697 billets et 979 commentaires jusqu'à maintenant

Comment trouver un fonds d'investissement sans pétrole?

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Lors de la période de questions d'une présentation à la Maison du développement durable à laquelle j'assistais, un intervenant interpella l'auditoire, nous invitant à vendre nos actions dans les compagnies pétrolières. Nous devions voter avec notre argent.

Pas fou, me suis-je dit. Il n'y a pas juste les grandes institutions qui devraient désinvestir dans les actions des pétrolières ; les individus devraient également se joindre au mouvement. Et comme j'avais des placements, j'ai décidé d'embarquer. Mais voilà, avoir des investissements sans pétrole n'est pas une mince affaire.

D'entrée de jeu, je ne désirais pas devenir moi-même un spécialiste de la bourse, c'est-à-dire que je ne voulais pas composer moi-même un portefeuille à partir d'actions de compagnies que j'aurais choisies. Cela m'aurait permis d'éviter les actions des compagnies pétrolières, mais j'aurais par contre dû choisir parmi une sélection d'entreprises correspondant à mon profil d'investisseur. Je ne suis pas un boursicoteur, j'ai peu d'intérêt dans la gestion quotidienne d'un portefeuille et encore moins de temps à y consacrer. Les institutions financières ont d'ailleurs des produits tout indiqués pour les épargnants comme moi : les fonds et les portefeuilles de placement.

Je n'ai cependant trouvé aucun fonds ou portefeuille d'une institution financière ayant pignon sur rue au Québec qui soit explicitement sans pétrole. Certes, il existe bien des investissements éthiques ou encore responsables, mais les critères utilisés sont plutôt opaques et de toute évidence pas garants d'exclusion pétrolière. Par exemple, le fonds d'investissement éthique NEI propose des fonds « Environnemental, Social et de Gouvernance » qui contiennent des actions de Suncor, la plus grosse compagnie pétrolière du Canada. On pourrait discuter de la cohérence d'une telle compagnie dans un fonds « environnemental », mais il apparaît clairement que je ne peux pas utiliser cette étiquette pour éviter les compagnies pétrolières.

Comme aucun produit ne correspondait à mes exigences, j'ai dû faire le travail moi-même. En tant que client et membre chez Desjardins, j'ai d'abord exprimé mes besoins à mon conseiller financier, qui m'a confirmé qu'aucun produit Desjardins ne correspondait explicitement à ma demande, que je devrais examiner leurs produits disponibles pour voir s'ils répondaient à mes critères. Ce que j'ai fait, de manière exhaustive.

J'ai compulsé chaque produit offert par Desjardins pour déterminer lesquels contiennent des actions de compagnie pétrolière, et j'ai créé une liste indiquant si les fonds Desjardins possèdent ou non des actions dans ce secteur.

Première conclusion : tous les portefeuilles Desjardins contiennent des actions de compagnie pétrolière, y compris ceux qui portent l'étiquette de SociéTerre (Suncor se trouve dans chacun d'eux). Deuxième conclusion : lorsque vous trouvez des actions canadiennes dans la description d'un produit de placement, cela implique des compagnies pétrolières (chez Desjardins comme chez les autres institutions financières). Cela reflète bien l'économie canadienne, c'est-à-dire que le pétrole y occupe une place incontournable. Inversement, tout produit à l'étiquette québécoise est exempt de pétrole (le secteur pétrolier occupant une portion économique marginale dans notre économie). Finalement, il importe de savoir que seules les entreprises constituant les principaux placements des fonds sont listées dans la description. Comme je me base sur cette liste pour déterminer quels fonds possèdent des actions dans le secteur des hydrocarbures, je ne peux ainsi m'assurer que 100 % des fonds ne sont pas reliés au pétrole. Il s'agit du mieux que je puisse faire avec l'information disponible sur le site de Desjardins.

À la suite de ce travail, j'ai donc pu composer un portefeuille sans pétrole, adapté à mon profil d'investisseur. Ma motivation et ma discipline ont porté ses fruits ; j'ai toutefois dû m'investir pour en arriver à ce résultat. Autrement dit, la manière dont sont structurés les fonds de placement ne permet pas aux investisseurs de faire des choix respectueux de leurs critères éthiques. Si l'investisseur désire ne pas investir dans les compagnies qui produisent des OGM, des armes, qui exploitent les enfants dans le tiers-monde, ou qui ont des pratiques contraires à ses valeurs, il est laissé à lui-même.

Dans un système où les frais de gestion des produits de placement varient en moyenne entre 1 % et 2 % annuellement, je pense qu'une partie des frais pourrait être utilisée pour expliciter les critères des fonds et portefeuilles. Il serait alors possible, pour les épargnants, de vraiment voter avec leur argent.

Dodge RAM: le camion le plus écologique jamais construit ?

Billet originalement publié sur le Huffington Post. Les saisis d'écran de la publicité sont ajoutées dans cette version.

Grâce aux publicités ponctuant les télédiffusions des matchs du Canadien, l'amateur de hockey québécois a appris cette année qu'il existait des camions « écoénergétiques ». Ceci amène le sportif de salon à se demander: « diantre, qu'est-ce que l'écoénergie?» Les camions seraient-ils maintenant « écologiques » ?

Pub RAM

En fait, le néologisme qui désigne la consommation d'essence d'un véhicule - car c'est bien de consommation qu'il s'agit dans cette publicité - est plutôt « ÉcoNergie ». C'est ce mot qui est utilisé par Ressources naturelles Canada comme mesure de consommation du moteur d'un véhicule et c'est cette référence qui est utilisée par Dodge dans les caractères lilliputiens au bas de leurs publicités.

Tout indique qu'en substituant « Éco-énergie » à « ÉcoNergie » dans la publicité du RAM, Dodge utilise l'écoblanchiment, technique de marketing visant à donner à un produit une image environnementalement responsable.

Notons que j'introduis volontairement le tiret et le « N » majuscule pour faciliter la lecture dans cet article, car la différence visuelle entre écoénergie et éconergie est trop tenue. Ceci prouve par la même la pertinence du choix marketing de Dodge.

Quand on lit « Éco-énergétique », la racine « éco » peut faire référence au mot « Écologique » (ou encore « Économie »). Ce qui représente tout un gain, car votre camion devient, grâce à ce changement d'adjectif, potentiellement écologique.

Notons que d'autres marques utilisent des artifices semblables avec des noms de technologies comme « ÉcoBoost ».

Or, bien qu'il n'y ait pas de définition précise, l'éco-énergie est essentiellement utilisée dans le domaine de l'habitation et désigne les techniques d'efficacité énergétique et les modes de production d'énergie alternative (biomasse, solaire, etc.)

Il y a bien le gouvernement du Québec qui relie les concepts de véhicules et d'éco-énergie, mais la consommation maximale pour être désignée comme « éco-énergétique » est plus de moitié moindre (5,27 L/100km) que le camion le plus économique. Avec sa consommation, ni le RAM ni aucun autre camion jamais construit ne peut donc se meriter le qualificatif de « éco-énergétique » du gouvernement du Québec. Dodge ne peut donc invoquer cette définition pour justifier son choix.

On serait aussi tenté d'expliquer la confusion entre les deux mots par une traduction maladroite de l'anglais vers le français. Or, le terme anglais équivalent est «fuel efficiency», terme grammaticalement assez éloigné de « écoNergie/éco-énergie » pour invalider cette hypothèse.

Pub RAM en anglais

Dodge semble lui-même jongler entre écoNergie et éco-énergie. Sur son site web, on parle d'écoNergie alors que dans son dépliant, il y est question d'éco-énergie. Peut-être que la direction de Dodge a réalisé que de désigner un camion comme étant « éco-énergétique » était abusif et a-t-elle demandé à ce que l'information sur leur site web soit corrigée? Les annonces télé et le dépliant du RAM seraient alors les restes d'une stratégie qu'ils désirent abandonner? Espérons-le.

Les techniques d'écoblanchiment, auxquelles semble appartenir la publicité du Dodge RAM, abondent dans les secteurs reliés à la consommation du pétrole. Lorsqu'un camion tire trois VTT dans une remorque et qu'on y accole le mot « écologie » ou un dérivé, vous êtes probablement témoin d'écoblanchiment. C'est d'ailleurs ce que je me dis, chaque fois que je regarde le CH à la télévision et qu'on m'explique que le RAM est « le camion le plus écoénergétique jamais construit ».

Réponse à «Cinq mensonges climatiques en 2014»

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Ce billet est en réponse à celui de Pierre-Guy Veer intitulé « Cinq mensonges climatiques en 2014 ».

Lorsqu'on a porté ce billet à mon attention, comme toujours j'ai hésité entre prendre la parole pour rectifier les faits, ou me taire de crainte d'attirer l'attention sur un billet qui n'en mérite pas. Il faut dire que les personnes niant le réchauffement climatique, ou le rôle des humains dans ceux-ci, ont une exposition médiatique disproportionnée par rapport à ce que leur opinion représente parmi les scientifiques. En lui répondant, ne contribuerais-je pas à lui donner un rayonnement immérité?

J'ai alors décidé de saisir l'opportunité d'une réponse afin de permettre aux lecteurs de développer des anticorps face à tous ces personnages qui sévissent dans les médias.

Je débuterai ma réponse en soulignant que les personnes niant le réchauffement climatique ne sont que très rarement des spécialistes du champ d'études en question. Lorsqu'ils ont une formation scientifique, ils sont pour la plupart des géologues, ce qui n'est en rien un spécialiste du climat ou de l'atmosphère. Dans le cas présent, Pierre-Guy Veer se qualifie comme libertarien et a une formation en économie, il n'a donc pas de formation précise sur le sujet et ne travaille pas dans ce domaine.

Dans mes réponses, j'utiliserai comme source des agences gouvernementales, des facultés universitaires ou encore des publications reconnues, contrairement à M. Veer qui se contente pour l'essentiel de faire des liens à un blogue niant le réchauffement climatique. Pour ce qui est de ma formation, je suis physicien et je travaille dans le milieu de la modélisation atmosphérique depuis plus de 10 ans.

Pour chaque affirmation, j'indiquerai s'il s'agit d'un mensonge ou non, comme le prétend l'auteur, en précisant ma réponse.

L'année 2014 est la plus chaude jamais enregistrée

M. Veer prend les mesures d'un seul satellite, propriété d'une compagnie privée californienne, pour qualifier cette affirmation de mensonge.

Or, la NOAA (l'équivalent américain d'Environnement Canada) et l'Organisation mondiale de la météo (OMM) affirment toutes deux que l'année 2014 sera la plus chaude jamais enregistrée.

L'OMM collecte toutes les données d'observation météorologique du monde. Douter de son analyse revient à prétendre qu'il existe une collusion entre les pays qui font les observations, ou que les scientifiques travestissent les données ou leur analyse.

Pour ma part, je préfère faire confiance aux milliers de scientifiques et d'observateurs météo partout sur la planète, plutôt qu'à une seule compagnie américaine.

L'Arctique menace de disparaître

Ce n'est pas un mensonge. Il est d'ailleurs étonnant qu'on puisse prétendre l'inverse, car année après année, les données sont cohérentes et vont dans le même sens.

Il suffit de regarder le graphique des étendues de la glace arctique en septembre, mois pendant lequel l'étendue est à son minimum, depuis les années 1979 pour s'en convaincre. Le déclin de glace pour le mois de septembre est de 13,3 % par décennie, par rapport à la moyenne de 1981 à 2010. Les 10 mois de septembre avec la plus faible couverture de glace ont eu lieu lors des 10 dernières années (source).

M. Veer prétend également que la superficie de la glace arctique est à son plus haut depuis 10 ans, ce qui est faux. L'année 2014 est en fait jusqu'ici une année ordinaire en comparaison avec les 5 dernières années, l'étendue de glace du mois de novembre étant la neuvième plus basse depuis 1979.

Les ours polaires sont en danger

Cette affirmation ne peut être qualifiée de « mensonge climatique » car elle n'est pas nécessairement reliée au climat.

Ce que l'on sait, c'est que le réchauffement climatique perturbe profondément l'habitat de la plupart des espèces. Certaines espèces seront favorisées et d'autres défavorisées. Il est difficile de prévoir l'impact des réchauffements climatiques sur une espèce précise, car les facteurs dont dépend la survie d'une espèce sont multiples et souvent difficiles à prévoir (comme les mesures de protection ou la destruction de l'habitat par l'humain par exemple).

Dans le cas de l'ours polaire, il serait possible d'expliquer l'augmentation des observations par les habitats humains qui sont de plus en plus nombreux dans le nord. L'ours polaire se nourrissant des déchets, cela faciliterait sa survie tout en augmentant le nombre d'ours observés. Cet exemple, bien que fictif, illustre bien la problématique de relier l'augmentation d'une population à l'absence d'une dégradation, ou à une amélioration, de son milieu naturel. Le milieu peut se dégrader et une augmentation d'une espèce y vivant peut tout de même être observée.

Ce que l'on peut affirmer, c'est que le réchauffement climatique, combiné à la destruction des milieux naturels par l'homme, a fait chuter le nombre d'espèces, et que cela ira en s'accentuant.

Pour avoir une meilleure compréhension des enjeux du réchauffement climatique sur la biodiversité, je vous invite à lire l'introduction du livre Changements climatiques et biodiversité au Québec.

Une augmentation du CO2 amènera famine et misère

Il s'agit là d'une déformation grossière de la Banque mondiale qui affirme dans un rapport qu'à « défaut de mesures concrètes de lutte contre le changement climatique, la communauté internationale pourrait bien subir les conséquences catastrophiques d'une hausse de 4 degrés de la température moyenne d'ici la fin du siècle, y compris des vagues de chaleur extrême, une baisse des stocks mondiaux de denrées alimentaires, et une élévation du niveau des mers qui pourrait toucher des centaines de millions de personnes ».

M. Veer indique qu'une augmentation de CO2 serait bénéfique à la croissance de certaines plantes, ce qui est tout à fait vrai. Cela dit, les autres dommages liés à l'augmentation de CO2, et donc à la quantité de chaleur dans l'atmosphère, mettront en péril les productions agricoles dans le monde, particulièrement dans les zones où les conditions agricoles sont difficiles. Cela expose les populations à une fluctuation importante des prix, comme lorsque le prix du blé avait doublé suite aux incendies en Russie.

Ces pénuries peuvent aller de pair avec une augmentation de productivité agricole dans certains pays comme le Canada ou les États-Unis. Cependant, les populations dépendantes de l'agriculture locale, ou consacrant une partie importante de leur revenu à l'alimentation, seront grandement exposées aux conséquences du réchauffement climatique sur l'agriculture. C'est à cela que fait référence la Banque mondiale lorsqu'elle indique qu'il pourrait y avoir une baisse importante des stocks mondiaux de denrées alimentaires.

Ainsi, bien que le CO2 puisse être considéré comme un fertilisant pour les plantes, les effets négatifs de l'augmentation de sa concentration dépasseront de loin les bénéfices qu'elle apportera.

La sécheresse en Californie est sans précédent

C'est peut-être un mensonge, mais cela ne change rien à la réalité des changements climatiques.

Il est en effet toujours hasardeux de relier un événement météorologique particulier au réchauffement climatique. Il faut plutôt regarder la tendance en combinant plusieurs événements pour en tirer une signification statistique. On ne pourra pas imputer un ouragan particulier au réchauffement climatique, mais il sera possible d'indiquer que le réchauffement climatique a causé l'augmentation du nombre d'ouragans ou encore leur puissance.

Il en va de même pour tous les événements météorologiques violents: inondations, sécheresse, ouragans, tornade, etc. On sait que le réchauffement climatique augmentera leur fréquence, mais on ne pourra jamais attribuer un événement précis au réchauffement climatique.

TransCanada Est émettra autant de GES que toutes les industries du Québec

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

En permettant à l'oléoduc TransCanada Est de passer sur son territoire, le gouvernement du Québec provoquera une augmentation d'émission de gaz à effet de serre (GES) supérieure à toutes les diminutions qu'il a prévues d'ici 2020.

À terme, c'est le tiers de toute la production des sables bitumineux de l'Alberta qui passera par le Québec, par le plus gros oléoduc du continent. C'est 1,1 million de barils de pétrole supplémentaires qui seront extraits des sables bitumineux et qui passeront quotidiennement par TransCanada Est. Cette extraction causera l'émission de 25 mégatonnes (Mt) de CO2 par année, l'équivalent de ce qu'émettent toutes les industries du Québec réunies. Ou encore 30% de tous les GES émis par le Québec. Avec un seul projet.

Aucun projet entrepris par le Québec ne permettra de diminuer d'une quantité équivalente les émissions de CO2. L'atteinte des objectifs du protocole de Kyoto par le Québec, une diminution de 17 Mt par année, ne permettrait même pas de compenser les émissions supplémentaires de tout ce pétrole.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que cet oléoduc n'est pas une option parmi d'autres pour sortir le pétrole de l'Alberta. Tous les moyens de transporter le pétrole de l'Alberta sont déjà utilisés à pleine capacité. Si le Québec refuse le passage de cet oléoduc, ce sera donc autant de pétrole qui restera sous terre.

Rappelons que selon le GIEC, 65 à 80 % de toutes les réserves d'hydrocarbures connues doivent demeurer inexploitées afin que le climat ne se détériore pas au-delà du seuil jugé scientifiquement acceptable (2⁰C de réchauffement en 2100). Ces réserves devant rester inexploitées incluent bien sûr les sables bitumineux de l'Alberta et les pétroles de schistes qui seront transportés dans cet oléoduc.

C'est fort probablement pour cette raison que l'Office national de l'énergie, l'organisation responsable d'approuver la construction de l'oléoduc TransCanada Est, n'a pas pris en compte l'émission des GES. L'effet sur le bilan des GES est si désastreux, qu'aucune propagande du gouvernement du Canada n'aurait pu justifier d'aller de l'avant. Plutôt que d'affronter un problème insoluble, le gouvernement fédéral a simplement décidé de l'écarter des critères à prendre en compte.

Si d'un côté le Québec s'engage à réduire les émissions de GES sur son territoire, mais que de l'autre il prend des décisions créant une augmentation supérieure sur un autre territoire, il respecte l'accord de Kyoto, mais nuit aux efforts pour lutter contre les changements climatiques en empirant le solde du Canada. Car ce qui contribue au réchauffement climatique, c'est la quantité totale de CO2 dans l'atmosphère, quel que soit l'endroit d'où ce CO2 est émis.

L'oléoduc TransCanada Est n'est pas seulement une menace terrible pour le fleuve St-Laurent et l'environnement du Québec dans son ensemble. Il fait aussi partie des projets ne devant pas voir le jour si l'on veut être cohérent dans la lutte contre les changements climatiques.

La quantité supplémentaire de GES qui sera émise si ce projet voit le jour est une raison suffisante pour que le gouvernement du

Un vaccin pour la maladie de Lyme?

Pays touchés par la maladie de Lyme
Pays touchés par la maladie de Lyme.

Dans son bulletin de nouvelles du 14 août 2014 à 7h du matin, Radio-Canada annonce que « l'absence d'un vaccin contre la maladie de Lyme sème l'inquiétude », comme si, d'une part, cette maladie était une nouveauté sur la planète et, d'autre part, qu'il suffisait d'un peu d'effort pour trouver un vaccin.

La maladie de Lyme affecte 65 pays à travers le monde et est une préoccupation dans plusieurs pays d'Europe depuis de nombreuses années. En Belgique, lors des sorties en camps scouts, les enfants sont inspectés tous les soirs pour identifier la présence de tiques, et cela depuis plus de 10 ans. Aux É.-U., elle est la 7e maladie la plus déclarée au pays, et elle a touché plus de 3 millions de personnes depuis 1970. Tous ces pays sont déjà préoccupés par la maladie de Lyme et doivent sûrement se pencher sur la question du vaccin depuis des décennies.

D'autre part, avec 114 cas déclarés au Québec en 2013, il faudrait qu'un vaccin ait un taux d'innocuité inférieur à 0,04% pour ne pas que le nombre de personnes touchées par des effets secondaires dépasse les gens protégés (j'ai estimé à 3 millions la population vivant au sud du St-Laurent et pouvant être affectée au cours des prochaines années).

Bref, bien que la maladie de Lyme soit une préoccupation importante, et sans diminuer l'impact majeur dans la qualité de vie de ceux qui en sont atteints, cette préoccupation est surtout celle des autres pays, et ce n'est pas parce que le Québec est touché que, tout à coup, l'absence d'un vaccin est inquiétant, et encore moins à porter de main.

Soyons humbles et prenons conscience que cette maladie affecte surtout les autres pays et que cette rumeur de vaccin sert surtout à nous assurer que les autorités prennent les choses en main, et ne recele dans les faits aucune information nouvelle.

Déterminisme: de Laplace à Power Corporation

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Les scientifiques du 19e siècle ont particulièrement été marqués par la théorie du « déterminisme classique ». Dans sa forme la plus pure, énoncée par le physicien et mathématicien Pierre-Simon de Laplace, cette théorie veut que l'état d'un système à un instant donné dépende de ses états précédents. Ou dit autrement, l'avenir comme le passé sont prévisibles si l'on connaît le moment présent.

Bien que populaire pendant près d'un siècle, cette théorie s'est vue contredite au 20e siècle par deux découvertes. D'abord par l'effet papillon, qui démontre qu'une perturbation infime des conditions initiales peut avoir des conséquences imprévisibles à long terme. Puis par la mécanique quantique, qui implique que le hasard, ou l'inconnu, fait partie intégrante de la nature. On ne peut donc parfaitement prédire l'avenir, peu importe la connaissance que nous avons sur le moment présent. C'est d'ailleurs pour cela qu'il sera toujours impossible d'avoir une prévision météo parfaite!

Le déterminisme est toujours populaire au 21e siècle. Il a quitté le milieu de la physique pour le domaine de la politique. Beaucoup de gens œuvrant dans ce milieu prennent en effet pour acquis que si on connaît avec assez de précision une population, essentiellement grâce aux résultats d'élections, aux sondages et à la démographie, il est possible de prévoir son comportement politique, ou encore mieux, de l'influencer à partir de cette information.

Lorsque Power Corporation utilise sa branche médiatique en qualifiant abusivement de « grand sondage » un sondage non scientifique indiquant que les jeunes ne sont plus indépendantistes, ce n'est pas une mesure de la population. C'est une tentative pour que les déterministes politiques de tout acabit concluent que l'avenir du Québec est joué, qu'il se déroulera dans le cadre fédéral canadien. C'est cette vision de l'avenir que promeut Power Corporation et la publication de ce sondage ne fait que renforcer sa ligne éditoriale.

Or, bien que le contexte présent puisse expliquer une partie de l'avenir d'un peuple, il ne le détermine pas. Les changements dans une société peuvent survenir de façon imprévisible, comme le printemps érable, et être au départ invisible pour la société, invisible pour les sondages, invisibles pour les analystes et autres mesureurs de population.

Il faut briser cette habitude d'analyser les chiffres comme s'ils déterminaient l'avenir du peuple québécois. Nous retirons ainsi un pouvoir des mains de toutes les Power Corporation de ce monde qui désirent maintenir le statu quo. Un peuple conscient de son potentiel est un peuple qui réclame sa liberté. Or, c'est en bridant l'éveil de nos capacités que nous demeurons un peuple conquis et satisfait. Ceux qui traitent les Québécois de faibles, de BS, de quêteux sont dans leur majorité des défenseurs de l'ordre établi, du fédéralisme. Écoutons plutôt ceux qui nous disent grands, ceux qui nous disent forts. Le jour où nous aurons réalisé notre propre valeur, celle de notre grandeur en tant que peuple, ce jour-là nous serons libres. Et dès le lendemain nous le ferons, ce pays qui n'attend que nous.

Lutter contre l'agrile du frêne à Montréal

Agrile du frêne

L’agrile du frêne est un insecte qui menace l’existence d’un arbre sur cinq sur l’île de Montréal. Si rien n’est fait, les 200 000 frênes de Montréal disparaîtront d’ici 10 ans.

Nous ne sommes pas la première ville d’Amérique du Nord à vivre ce phénomène. L’agrile a déjà tué des dizaines de millions de frênes aux États-Unis, sa progression est connue et documentée. Il n’existe à ce jour qu’un seul traitement pour protéger les frênes de cet insecte. Il s’agit d’un bio-pesticide nommé TreeAzin. Le traitement d’un frêne au TreeAzin coûte en moyenne 100$/année et il doit être appliqué avant l’arrivée de l’agrile pour être efficace.

Détection de l

Que font les autorités de la Ville de Montréal contre l’agrile du frêne? Pour le moment, des sommes d’argent sont prévues pour traiter 10 % des frênes, les autres n’étant pas protégés pour des raisons de « contraintes budgétaires ». Or, le temps presse, puisque les dommages causés par l'agrile sont exponentiels. Il ne reste probablement que deux ans pour traiter les frênes avant que l’agrile n’ait fait ses ravages partout sur l’île.

Il est clair que l’administration de la Ville de Montréal ne suffira pas à la tâche pour sauver tous les arbres en si peu de temps avec si peu de moyens. Que faire?

Trou causé par un insecte dans un frêne

Si vous détectez l'agrile du frêne sur un arbre de votre voisinage, vous pouvez appeler le 3-1-1 pour indiquer à quel endroit se trouve ce frêne.

Il faut faire pression dès maintenant sur les élus municipaux pour que plus de ressources soient consacrées à la lutte à l’agrile du frêne. Il est possible de le faire en se présentant au conseil d’arrondissement (liste ici) pour manifester son inquiétude (pour Villeray-St-Michel-Parc-Extension, joignez-vous à notre délégation mardi prochain le 6 mai à 19h).

Finalement, il faut offrir la possibilité aux citoyens de payer directement le traitement des arbres de leur rue, de leur quartier. Un flou légal existe pour cette solution, mais une fois cet aspect réglé, un site web pour amasser les contributions monétaires des citoyens pour traiter les frênes sur la voie publique devra être mis en place. Nous explorons présentement la possibilité de déployer un tel site web. Si vous êtes intéressés, une bonne avenue serait de commencer par adopter un frêne.

Il faut voir l’agrile du frêne comme un test pour notre collectivité. Ce problème est aisé à gérer :

  • La biologie, l’impact de l’agrile du frêne, la solution et le coût sont connus;
  • Il n’y a pas de puissant lobbys à affronter pour déployer la solution;
  • La période et les coûts de remplacement des frênes sont prévisibles;
  • Les décideurs vivent dans les quartiers affectés;
  • Un petit nombre de citoyens peut influencer les élus.

Si nous nous voulons être en mesure de lutter contre les changements climatiques, un problème plus complexe à tous les niveaux, nous devons régler haut la main les problèmes environnementaux simples comme celui posé par l’agrile du frêne. C’est un défi qui nous devons relever d’abord pour notre quartier, mais aussi pour se donner confiance en nos moyens lorsque viendra le moment d’affronter les grands problèmes.

Liens utiles

L'environnement: un enjeu indépendantiste (bis)

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

À la suite de la publication de mon texte sur l'environnement et l'indépendance, un ami et collègue m'a fait parvenir des objections à mon analyse. Comme les arguments qu'il avance reviennent souvent dans les discours portant sur l'indépendance du Québec, je publie ici mes réponses dans l'espoir qu'elles puissent servir ou en inspirer d'autres.

1. Un Québec indépendant ne changerait pas la situation mondiale désastreuse de l'environnement. Le Québec comme exemple? Je n'admets pas cet argument. Il y a de nombreux pays qui sont des exemples environnementaux et le reste du monde s'en moque.

Il est certain que le poids du Québec pays, dans les relations internationales ne serait pas celui des États-Unis, nous devons demeurer humbles concernant l'influence que nous aurions sur la scène internationale. Cela dit, elle ne serait pas nulle.

Il faut se mettre dans le contexte de la création d'un pays du Québec, émergeant d'un pays du G8, et qui aurait alors l'attention mondiale dirigée sur lui. Il serait alors possible d'avoir une certaine influence, notamment en environnement. Ce serait également vrai par la suite, puisque le Québec aurait un siège dans les instances internationales, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Pour se convaincre de notre potentiel, pensons aux pays scandinaves dont on parle sans cesse lorsque vient le temps de comparer les indices de développement. Ces pays ne sont pas si importants, économiquement ou militairement, sur le plan mondial, pourtant ils sont très souvent pris comme modèles. Encore cette semaine dans le journal, on se demandait si Philippe Couillard allait s'inspirer «de l'Alberta et du Dakota du Nord ou de la Suède et du Danemark».

Le Québec pays peut avoir une influence comparable à la Norvège ou à la Suède, ce n'est pas une proposition extravagante.

2. Un Québec indépendant, dirigé par un gouvernement d'Option nationale s'opposerait sans doute au pipeline, mais qu'en serait-il d'un gouvernement libéral dans un Québec indépendant? Ou d'un autre gouvernement moins sensible à l'environnement? Ces partis existeront toujours après une éventuelle accession à l'indépendance. Et ils obtiendront probablement le pouvoir. Supposons que le Québec était indépendant le mois dernier. Le PQ aurait quand même été en faveur de l'inversion du pipeline…

Tout à fait d'accord.
Il est d'ailleurs important de souligner ce fait : le Québec pays est le début des revendications, non pas la fin. À ce moment, le Québec aura accès à tous les leviers pour décider de son avenir, ce sont là des questions de pays que nous aurons à nous poser.

J'ajouterais aussi qu'il ne faut pas mettre de conditions à l'indépendance : la liberté est une valeur en soi. Elle n'a pas à s'accorder aux autres valeurs des libérateurs (partis politiques, institutions, dirigeant[es], etc.). Le Québec sera un État démocratique dans lequel tous les partis politiques, toutes les voies politiques démocratiques, pourront s'exprimer et ce sera au peuple en fin de compte à faire son choix, pas aux fondateurs du pays.

Je dis d'ailleurs dans l'article que :
« Cela ne veut pas dire que le Québec pays serait nécessairement un exemple, le mouvement indépendantiste a aussi ses dinosaures, mais il aura au moins la chance de faire les choses différemment. »

3. Le Québec, quittant la fédération canadienne, aura sans doute comme principal effet de faire accélérer le développement des sables bitumineux (et non pas le contraire). Exemple : Les grands partis fédéraux du Canada n'auront plus à jongler avec le dilemme de faire plaisir aux environnementalistes de l'est du Canada. Le PLC est dans ce dilemme, il veut faire plaisir à deux bases électorales différentes. Sans le Québec, les intérêts de l'Ouest gagneront facilement dans un Canada amputé du Québec.

Le Canada a déjà la politique étrangère d'un pétro-État. La présence du Québec ne change présentement rien à cet état de fait.

Est-ce qu'un futur gouvernement, élu avec l'aide des Québécois, pourrait changer cela? Peut-être, mais il reste à prouver d'une part que cela peut se faire, et d'autre part ce gouvernement serait lui aussi temporaire, un changement pouvant toujours survenir par la suite sans l'apport du Québec (les conservateurs seront encore là).

Quelle différence entre le Canada et le Québec alors, puisqu'un parti politique pourra toujours prendre des décisions négligeant l'environnement ou un autre sujet critique? Ou comme je l'ai souvent entendu : « À quoi sert-il d'être indépendant si c'est pour être un mini-Canada »?

La différence, c'est que ce sera aux Québécois de faire des choix pour les Québécois. En ce moment, plusieurs décisions sur notre territoire nous sont imposées par un gouvernement qui est élu en majorité par un peuple qui n'est pas le nôtre.

Les décisions du Canada sont prises en majorité par un autre peuple qui a des valeurs et des intérêts qui divergent des nôtres - sans vouloir qualifier ce peuple de meilleur ou de pire - et ce pouvoir s'accentuera dans l'avenir, en raison du déclin démographique du Québec par rapport aux autres provinces. Assumer et faire des choix qui concernent notre territoire, tant pour les humains que pour l'environnement, sont des raisons suffisantes pour faire du Québec un pays.

Les indépendantistes écossais ont une approche particulièrement intéressante concernant les partis politiques et l'indépendance. Leur Guide pour l'indépendance de l'Écosse présente «Les avantages de l'indépendance de l'Écosse - peu importe le parti au pouvoir» (p. xiv). Dans l'introduction, il est expliqué qu'en cas de création du pays, «le futur de l'Écosse sera dans les mains des Écossais», et qu'à l'inverse, les «décisions concernant l'Écosse resteront dans les mains des autres» (p. i). En remplaçant le mot «Écosse» par «Québec», nous avons là un excellent préambule pour un document semblable pour l'indépendance du Québec. La liberté des peuples reposant en effet sur des principes universels.

L'environnement: un enjeu indépendantiste

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

En lisant les résumés du dernier rapport du GIEC cette semaine, il m'est venu un certain découragement. Ce que le rapport dit, en gros, c'est qu'au cours des dernières décennies, beaucoup de discussions ont eu lieu sur la scène internationale, mais aucune mesure réellement concrète n'a été mise en place pour lutter contre le réchauffement climatique. Si rien n'est fait, il y aura des famines, des réfugiés climatiques et des morts par millions dans les prochaines années.

Étant porte-parole d'Option nationale pour l'environnement lors de la dernière campagne électorale au Québec, il m'est apparu essentiel d'expliquer, sur les trop rares tribunes qui m'ont été offertes, les problèmes que causera le réchauffement climatique. Il m'est également apparu fondamental de faire comprendre que pour jouer son rôle dans cette lutte, le Québec devait refuser toute politique favorisant l'exploitation du pétrole de schiste ou des sables bitumineux, incluant l'exploitation d'Anticosti et les pipelines d'Enbridge et de Trans-Canada, puisque cette exploitation émet de 25 % à 75 % plus de CO2 que le pétrole conventionnel. Enfin, j'ai expliqué qu'aucune loi votée par les hommes ne peut avoir préséance sur une loi de la physique et que de ne pas faire de l'environnement une priorité revient à prétendre que la gravité n'existe pas. Que pour négocier, le peuple québécois serait mieux représenté sur la scène internationale s'il avait, devant lui, un petit carton avec le mot «Québec», plutôt que celui du «Canada».

Le Canada est en effet parmi les pires États au monde en ce qui a trait à la lutte contre le réchauffement climatique : il a renié sa signature du protocole de Kyoto, a revu à la baisse ses objectifs de réductions d'émissions de CO2 à deux reprises et n'a pris aucune mesure concrète pour les atteindre. C'est donc sans surprise qu'il ne les atteindra pas.

Cela ne veut pas dire que le Québec pays serait nécessairement un exemple, le mouvement indépendantiste a aussi ses dinosaures, mais il aura au moins la chance de faire les choses différemment.

Le Canada ayant 30 % de son PIB issu du pétrole albertain, il protège l'exploitation du pétrole sur la scène internationale. Le Québec a la chance de ne pas avoir une économie basée sur ses ressources en hydrocarbures. Cela lui permettra de faire des choix différents de ceux du Canada et de prendre des mesures réelles afin de lutter contre le réchauffement climatique.

Malheureusement, lors de la dernière élection, les principaux partis politiques ont mis ce débat de côté. Ils ont préféré suivre les conseils de leurs analystes politiques, brandissant la peur comme élément de rassemblement des Québécois : la peur des turbans, la peur des référendums, la peur de la dette.

Les résultats de cette élection ont donné lieu à un foisonnement d'analyses, mais peu importe l'opinion, ils constituent un électrochoc pour une grande partie de l'électorat, surtout celle qui prenait pour acquis la progression historique de l'émancipation du peuple québécois. Il est souhaitable que ce séisme donne lieu à un réalignement des forces politiques du Québec d'ici les élections de 2018 et que l'environnement ait sa juste part au sein de cette renaissance.

Et c'est pour lutter contre le découragement, cet abandon consumériste, que nous devons militer, entre autres, pour un engagement plus concret et réaliste des partis politiques envers l'environnement.

Le mouvement indépendantiste doit s'approprier cet enjeu incontournable, mais il ne doit pas le faire à des fins électoralistes. Il doit se l'approprier afin de démontrer au peuple québécois que la création d'un État lui permettra non seulement de contrôler sa destinée culturelle et économique, mais aussi environnementale. L'environnement est l'ensemble des éléments naturels et culturels qui entourent un être vivant. Il est donc intimement lié à notre émancipation.

Anticosti: le PQ contrevient au principe de développement durable

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

En ce début de campagne électorale, plusieurs enjeux seront mis de l'avant, notamment en environnement. Nous exposerons ici le point de vue d'Option nationale concernant l'exploitation du pétrole de schiste à Anticosti, proposée par le gouvernement du Parti québécois et soutenue par la CAQ.

Tout d'abord, l'exploitation du pétrole d'Anticosti ne peut-être reliée à une politique québécoise d'indépendance énergétique. En effet, comme il est noté dans le récent rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec: « le gaz naturel et le pétrole ont des marchés qui dépassent de beaucoup les limites géographiques du Québec. Il n'y a donc pas de raison de lier la production de ces ressources à la consommation interne ». En d'autres termes, rien ne garantit que le pétrole d'Anticosti serait consommé, ni même raffiné, au Québec.

Par ailleurs, il est ici question d'une ressource pour laquelle, au même titre que les autres ressources naturelles, nous devons évaluer les effets de son exploitation sur l'environnement tant au niveau local que global. Sur le plan local, les problèmes soulevés par l'extraction du pétrole de schiste à Anticosti sont semblables à ceux liés au gaz de schiste dans la vallée du St-Laurent. En effet, dans les deux cas, la pollution affectant l'environnement immédiat provient essentiellement de la technologie extractrice, la fracturation hydraulique, et non du produit extrait.

La question se pose donc: pourquoi le moratoire du Parti québécois sur la fracturation hydraulique est-il valable dans la Vallée du St-Laurent, mais pas à Anticosti?

Le gouvernement péquiste évoque à cet égard le critère de l'«acceptabilité sociale», en se fondant sur le fait que la principale différence entre ces deux endroits réside dans la faible population d'Anticosti (300 habitants) par rapport à celle, beaucoup plus grande, de la vallée du St-Laurent. C'est ce qu'expose le député Daniel Breton dans une récente vidéo où il justifie son appui au projet Anticosti, marquant par le fait même un revirement spectaculaire en regard de ses prises de position passées.

En outre, le gouvernement défend le projet Anticosti en faisant miroiter de possibles retombées économiques y étant associées. Tout ceci laisse voir que la grille d'analyse du Parti québécois, en ce qui a trait à des projets de développement économique ayant des effets sur l'environnement, est essentiellement la même que celle du Parti conservateur du Canada. Dans cette grille, la faune et la flore n'ont pas de valeur intrinsèque, l'humain étant la mesure de toute chose. En faisant sienne cette vision des choses, le Parti québécois évacue l'aspect environnemental du développement durable, n'en conservant que l'aspect économique et social.

Pour respecter le principe de développement durable, un moratoire devrait être imposé sur toute exploitation utilisant la fracturation hydraulique sur le territoire du Québec, que ce soit pour extraire du gaz ou du pétrole. C'est d'ailleurs ce que propose Option nationale dans sa plateforme (article 2.2).

Sur le plan global, maintenant, quelles seraient les conséquences de l'exploitation de pétrole de schiste au Québec ? La production de pétrole de schiste émet une quantité de CO2 de 25 à 75% plus importante que celle du pétrole conventionnel. Tout geste de l'État québécois menant à une plus grande exploitation du pétrole de schiste implique une plus grande émission globale de CO2 dans l'atmosphère.

Pour être cohérent dans sa lutte au changement climatique, le Québec ne devrait donc pas favoriser par ses politiques l'augmentation de la production de pétrole de schiste, que ce soit sur son territoire ou à l'extérieur. Cette réflexion s'applique à Anticosti, mais en poussant le raisonnement plus loin, on peut également inclure les pipelines qui passeront sur son territoire et qui suscitent l'enthousiasme du Parti québécois et de la CAQ. La mise en place de ces pipelines permettra l'augmentation de la production de pétrole non traditionnel en Alberta et au Dakota du Nord, ce qui produira aussi davantage de CO2.

Si le Québec province peut s'opposer à l'exploitation sur Anticosti, il est toutefois menotté lorsque vient le temps d'interdire le passage de pipelines sur son territoire. Seul un Québec disposant des pouvoirs d'un pays serait en mesure d'agir en ce sens. C'est pour des raisons comme celle-ci qu'Option nationale propose de réaliser l'indépendance du Québec dès son premier mandat, et fait de cet objectif le centre de son action politique.

Page suivante »