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Lutter contre l'harmonie universelle

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Dans un texte publié dans Le Devoir du 17 novembre 2014, Fabien Deglise se désole de l'augmentation du nombre de langues sur le web. L'abandon de l'anglais comme langue universelle sur la toile pourrait, selon le journaliste, « exacerber les risques de confusion, d'incompréhension et même de repli ».

Les universitaires cités présentent la diversité linguistique comme un mur, en indiquant que les langues sont « les nouvelles frontières du web à surmonter », qu'utiliser une autre langue que l'anglais équivaut à « se protéger des idées venant d'ailleurs » ou encore, que cette diversification n'est en fait qu'un instrument pour « mieux contrôler ce qui se passe dans sa langue ».

La thèse développée par Deglise et ces universitaires est claire. La langue internationale étant l'anglais, les idées circulent entre les cultures dans cette langue. Corolaire : tout changement contre cette uniformisation vers l'anglais est un obstacle à la circulation des idées, à la compréhension entre les peuples, à l'harmonie universelle. Utiliser une autre langue que l'anglais mène de « la peur au repli », mène à s'emmurer pour se protéger de l'Autre.

C'est l'application du concept de « citoyen du monde » à la technologie. Les communautés humaines devraient, selon cette théorie, se fondre dans une culture et une langue communes. Il faudrait que tous apprennent cette culture, et donc renie ou oublie la sienne, afin de participer à cette utopie collective. Tout geste allant dans une direction inverse est alors vu comme un refus de l'autre, une fermeture d'esprit. C'est d'ailleurs pour cela que Deglise fait appel à la mythologie de l'Ancien Testament. La diversité linguistique n'est rien de moins qu'une « babélisation du monde », menant vers le chaos et l'incompréhension.

Or, l'augmentation de la diversité des langues sur le web est la conséquence de l'abaissement de la barrière technologique. Monsieur et Madame tout le monde pouvant maintenant publier du contenu, il le fait le plus simplement du monde: dans sa langue. C'est en fait une bonne nouvelle, la technologie calquant simplement la diversité linguistique de l'humanité.

La défense du français au Québec, du catalan en Catalogne ou du slovène en Slovénie, est un acte de préservation de la diversité culturelle de l'humanité. Cette diversité est consubstantielle aux sociétés humaines. Elle fait partie de ce que nos ancêtres ont été, de ce que nous sommes et de ce que nous serons à l'avenir. Il faut cesser d'assimiler la préservation linguistique, tant sur le web que dans les pays à travers le monde, comme une lutte contre l'harmonie universelle.

La diversité linguistique est une richesse qu'il faut préserver.

Journalisme citoyen vs journalisme professionnel

Couverture du Journal de Montréal le 6 mai 2012

Fabien Deglise, journaliste au Devoir, était l'invité de l'émission de radio les Chemins de travers le dimanche 19 mai à Radio-Canada. Le thème de l'émission: « Le journalisme emporté par les réseaux sociaux ». Lors de la deuxième heure de l'émission, M. Deglise se désole de l'action des « journalistes citoyens », colportant ragots, ne vérifiant pas les informations qu'ils diffusent et cachant leurs affiliations (politiques, environnementales, commerciales, etc.). Il met ces journalistes en opposition aux journalistes professionnels, possédant une formation, vérifiant les informations et étant soumis à un code d'éthique. Comme exemple de traitement biaisé des journalistes citoyens, il prend le printemps érable, indiquant qu'à en croire son babillard Facebook et son fil Twitter, Montréal était à sang et en état de siège.

Or, les journalistes professionnels ne sont pas à l'abri des défauts du journalisme citoyen identifiés par M. Deglise. Dans un premier temps, suivre les évènements québécois du printemps érable sur LCN ou dans le Journal de Montréal, médias nourris par des journalistes professionnels, montrait ni plus ni moins un portrait semblable: Montréal était à sang et tenu en otage par les émeutiers. Le Conseil de Presse du Québec (CPQ) a d'ailleurs été particulièrement critique envers les médias traditionnels, Québécor plus que les autres, dans la couverture de ces évènements.

D'autre part, le code d'éthique auquel M. Deglise fait allusion est selon toute vraisemblance celui de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Mais à quoi sert un code professionnel s'il n'a aucun pouvoir coercitif? Et que penser de Québécor, qui refuse de reconnaître le CPQ, organe de surveillance de la presse du Québec mis sur pied pour contrebalancer la trop grande concentration des médias? Il n'a qu'à ignorer ses blâmes et ne pas couvrir ses constats dans ses propres médias, et voilà l'affaire réglée.

La concentration de la presse au Québec, comme dans beaucoup de pays dans le monde, a créé une catégorie importante de citoyens qui sont laissés pour compte dans la couverture médiatique, tant dans le traitement que dans les sujets couverts. Et c'est cela qui a favorisé l'éclosion des réseaux sociaux: une deuxième voix pour les producteurs et les consommateurs de contenus d'information, une voix « citoyenne ».

C'est ce qui explique en bonne partie la popularité de ces réseaux et c'est un sujet sur lequel M. Deglise fait malheureusement l'impasse dans son analyse. Offrir une vision manichéenne des médias sociaux ne fait pas avancer la compréhension de ce mode de communication, mais nous conforte plutôt dans l'opinion indémodable que « c'était mieux dans le temps ». Il y a certes de nouveaux problèmes créés par le journalisme citoyen, et il est important de les identifier. Mais il y a également des avantages indéniables, dont celui de donner une voix aux laissés pour compte de la couverture médiatique traditionnelle, professionnelle. Et ne serait-ce que pour cette cause unique, les médias sociaux constituent aujourd'hui une force qui peut changer le monde.

HDLC dans Le Devoir (3)

J'ai envoyé le texte du billet sur L’impératif d’un moratoire sur les gaz de schiste au courrier au lecteur du Devoir.

Il a été publié dans la section lettre de l'édition du 2 septembre 2010.

HDLC dans Le Devoir (2)

Le billet intitulé Où est passée la glace du golfe du Saint-Laurent? est cité par Louis-Gilles Francoeur dans l'article intitulé La dérive de la banquise, publié dans l'édition du 5 mars 2010 du journal Le Devoir.

Je recopie ici, avec l'aimable permission de l'auteur, l'intégrale de l'article en question. Toute autre reproduction est interdite.

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Le Devoir, NATURE, vendredi 5 mars 2010, p. b8

La dérive de la banquise

Louis-Gilles Francoeur

Animalistes, écologistes et conservationnistes partagent pour une fois une même inquiétude: où les phoques du Groenland vont-ils se reproduire cette année en l'absence de glaces dans le golfe du Saint-Laurent et quel sera l'impact à long terme d'une pareille situation si le phénomène s'installe à demeure?

Selon le Service des glaces du Canada, l'espace central entre Terre-Neuve et les côtes du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse était au centre totalement libre de glaces, et en bordure des côtes, la superficie couverte était d'un dixième alors qu'elle est généralement de neuf à dix fois plus dense.

En clair, la quasi-totalité des zones du golfe du Saint-Laurent et du versant nord du Québec est «présentement libre de glaces alors qu'elle devrait en être recouverte en entier».

Un blogueur, Michel Tremblay [SIC], a réuni sur son site (www.ptaff.ca/blogue/) plusieurs des caractéristiques de cet hiver pour le moins anormal. Par exemple, il note que les villes de l'est du Québec ont connu un relèvement surprenant de leurs températures. Ainsi, à Natashquan, la température moyenne de janvier est passée de -13,5 °C à -8,1 °C, une différence énorme, alors que celle de Gaspé passait de -11,9 °C à -8 °C. À Natashquan, on a même vu le sol dénudé de neige en février!

Une conjonction de facteurs semble expliquer ce portrait inusité, dont profitent par contre en milieux terrestres plusieurs autres espèces, dont les cerfs et les orignaux, mais aussi leurs prédateurs, parce que le faible couvert de neige facilite les déplacements et l'accès à la nourriture. D'ailleurs, on mesure mal l'importance des changements qui vont toucher la faune en raison du changement climatique. Il suffit de se remémorer que des chercheurs de Laval ont récemment établi que la ligne de démarcation du pergélisol avait régressé vers le nord sur 130 km en quelques décennies pour mesurer à quel point la végétation et les espèces animales vont modifier leurs aires de distribution dans les prochaines années.

Le réchauffement du climat apparaît comme le moteur principal de cette tendance à l'amenuisement des glaces dans le golfe, un phénomène tout aussi visible dans un fleuve qu'on peut de moins en moins traverser sur la glace, que ça plaise ou non aux climato-sceptiques.

Mais l'année en cours est aussi une année El Nino, ce qui suscite une température plus douce partout en Amérique, et de façon de plus en plus importante jusque dans nos régions nordiques et de l'est. L'année prochaine, qui devrait être une année El Niña, devrait par contre nous apporter plus de froid et de précipitations neigeuses.

Deux impacts majeurs résultent de ce phénomène. L'érosion des rives tout autour du golfe va s'accentuer, car les glaces en rive ne sont plus là pour les protéger contre les puissantes tempêtes hivernales. Dans certains secteurs, on peut perdre jusqu'à 20 mètres par année!

Mais un impact non moins important est sans contredit l'impossibilité dans un tel contexte pour les phoques femelles de se reproduire sur les glaces, comme elles ont l'habitude de le faire. Plusieurs questions se posent désormais. Est-ce que les phoques vont migrer comme d'habitude vers les Îles-de-la-Madeleine et le sud de Terre-Neuve comme par le passé pour se rendre compte à la dernière minute que leur rendez-vous annuel avec les glaces est raté? Les femelles n'auront alors d'autre choix que d'accoucher dans l'eau, ce qui va noyer en quelques minutes les nouveaux nés. On imagine qu'un nombre indéterminé de phoques pourraient tenter d'accoucher sur des îlots rocheux près des côtes, voire sur les plages où ils seront plus vulnérables aux prédateurs.

Mais avec un troupeau de près de six millions de têtes, ce n'est pas la perte d'une année de reproduction qui va justifier l'inscription des phoques sur la liste des espèces menacées! Pour avoir un troupeau en santé, selon les biologistes de Pêches et Océans Canada, il faudrait d'ailleurs ramener ce troupeau à 4,1 millions de têtes, ce qui laisse une ample marge de manoeuvre aux autorités fédérales qui définissent annuellement le quota de prises.

Mais à court terme, il est particulièrement intéressant d'observer le discours des acteurs principaux de ce dossier. Par exemple, le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), un puissant groupe animaliste, dit s'inquiéter énormément de cette situation sans précédent depuis 30 ans. Il demande du même souffle au gouvernement fédéral de mettre fin à cette chasse «cruelle et inutile» pour aider le cheptel à se maintenir. Assez curieusement, le groupe animaliste met l'accent sur la chasse, alors qu'avec un quota de capture autour de 300 000 têtes par année, le troupeau ne court aucun risque à court terme. Par contre, l'IFAW n'engage pas ses immenses ressources financières contre la cause principale du problème qu'elle pointe, soit le réchauffement du climat et ses causes, la surconsommation de biens et services, la production d'énergies fossiles, l'usage immodéré des transports individuels, la consommation de viande, etc. Elle préfère continuer d'émouvoir le grand public avec de véritables campagnes de désinformation qui misent toujours sur l'image de blanchons attendrissants alors que leur abattage est strictement interdit depuis 20 ans au Canada.

À l'opposé, la sénatrice Céline Hervieux-Payette demandait en décembre au gouvernement Harper d'assurer aux chasseurs terre-neuviens et des Îles le revenu minimum qu'ils tiraient de cette chasse en 2005, soit 15,4 millions, pour contrer l'impact du boycottage institué l'an dernier par l'Union européenne.

«Si le gouvernement conservateur s'est empressé de trouver 4 milliards pour sauver l'industrie automobile américaine, peut-être pourrait-il sauver l'emploi de milliers de travailleurs canadiens» qui tirent un revenu de la chasse au phoque! Le budget fédéral d'hier devrait nous fournir la réponse de Stephen Harper.

***

Lecture: L'Énergie de l'eau, une richesse à exploiter dans le respect de l'environnement, par Maylis Gaillard, éditions Le Cherche midi, Paris, 2009, 117 pages. Une apologie assez peu critique mais intéressante sur le plan technique de la production hydroélectrique dans les eaux douces et salées. On part du principe discutable selon lequel «toute eau est bonne à turbiner» (p. 22) en se fiant, cependant, au contexte législatif de France où, contrairement à ici, les passes migratoires pour les poissons sont obligatoires pour la plupart des projets. On ne fait par contre aucune mention des conclusions du rapport très critique de la Commission mondiale des barrages, publié en 2000.La dérive de la banquise

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Numéro de document : news·20100305·LE·284336
Date d'émission : 2010-03-06
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HDLC dans Le Devoir

Fabien Deglise publie un article dans Le Devoir de ce matin qui parle du billet de ce blogue où l'on peut télécharger le rapport de Santé Canada sur les Changements climatiques.

Mise à jour: Jason Prince m'a fait parvenir la version anglaise du rapport que j'ai ajoutée sur le billet en question.