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Il ne sert à rien d'écraser les bulbes

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Les sorties des souverainistes contre Mario Beaulieu, depuis son élection comme chef du Bloc québécois en juin dernier, ont été si nombreuses qu'il y a lieu de se questionner sur les motivations de leurs auteurs. Il y a quelques jours, c'était au tour de l'historien Fréréric Bastien, auteur du livre « La bataille de Londres » d'y aller d'un opus contre Mario Beaulieu sur le site de l'Actualité.

L'argumentaire de son texte est essentiellement basé sur deux arguments. D'abord, Mario Beaulieu serait coupable d'un rapprochement idéologique avec le FLQ en ayant scandé « Nous vaincrons » au moment de sa victoire à la chefferie du Bloc. Par la suite, il s'indigne au nom des anciens chefs du Bloc puisque Beaulieu a dénoncé « 20 ans d'attentisme et de défaitisme ». Or, bien que Mario Beaulieu ait donné des explications pour ces deux gestes (il n'a pas fait le lien « Nous vaincrons » = FLQ à l'instant de sa victoire, et les « 20 ans de défaitisme » faisaient référence au mouvement dans son entier, et non aux anciens chefs du Bloc), cela ne suffit pas à l'historien, il préfère ignorer ces réponses et aller de l'avant en rendant son mécontentement public.

Bastien y va ensuite de sa propre analyse, désignant lui-même les coupables de l'attentisme qu'aurait plutôt dû nommer Mario Beaulieu, soient les anciens chefs du PQ, notamment Lucien Bouchard et Bernard Landry. S'ensuit une analyse grossière des résultats des dernières élections québécoises, analyse où il néglige une foule de facteurs pouvant expliquer en tout ou en partie les résultats : rien sur la charte des valeurs du Parti québécois, rien sur la démobilisation de l'électorat indépendantiste. Il explique même la baisse du nombre de votes pour Option nationale par le manque de « pureté independantiste » des Québécois, comme si l'absence de couverture médiatique pour ce parti n'avait joué aucun rôle.

On ne s'étonnerait pas si cette sélection bâclée d'arguments contre Beaulieu émanait d'un chroniqueur populiste ou encore d'un adversaire politique désirant détruire la crédibilité du Bloc québécois, mais venant d'un intellectuel, historien de surcroît, lié au projet d'indépendance du Québec, il est difficile de se l'expliquer. Qu'a donc fait Mario Beaulieu pour que ses propres alliés idéologiques lui tombent dessus, utilisant des raccourcis intellectuels dans leurs arguments? Pourquoi ne pas laisser la chance au coureur?

Peut-être qu'il ne sert à rien de tirer sur les fleurs (*), mais il ne sert à rien non plus de piétiner le bulbe avant de le mettre en terre.

(*) La célèbre phrase sur l'inutilité de tirer sur la tige des fleurs pour les faire pousser, que l'on attribue à tort à René Lévesque ou à Bernard Landry, est à l'origine un proverbe chinois (拔苗助长).

Marie-France Bazzo sans Mario Beaulieu

Le jeudi 21 août 2014, Marie-France Bazzo recevait le chef du Bloc québécois, Mario Beaulieu, en entrevue. Cette entrevue a fait jaser, l'animatrice interrompant fréquemment le chef du Bloc pour véhiculer son point de vue. Afin de tirer cela au clair, j'ai isolé les propos de l'animatrice pour bien comprendre ce qu'elle disait. Voici donc Marie-France Bazzo sans Mario Beaulieu:

L'entrevue dure 8 min 57 secondes, pendant laquelle l'animatrice parle pendant près de 3 min, soit le tiers de l'entrevue. Marie-France Bazzo parle une vingtaine de fois, ce qui laisse en moyenne 20 secondes à Mario Beaulieu avant de se faire interrompre.

Est-ce une entrevue où l'on laisse la personne s'expliquer, ou est-ce plutôt l'animatrice qui profite de sa tribune pour souligner son point de vue?

La radicale clarté

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

L'étiquette « radicale » est semblable à celle de « terroriste », en ceci qu'elle est toujours utilisée pour désigner l'autre, habituellement l'adversaire, mais n'est jamais utilisée par les personnes ou les groupes pour se désigner eux-mêmes. Cet étiquetage est en fait un outil de propagande redoutable, permettant avec un seul mot de réduire l'adversaire à un extrémiste, tout en positionnant l'émetteur comme un modéré.

C'est le sort qu'a connu Mario Beaulieu après son élection à la tête du Bloc québécois. Michel David avait déjà préparé le terrain deux jours auparavant en le qualifiant d'homme « pur et dur ». Dès lors, la table était mise pour qu'il soit identifié par la suite comme un « radical ». À preuve, cette entrevue de Radio-Canada où les journalistes traitent à cinq reprises Mario Beaulieu de « radical ». Quelle idée les journalistes ont-ils mise de l'avant? Mario Beaulieu est un radical.

Qu'a bien pu faire Mario Beaulieu pour mériter pareil épithète? C'est que l'homme a un message clair sur l'indépendance du Québec. Le Bloc doit servir à promouvoir l'indépendance du Québec, avant, pendant et après les élections.

Mais après plus d'une décennie de « stratégies » du Parti québécois et du Bloc pour séduire l'électorat, la clarté d'un message est maintenant considérée comme étant radicale. Voilà où nous en sommes. Or, proposer clairement un projet à une population ce n'est pas être radical, cela s'appelle simplement faire de la politique.

Cette course à la chefferie du Bloc est une répétition générale pour celle du PQ. La clarté sera taxée de « radicalité », de « ceinture fléchée », de « caribous » et d'une foule d'autres étiquettes visant à réduire le message, et le messager par le fait même, à une option déraisonnable. Cela fait près de 20 ans que le PQ a institutionnalisé le louvoiement comme stratégie vers l'indépendance, refusant aux Québécois de voter clairement pour prendre leur avenir en main. Près de 20 ans à tergiverser, cela laisse des traces. Il ne faut pas se surprendre que ceux qui ont le courage d'incarner un virage pour réaliser sans biais l'indépendance du Québec soient vus comme « radicaux ». C'est pour amorcer ce virage que Mario Beaulieu a été élu, notamment avec l'aide des jeunes à la tête du Bloc.

Nous en avons soupé de la stratégie, place à la clarté.