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1738 études sur l'indépendance du Québec

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

Je me suis récemment intéressé à la question de la création de l'armée d'un Québec indépendant et, lors de mes recherches pour rédiger la série de trois articles sur ce sujet, j'ai découvert un corpus important d'études sur l'indépendance publiées dans les années 1990 dans le cadre de la Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté.

Malgré mes efforts et ceux de mon frère bibliothécaire, il m'a été impossible de trouver ces études en ligne. J'ai donc été contraint de passer quelques après-midis à la BAnQ pour photocopier ces études (à 15¢ la page).

Outre la richesse du contenu de ces documents, j'ai été marqué par le caractère concret des témoignages rapportés dans le Journal des débats de la Commission.

À l'époque où cette commission a siégé, en 1991 et 1992, ce que l'on nommait alors la souveraineté du Québec était un projet concret auquel des ressources gouvernementales étaient dédiées (par un gouvernement libéral!), et non un hochet électoral se référant à un projet aux contours flous et à l'échéance improbable. À la lecture de ces débats, le contraste avec l'époque ayant suivi le référendum de 1995 est manifeste.

Réalisant que ces documents étaient incontournables pour travailler sur des aspects concrets de l'accession du Québec à l'indépendance, il m'a semblé nécessaire de les rendre accessibles gratuitement en ligne. Mathieu Thomas, bibliothécaire militant que j'ai connu à Option nationale, m'a aidé dans cette tâche de libération de documents.

Fort surpris que ces documents ne soient pas déjà disponibles en ligne, Mathieu a contacté la Bibliothèque de l'Assemblée nationale afin de s'enquérir de la disponibilité des documents et des conditions d'accès. Il s'avéra que ces documents étaient en fait déjà accessibles en ligne, sur le site de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, mais qu'on ne pouvait y accéder qu'après une recherche (plutôt poussée) dans le catalogue. Autrement dit, ils se retrouvaient dans ce qu'on appelle le «Web caché» (aussi connu comme «Web invisible», «Web profond» ou, en anglais, «Deep Web»), cette partie du web qui n'est pas référencée dans les moteurs de recherche traditionnels tels Google.

Pour que ces documents puissent être repérées par une simple recherche Google, une solution était de créer une page web dédiée à ce seul sujet. Chaque document, débat, etc., associé à la Commission y seraient détaillé. Un hyperlien serait intégré à chacune des entrées, permettant un accès direct et facile à l'information enfouie dans le Web caché des collections numériques de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale. Le summum serait d'ajouter un lien vers les résultats de la recherche menant à tous les documents publiés dans le cadre de cette commission: ils seraient ainsi tous indexés!

Ce travail complété, il serait donc plus aisé d'à la fois repérer et télécharger ces documents sur le web.

Mais où publier cette page sur le web? Nous avons choisi de publier cette liste de liens sur Wikipédia, dans un article consacré à cette Commission. Opter pour Wikipédia représentait la solution la plus simple: il s'agit d'un site dont la pérennité est assurée, autant que faire se peut. Aussi, je possède déjà depuis 2003 un compte sur cette encyclopédie en ligne et y ai développé une certaine expertise. Enfin, les articles de Wikipédia figurent bien souvent très haut dans les résultats de recherches Google, favorisant la visibilité et donc la diffusion de notre page.

Pour compléter l'article, Danic Parenteau a contribué à la rédaction de son introduction, clarifiant la différence entre cette commission et la commission Bélanger-Campeau.

Le résultat est maintenant en ligne! L'article sur Wikipédia est intitulé Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté et contient les liens vers toutes les études et les échanges leur correspondant dans le Journal des débats.

À ma grande satisfaction, une recherche sur le web avec les mêmes mots-clés que j'avais utilisés à l'époque ("La défense d'un Québec souverain : ses pièges et ses possibilités") donne dans les premiers résultats un lien vers le texte de l'étude. Quiconque effectuant une recherche sur une étude publiée à la Commission trouvera donc dorénavant aisément le document en question en format PDF.

Grâce au lien vers les résultats de recherche de la Bibliothèque de l'Assemblée nationale, les titres des 1738 études déposées à cette Commission sont maintenant disponibles dans les moteurs de recherche!

Les militants indépendantistes investissent beaucoup de temps et d'énergie pour préparer l'accession du Québec au statut de pays. Dans ce contexte, il nous faut mettre des outils en place afin de permettre la recherche et la collaboration sur les sujets qui devront être étudiés en profondeur. Ceci devra être fait de manière non partisane, afin que toute la connaissance soit accessible et que le peuple québécois ait l'heure juste sur les projets et capacités du Québec-pays.

Cela dit, on aurait pu s'attendre à ce que les divers partis politiques indépendantistes consacrent un minimum d'efforts à des tâches de ce type. N'est-il pas inconcevable que, pendant toutes ces années, ni le Parti québécois, ni le Bloc Québécois n'aient fait le nécessaire pour rendre ces documents plus facilement accessibles en ligne, alors qu'ils avaient les ressources pour le faire?

Les partis politiques indépendantistes doivent s'extraire de ce «stratégisme du pouvoir» qui ne vise qu'à se faire élire, et consacrer davantage d'énergie à la diffusion des idées indépendantistes au sein de la population. Faire sortir des études et documents pertinents du Web caché (et il en reste encore beaucoup!) représente un exemple d'initiative qui aide le peuple à prendre le relais. Espérons que notre modeste contribution pourra inspirer d'autres actions du même type, qu'elles soient le fait d'individus ou de groupes.

L'armée du Québec indépendant: mission et alliances

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

L'accession d'un État à l'indépendance pose plusieurs questions capitales, notamment celle portant sur l'armée du pays qui serait créé. Tout projet sérieux d'accession du Québec à l'indépendance doit donc aborder cette question et fournir des réponses étoffées au peuple québécois. Afin d'inviter les Québécois à débattre de cet important sujet, j'ai esquissé sous forme de questions-réponses un portrait d'une armée possible pour le Québec.

Je me suis inspiré en partie des études déposées à la Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, initiée par le gouvernement de Robert Bourassa en 1991. Plus spécifiquement, l'étude rédigée par Charles-Philippe David La défense d'un Québec souverain : ses pièges et ses possibilités, où l'auteur exposait certains scénarios possibles pour l'armée du Québec. Pour la rédaction de mes réponses, j'ai opté pour une voie hybride entre les différents scénarios identifiés par David.

Mon approche prend par ailleurs comme prémisse que les missions de maintien de la paix de l'ONU ont gagné en complexité au cours des dernières décennies et nécessitent aujourd'hui des ressources différentes que lors de la guerre froide. Afin d'identifier un objectif pérenne pour déterminer la composition des forces armées du Québec, j'ai substitué «mission de maintien de la paix» par «missions contribuant à la paix et à la stabilité mondiale, et approuvées par le peuple du Québec». La mission ultime de la force armée du Québec serait ainsi reliée à la volonté du peuple qui sous-tend cette force armée, et non à une conjoncture particulière de l'histoire.

Afin de ne pas alourdir le texte, les termes employés pour désigner des personnes sont pris au sens générique; ils ont à la fois valeur d'un féminin et d'un masculin. Ainsi, le mot « soldat » désigne autant une femme qu'un homme soldat.

Divisées en trois parties, les réponses aux questions donnent un point de départ pour permettre les discussions sur cet important sujet. Voici la première partie, où j'expose quelles seraient la mission et les alliances de l'armée du Québec. La deuxième partie porte sur la composition de l'armée du Québec et la troisième sur la transition des Forces armées canadiennes à l'armée du Québec.

Pourquoi une armée au Québec ?

Une force armée de l'État du Québec aurait cinq rôles:

  • Appuyer les autorités civiles en cas de crise, par exemple en cas de catastrophe naturelle (ex.: déluge au Saguenay, tempête de verglas de 1998, etc.);
  • Offrir un soutien opérationnel et logistique au gouvernement lors d'un événement important au pays (ex.: Jeux olympiques, conférences importantes de type G8, etc.);
  • Mener des opérations quotidiennes sur le territoire québécois (y compris dans le nord) et sur le continent nord-américain en collaboration avec nos alliés canadiens et américains afin d'assurer la surveillance et la souveraineté du territoire;
  • Mener des opérations extérieures en support à la communauté internationale;
  • Répondre à une attaque violente majeure d'un groupe non-étatique.

L'armée du Québec participerait-elle à des missions à l'extérieur de son territoire ?

Oui. Le succès du Québec sur la scène internationale reposerait en grande partie sur son intégration dans un ensemble mondial, avec le droit international comme base pour régler les conflits politiques ou commerciaux.

Grâce à la primauté de ce droit, le Québec pourrait exporter ses richesses et importer les matières premières essentielles à son développement. Il serait donc dans l'intérêt du Québec de participer au maintien de cet espace mondial et même à son élargissement. C'est pourquoi le Québec devrait considérer avec attention les diverses options de participation à des missions internationales visant le maintien de la stabilité mondiale. Ces missions pourraient prendre plusieurs formes, allant de l'implication diplomatique au soutien humanitaire jusqu'aux opérations de combat. Ces missions seraient, généralement, entreprises avec la participation et l'appui de nos partenaires internationaux les plus importants (Canada, États-Unis, Europe).

De plus, la présence militaire du Québec dans des missions extérieures prouverait le sérieux du Québec sur la scène internationale. Ce serait un moyen de se distinguer des autres pays avec des populations comparables dont l'implication sur la scène mondiale n'est pas significative. Le Québec pourrait ainsi avoir un rôle international comparable à celui de la Nouvelle-Zélande (4 millions d'habitants) ou de la Suède (9 millions), qui contribuent beaucoup plus à la sécurité mondiale que des pays aux populations comparables, comme la Grèce (10,8 millions) ou l'Autriche (8,5 millions).

L'armée du Québec participerait-elle uniquement aux missions de maintien de la paix de l'ONU ?

Non. Les missions de maintien de la paix sont habituellement définies comme les missions militaires approuvées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Si l'armée du Québec participait seulement aux missions de paix, le pays du Québec soumettrait sa volonté au Conseil de sécurité, donnant un droit de veto à chacun des cinq membres permanents du Conseil de sécurité.

Il n'est pas souhaitable qu'un de ces cinq pays, comme la Chine ou la Russie, puissent ultimement décider où et quand pourrait intervenir l'armée du Québec.

C'est pourquoi l'armée du Québec ne participerait pas seulement aux missions de maintien de la paix, mais bien à celles qui seraient identifiées par son gouvernement comme étant dans l'intérêt national du Québec.

L'armée du Québec ferait-elle partie du NORAD ?

Oui, le Québec devrait demander son admission au NORAD.

Le NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord) est un partenariat entre le Canada et les États-Unis qui permet d'assurer la surveillance de l'espace aérien nord-américain. En raison de la situation géographique du Québec, tout laisse croire que le Canada et les États-Unis ne voudront pas d'une brèche dans la défense de leur territoire et préféreront dès lors inclure le Québec.

Cette alliance s'étendrait logiquement à la surveillance maritime. Le Québec assurerait la surveillance d'une partie du golfe du Saint-Laurent ainsi que d'une bonne partie de la voie maritime du Saint-Laurent, voie stratégique donnant accès au cœur du continent américain.

Le Québec devrait chercher à maintenir des liens militaires étroits avec ses deux voisins dans ces domaines. Ceci s'inscrirait dans une logique de participation à la défense du continent nord-américain.

L'armée du Québec ferait-elle partie de l'OTAN ?

Le Québec ne devrait pas intégrer l'OTAN, mais plutôt chercher à obtenir le statut de partenaire.

L'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) est une association de pays dont le but premier est d'assurer la défense des pays membres contre les menaces extérieures. Or, comme le Québec ne fait présentement face à aucune menace militaire conventionnelle, on peut questionner la pertinence qu'il aurait à intégrer l'OTAN, d'autant plus qu'une telle participation amène une série de contraintes, comme la défense mutuelle et automatique. Si la Russie, par exemple, attaquait l'Estonie, le Québec entrerait automatiquement en guerre contre la Russie.

Il existe une série d'autres statuts pour les pays non-membres de l'OTAN mais désirant collaborer à certaines missions. C'est par exemple à titre de partenaire non-membre que l'Australie a participé à la mission de l'OTAN en Afghanistan, ou que la Nouvelle-Zélande a participé à celle en Irak.

De plus, le statut de partenaire permettrait à l'armée du Québec de collaborer avec les forces armées des pays membres, développant notre armée en suivant les normes techniques de l'OTAN (armement, systèmes de télécommunications, chiffrement, etc.). Ceci faciliterait l'intégration de l'armée du Québec à une éventuelle force internationale, en tirant profit du système de logistique et d'approvisionnement de l'OTAN.

L'armée du Québec ferait-elle partie de Five Eyes ?

Il est improbable que le Québec puisse en faire partie, même s'il le souhaitait. Five Eyes désigne l'alliance des services de renseignement de l'Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis (elle a entre autres été popularisée par les révélations d'Edward Snowden). Il s'agit essentiellement d'une entente qui permet l'échange de données de renseignement entre ces pays.

Il est improbable que le Québec soit invité à joindre ce groupe, car sa formation résulte de 60 ans d'opérations communes entre les pays membres, et elle est basée sur des liens de confiance étroits dans les domaines militaires et de renseignement. Chaque participant fait suffisamment confiance aux autres membres pour partager ses secrets les plus importants. Le Québec indépendant ne bénéficiant pas de ce lien de confiance avec les pays du Five Eyes, il aurait à le développer au cours des décennies.

Dans un premier temps, le Québec devrait tenter de créer des ententes bilatérales avec certains pays (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, France) afin de partager des renseignements sur des sujets et opérations spécifiques.

La radicale clarté

Billet originalement publié sur le Huffington Post.

L'étiquette « radicale » est semblable à celle de « terroriste », en ceci qu'elle est toujours utilisée pour désigner l'autre, habituellement l'adversaire, mais n'est jamais utilisée par les personnes ou les groupes pour se désigner eux-mêmes. Cet étiquetage est en fait un outil de propagande redoutable, permettant avec un seul mot de réduire l'adversaire à un extrémiste, tout en positionnant l'émetteur comme un modéré.

C'est le sort qu'a connu Mario Beaulieu après son élection à la tête du Bloc québécois. Michel David avait déjà préparé le terrain deux jours auparavant en le qualifiant d'homme « pur et dur ». Dès lors, la table était mise pour qu'il soit identifié par la suite comme un « radical ». À preuve, cette entrevue de Radio-Canada où les journalistes traitent à cinq reprises Mario Beaulieu de « radical ». Quelle idée les journalistes ont-ils mise de l'avant? Mario Beaulieu est un radical.

Qu'a bien pu faire Mario Beaulieu pour mériter pareil épithète? C'est que l'homme a un message clair sur l'indépendance du Québec. Le Bloc doit servir à promouvoir l'indépendance du Québec, avant, pendant et après les élections.

Mais après plus d'une décennie de « stratégies » du Parti québécois et du Bloc pour séduire l'électorat, la clarté d'un message est maintenant considérée comme étant radicale. Voilà où nous en sommes. Or, proposer clairement un projet à une population ce n'est pas être radical, cela s'appelle simplement faire de la politique.

Cette course à la chefferie du Bloc est une répétition générale pour celle du PQ. La clarté sera taxée de « radicalité », de « ceinture fléchée », de « caribous » et d'une foule d'autres étiquettes visant à réduire le message, et le messager par le fait même, à une option déraisonnable. Cela fait près de 20 ans que le PQ a institutionnalisé le louvoiement comme stratégie vers l'indépendance, refusant aux Québécois de voter clairement pour prendre leur avenir en main. Près de 20 ans à tergiverser, cela laisse des traces. Il ne faut pas se surprendre que ceux qui ont le courage d'incarner un virage pour réaliser sans biais l'indépendance du Québec soient vus comme « radicaux ». C'est pour amorcer ce virage que Mario Beaulieu a été élu, notamment avec l'aide des jeunes à la tête du Bloc.

Nous en avons soupé de la stratégie, place à la clarté.