maximiser l’information à la population. Ce à quoi la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, a répondu que « nous, dans le fond, ce qu’on a fait, c’est un forum perpétuel ».

À part les trois articles à saveur d’infopub sur l’uranium qui prenaient deux pages pleines du journal local, et ce, le jour même de la première phase des audiences publiques sur le projet Matoush à Chibougamau, je n’ai pas vu de forum. Encore moins perpétuel.

La mairesse de Chibougamau scande à tous les vents qu’ils ont fait leur job et que la population de la région est très bien informée. Si madame la mairesse, qui siège également sur le conseil d’administration de la TJCM, s’est chargée de la neutralité de l’information que nous avons reçue, je ne suis pas rassurée. Comme elle l’a exprimé devant la commission sur le projet de loi 79, « si vous mettez un moratoire demain matin sur le développement de l’uranium, nous on est déçus. »

Moi, quand je suis déçue, je ne suis pas neutre.

J’aimerais que les élus pensent le développement de la région en visionnaires plutôt qu’en opportunistes, qu’ils admettent qu’il y a beaucoup d’incertitudes scientifiques entourant l’exploitation de l’uranium, et qu’ils reconnaissent le droit de la population d’avoir accès à cette information. S’ils ont si peur d’un débat ouvert sur la question, c’est peut-être justement parce qu’il y a de bonnes raisons de ne pas rester neutre.

Marie-Geneviève Chabot
Résidente du Nord-du-Québec

Liens et sources

Ce texte a aussi été publié sur Cyberpresse.

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