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L'influence des baby-boomers sur la société québécoise

Pyramide des âges du Québec, 2008

Fruits d'une fécondité retenue par la crise des années 30 et la Seconde Guerre mondiale, les enfants du baby boom ont, depuis leur naissance, formé la génération comptant le plus grand nombre d'individus. Ils sont même si nombreux par rapport aux autres générations qu'ils n'ont pas eu à s'adapter à la société: c'est la société qui s'est adaptée à eux.

Bien que le phénomène du baby boom soit commun aux anciennes colonies anglaises (Australie, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Canada), sa marque a été d'autant plus importante au Québec que cette société était en retard par rapport à l'occident, bridé par un conservatisme religieux depuis les débuts du XXe siècle.

C'est la combinaison de ces deux facteurs (retard de la société québécoise par rapport au reste de l'occident et abondance relative des représentants d'une génération), qui est à la base de la Révolution tranquille. Les baby-boomers ont créé les institutions qui sont aujourd'hui la colonne vertébrale de l'État québécois: nationalisation de l'électricité, école obligatoire jusqu'à 16 ans, Caisse de dépôt et placements, Charte de la langue française, etc. Grâce aux programmes d'éducation, ils ont même choisi les valeurs et la vision de l'histoire qui allaient être transmises aux générations suivantes, incluant leurs propres réalisations.

En conséquence, non seulement les baby-boomers ont toujours vu la société comme étant faite sur mesure pour eux, mais ils ont aussi transmis cette vision à leurs cadets. Depuis le début des années 40, toutes les personnes nées au Québec n'ont donc qu'une seule lorgnette, celle de la société par et pour les baby-boomers.

Ce n'est pas un jugement ou un apitoiement que de faire pareil constat. C'est une simple réalité mathématique. Plus nombreux que les générations suivantes et ayant beaucoup à faire pour adapter l'État aux théories en vogue ailleurs en occident, les baby-boomers se sont attelés à la tâche et y ont très bien réussi. Aucune autre génération n'ayant été en mesure, numériquement parlant, de les surpasser depuis, ils sont restés à la barre de l'État et du discours de celui-ci.

Aujourd'hui, il semble que les baby-boomers sont peu solidaires avec les générations qui les suivent. Par exemple, les groupes en faveur de la hausse de frais de scolarité (recteurs, gouvernement, patronat) sont issus de cette génération, de même que ceux qui instaurent les clauses orphelines dans les conventions collectives. Les baby-boomers ont tendance à remettre en question des choses dont ils ont profité mais dont ils ne profiteront plus. À leurs rêves de jeunesse, ils ont substitué leurs intérêts.

En considérant tout ceci, quels sont les scénarios qui pourraient faire en sorte que les générations X et Y puissent prendre le contrôle de l'État?

Scénario 1: le cataclysme financier

Une crise économique ou financière dont les solutions pour s'en sortir se feraient au détriment de la population active pourrait être un germe de cette transition. Des clauses orphelines pour financer les fonds de pension et les coûts de soin de santé des baby-boomers pourraient causer une crise si elles sont adoptées à grande échelle.

Comme les baby-boomers sont nombreux et vont voter en plus grand nombre, il pourrait être électoralement sensé d'adopter des mesures économiquement contraignantes pour les plus jeunes. Il faudrait alors qu'en plus de sortir dans la rue, les générations touchées se présentent aux urnes et optent pour un parti politique qui refuse d'emprunter cette voix (en supposant qu'un parti politique fasse écho à ces préoccupations). L'élection d'un tel parti consacrerait alors la transition.

Scénario 2: l'union fait la force

Autre scénario possible, les générations trouvent une (ou des) cause commune et décident de prendre les moyens nécessaires afin que la société québécoise reflète leurs préoccupations. Ces causes peuvent inclure ou non les baby-boomers.

Les enjeux qui semblent rejoindre ces conditions sont ceux portant sur l'environnement ou sur la question nationale. Cela dit, le contexte actuel ne laisse pas penser qu'une telle mobilisation naîtra dans la population. Là aussi, il faudrait probablement un phénomène extérieur pour initier un tel mouvement. Si un événement comparable à l'explosion de la centrale nucléaire de Fukushima se produisait au Québec, la population se mobiliserait.

Scénario 3: le temps passe

Une dernière façon pour effectuer une transition est simplement d'attendre que les baby-boomers s'éteignent. Puisque leur espérance de vie est d'environ 80 ans, il faudra attendre encore entre 10 et 25 ans avant que cela se produise.

Selon ce scénario, les membres de la génération X seront, pour les plus vieux, proches de la retraite, ou pour les plus jeunes, à un stade avancé de leur vie professionnelle. Même si cela demeure une généralisation, ce n'est pas vers cet âge que les gens changent leurs modes de penser et de concevoir la société.

Pour les Y, ils se retrouveront à ce moment au cœur de la vie active. Il leur sera possible, s'ils s'en donnent la peine, de prendre le relais des baby-boomers pour influencer la société. Cela dit, la différence numérique avec la génération précédente étant à leur désavantage, ils devront lutter contre l'inertie. Mais comme il y aura un vide, ils rencontreront moins de résistance et se plairont sans doute à la prise de décision.

Conclusion

Selon cette perspective, il est peu probable que la société québécoise connaisse dans un futur prévisible un événement de l'ampleur de la Révolution tranquille. Les prochains défis mobilisateurs semblent être d'ordre économique: le vieillissement de la population coûtera trop cher aux personnes qui auront à supporter la charge économique des baby-boomers.

Cependant, des événements extérieurs peuvent causer une réorientation de la société. Dans le cas du Québec, cet événement devra toucher plus d'une génération pour avoir un effet notable dans la gestion de l'État. S'il y a lieu, de quelle nature sera-t-il? Environnemental, identitaire, économique? Difficile à prévoir mais selon toute vraisemblance, il viendra en réaction à un événement extérieur et non pas à une pulsion interne de la population.

Inspiration et lecture complémentaire:
François Ricard, La génération lyrique, - Essai sur la vie et l’œuvre des premiers–nés du baby-boom -, Climats, 2001, [1992], Coll. Sisyphe, 234 p

4 commentaires à « L'influence des baby-boomers sur la société québécoise »

  1. 30 juillet 2011 | 7:11

    Thomas Friedman évoque la question du point de vue US et Grèce.

    c'est là :
    http://www.courrierinternational.com/article/2011/07/21/la-dette-c-est-la-faute-aux-baby-boomers

    " Il n’est pas étonnant que les jeunes Grecs aient réagi aussi violemment quand Théodore Pangalos, leur vice-Premier ministre, a déclaré, en faisant référence aux crédits et aux aides de l’Union européenne qui ont accéléré l’endettement du pays après 1981 : “Nous les avons mangés ensemble.” “Nous”, c’est-à-dire le peuple et les responsables politiques. C’était vrai de la génération des baby-boomers, qui sont dans la cinquantaine et la soixantaine aujourd’hui, et des responsables politiques de cette génération. Mais les jeunes Grecs n’auront jamais la moindre part de ce gâteau. Ils n’auront que la facture, et ils le savent. "

  2. Raymond
    4 août 2011 | 9:39

    Je suis démographe et… baby-boomer ;-)

    Pour être du baby-boom vous devez être né de 1946 à 1964, la dénatalité a débuté officiellement en 1964. L'indice synthétique de fécondité (le nombre moyen d'enfants par femme) a commencé à chuter en 1965 (voir http://stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/demographie/naisn_deces/naissance/402.htm) ainsi que le nombre de naissances au même moment (voir http://stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/demographie/naisn_deces/naissance/401.htm).

    La révolution tranquille a débuté vers 1960 et a duré moins de 10 ans. Les plus vieux baby-boomer avaient donc 13 ans en 1960 et 23 en 1970. Je doute beaucoup que les baby-boomers aient eu la moindre influence sur la révolution tranquille comme DÉCIDEURS. Nous étions nombreux comme jeunes et l'influence que nous avions était davantage sur le nombre d'écoles à construire, le nombre de profs à engager, les infra-structure diverses à construire pour ce flot de population qui apparaissait partout. C'est la génération précédente qui était au pouvoir…

    De même il y a tout un décalage entre une personne née en 1946 et en 1964, les baby-boomers ne forment pas un groupe homogène et compact. Je suis né au beau milieu du baby-boom, au milieu des années 50. Savez-vous que ce sont les femmes nées en 1956 et 1957 qui auront eu le moins d'enfants ? Ces femmes ont été les premières à avoir été plus nombreuses à se présenter sur le marché du travail plutôt que de rester à la maison. Elles ont eu une scolarité supérieure à celles qui les ont précédées. Les couples du baby-boom nés en 1956 et 1957 sont arrivés à l'âge d'avoir des enfants au pire de la récession du début des années 80. Au même moment, les taux d'intérêts étaient exorbitants et empêchaient l'accès à la propriété. Le chômage était drôlement plus élevé qu'aujourd'hui et la conciliation travail-famille n'existait pas. Avez-vous une idée de ce qui restait comme revenu net une fois les coûts de garderie payés dans les années 80 et même 90 ?

    C'est facile de blâmer les baby-boomers tout comme c'est facile pour ces-derniers de blâmer les générations plus jeunes qu'ils diset trop individualistes et nombrilistes… Il y a malheureusement une méconnaissance liée à l'oubli des plus âgés et à la non connaissance des plus jeunes : on oublie trop rapidement le passé (et on l'idéalise injustement) et, pour les plus jeunes, c'est comme si le monde avait débuté à leur naissance…

    Une vraie discussion entre les générations serait bien profitable. J'ai peut-être perdu bien des illusions de ma jeunesse, mais je suis toujours confiant en l'humanité, me disant que chaque personne cherchera toujours le mieux pour elle-même et pour ceux qui l'entourent…

  3. 5 août 2011 | 9:15

    Merci Richard pour ce commentaire élaboré et ces informations supplémentaires.

    Concernant la Révolution tranquille, il est vrai que les baby boomers n'étaient pas au pouvoir à ce moment. Les réformateurs qui sont à la base de ce mouvement sont plutôt nés dans les années 20 et les années 30, en plein dans le creux de natalité ayant précédé le baby boom. Avant les années 60, leurs tentatives (on pense à Cité Libre et au Manifeste du Refus global) n'avaient pas réussi à ébranler le conservatisme de Duplessis.

    Lorsque la vague des baby boomers survient, les institutions québécoises ne peuvent plus répondre à la demande et craquent de toute part. C'est à ces problèmes que ces réformateurs, qui avaient été jusque là frustrés dans leurs actions, vont s'attaquer avec succès. C'est ce mouvement qui sera baptisé Révolution tranquille.

    Ce qui est important de retenir ici, ce n'est pas que les baby boomers n'aient pas mené la Révolution tranquille, mais bien que depuis leur tendre enfance, c'est la société qui s'est adaptée à eux. Les changements ont été provoqués par leur nombre, pas nécessairement parce qu'ils menaient eux-mêmes la charge. En cela, je ne crois pas qu'il faille accuser ou blâmer les baby boomers. C'est surtout leur prépondérance numérique qui influence le déroulement historique du Québec depuis leur naissance.

    Ce n'est pas une raison pour se soumettre au déterminisme historique et abdiquer toute volonté de changement. Cependant, il faut être conscient qu'une population jeune est plus apte au changement que celle dont le groupe d'âge le plus important est entre 50 et 54 ans ( http://www.stat.gouv.qc.ca/regions/profils/profil10/societe/demographie/pers_demo/age_median10.htm ).

  4. ByeQuébec_Hello_world
    8 mars 2014 | 17:03

    Depuis 1976 (ce qui fera bientôt 40 ans) ce sont les boomers qui élisent les décideurs au Québec. Mario Dumont là dit: La démographie bloque le changement et ça ne changera pas. C'est plate mais c'est ça. Nous sommes donc gouvernés à la boomer pour encore 20 ans. Ce sont les faits. Ils légifèrent pour leur clientèle.

    Le bilan des ces gouvernements (rouge ou bleu peu importe) sont désastreux à plusieurs points de vue. Une gestion de cigale illusoirement axé sur un faux paradigme expansionsiste pour plaire à leur clientèle boomesque. L'énormité du désastre de gestion de ces inconséquents est telle que n'importe quelle illustration actuarielle peut facilement vous en convaincre. Mais…un boomer c'est un boomer et en vieillissant, ils se voient tous comme des sages. Pour eux, c'est automatique: vieux= sage alors je dois sonner comme un jeune stupide…même s'ils me payent à 425$ de l'heure pour mes analyses;-) (et c'est vrai en passant, je ne suis pas un con et je suis francophone de pseudo-souche). Oui, la même souche qui réclame un territoire qu'elle a volé aux autochtones dans le feu, le sang et le viol "on est che-nous, dehors les anglais"…ben oui grand génie.

    Il n'y aura pas de débat sain les amis. Les projections pour la pharmacologie, la santé, les infrastructures et les régimes de retraites à pensée magique sont aussi truffés d'hypothèses mensongères que les promesses de leurs campagnes électorales, la roue sans essieu va se détacher et la charette va casser. Les X internationalisés vont prospérer et le reste seront oubliés. Les Y reprendront ensuite le flambeau après la mort du désastre boomesque et les quelques X prospères, comme votre serviteur.

    Pour ma part, je reviendrai acheter une partie de ce Québec effondré comme un rapace et je ferai des affaires d'or car on fait notre profit en achetant. Pour le moment, les éduqués sortent leurs billes de cette province mexicaine surtaxée aux rues trouées et aux viaducs et ponts qui tombent. Croyez-vous vraiment que nous pourrons payer ces retraites, cette santé et toute cette pharma en rebatissant les routes et les écoles? Hahahaha! Désolé. Je ne voulais pas oser dire ça, les ministres des finances sont foncièrement honnêtes…ou honnêtement axés sur l'impôt foncier.

    C'est triste, mais un boomer qui a du crier parmi 15 enfants a appris une chose et il nous l'a bien enseigné: Chacun pour soi. Le souçi collectif faisait partie de leur discours en69 mais a pris le bord une fois dégelés du LSD de 1978. En 1980 ils sont tombés dans la cocaine à l'individuel pour couler le navire. Pour le boomer, c'est son nombril, son chalet, sa retraite et ne lui demandez pas de compter ou de penser au delà de lui-même: Rien n'existe après eux, ils vont brûler le magot jusqu'à la dernière cenne et loader les cartes de crédit des générations suivantes. Certains auront des regrets, la plupart vont braquer leurs égos de faux-sages, adoptant par défaut une position éducatrice dans un univers technologique international qu'ils ne connaissent même pas, proposant des cimenteries en continuant de s'imaginer que l'exploitation de ressources primaires est la clé. Que viva Québécos! Riba Riba! LCBO donnes-moi 20 cennes pou mes bouteilles svp pis du vino moins cher.

    Pendant ce temps, les gangsters de CGI vont continuer de gonfler des factures informatiques à des boomers qui décident avec des paradgimes du passé, nous avons 25 000 fonctionnaires à Montréal, des bâtiments qui chauffent en combattant l'air climatisé et des comédiens ou journalistes qui vont piloter le Québec. Alouette, gentille Alouette!

    Si vous trouvez que mes mots sont sombres c'est que vous ne savez pas ce que c'est de vivre à l'ombre des cigales boomers: Il fait noir en tab…et c'est triste pour les autres X qui ont des enfants et qui n'arrivent pas à payer les factures. Tout est taxé ici, le monstre à faim! Et le monstre n'est pas évalué en création de valeur, il promène du papier à l'ère numérique pendant qu'un autre Boomer (Henri-Paul désastro-Rousseau a investi dans le papier pour brûler les réserves). Wow! Just wow my friends! Oupss! De l'anglais! Sacrilège! Un jeune qui s'ouvre sur la planète! Mais ou est ta froque carreauté et tes disques de Paul Piché toi? Reviens en arrière! Vite!

    Ne trouvez pas que le taux de suicide est élevé au Québec?

    Je m'en suis sorti par mes tuteurs de d'autres pays et en perspective, j'ai pu voir l'ampleur de la dévastation boomesque du Québec, qui guide, façonne et limite le futur des autres générations. Et ils se croient! Les pauvres maintenant au crochet de la péréquation se croient bons! En pleine surtaxe! Admirant la France, les sclérosés de l'Europe!

    "il doit sûrement être frusté après ses parents ce jeune" et bien non, j'adore mes parents, deux boomers fonctionnaires qui ont travaillé fort. Je garde leur valeur, pas le modus operandi de leur groupe démographique. Je vais leur apporter beaucoup d'argent et comme mes enfants à la Ronde, il vont skipper le line-up à la clinique vous pouvez en être sûrs.

    J'ai maintenant la véritable indépendance, l'indépendance financière, sans frontières. Je vais prier pour mes amis moins chanceux et je reviendrai un jour à Montréal, dans un grand Bœing bleu de mer…

    Vous me voyez bien désolé d'écrire ces mots, mais je me félicite d'écrire de façon franche. Réveillez-vous les Québécos, apprenez donc des Allemands, des finlandais, des suisses, des hollandais, des américains et oubliez donc le modèle communiste de France.

    Escusez-là!

    P.S. Je suis centre gauche en passant, mais le Québec a besoin d'une sérieuse correction à droite qui n'arrivera pas avec les boomers, c'est ça le problème. La démographie décideuse va vouloir sauver sa peau et je ferais pareil. Sur ce je cite Elvis Gratton: "Faut être réaliste calisse".

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