J'attendais un ami sur le bord de la rue hier et, le party de bureau de la veille me causant une certaine déshydratation, je décidais d'aller m'acheter une bouteille d'eau au dépanneur juste à côté.
Le dîner de mon party de bureau avait l'environnement comme thématique. Une idée géniale avait germé dans l'esprit des organisateurs: acheter tous les ingrédients du repas dans un rayon de 500 km autour de Montréal. Il y a un mot pour ça: localvore. À part quelques exceptions, il est impossible d'avoir des patates du Québec après la mi-octobre, la mission a été accomplie. Le repas était excellent!
C'est donc avec cette expérience toute récente que je me retrouve au dépanneur à magasiner une bouteille d'eau. Je prends la première du bord, celle-là plus en évidence, et je regarde d'où provient l'eau de la bouteille. Stupeur. Elle vient de France.
Arrêtons-nous un instant pour mettre en perspective cette découverte. Il y a une compagnie qui, en France, embouteille de l'eau, la met dans un camion, puis dans un bateau, puis dans un camion et vient la vendre… chez nous! Ils ont le front de venir nous vendre de l'eau française à nous, royaume de l'eau douce sur la planète! Et ça marche! Il y a vraiment quelque chose que je ne saisis pas.
Cette aberration me met hors de moi pour plusieurs raisons, chacune étant suffisante. Niveau environnemental: l'eau embouteillée en France est transportée sur plus de 5000 km pour être vendue au dépanneur du coin à Montréal. Niveau économique: comment se fait-il que l'eau embouteillée en France puisse être compétitive avec celle que nous avons ici? Ma fibre nationale résonne: comment se fait-il que l'on soit obligé de prendre notre eau douce en France, ou de n'importe quel autre pays en fait? Sommes-nous pauvres en eau douce à ce point? L'image que j'ai du Québec n'est-elle pas celle d'un pays de lacs et de rivières?
Selon l'Atlas du Canada, « les cours d'eau canadiens déversent près de 9 % des ressources en eau renouvelables de la planète ». Le Québec possède 20% de cette eau douce. Environ 1% de l'eau douce de la planète est sur le territoire du Québec et nous représentons 0,1 % de la population mondiale.
Comment se fait-il, en considérant ces chiffres, que l'on puisse acheter de l'eau douce ayant traversé un océan avant de se rendre sur nos tablettes? Comment se fait-il que nous achetions ces produits? Je ne vois qu'une réponse possible: nous ignorons d'où nous vient cette eau, ou plutôt nous ne pensons pas aux considérations qu'implique la consommation de cette eau.
Ce laxisme sur l'importance de nos choix lors de l'achat de nos produits n'est pas sans conséquence. L'exploitation myope des ressources naturelles a un coût. Ce coût commence globalement à se faire sentir, et très sérieusement, au niveau environnemental, mais la prise de conscience n'est pas encore suffisamment forte pour avoir un effet marqué sur nos habitudes de vie.
Le jour où la possession d'un VUS sera considérée comme une honte, que « plus gros » ne sera plus synonyme de richesse, mais bien de vulgarité, que les marques de commerce, comme Evian, devront abdiquer devant la logique, ce jour-là, oui, le monde aura changé. Espérons seulement que ce ne soit pas trop tard.
Note: l'équipe de ptaff.ca s'abreuve avec l'eau du St-Laurent, le fleuve aux grandes eaux, et elle en est fière.