697 billets et 975 commentaires jusqu'à maintenant

Perraultiser internet

Image du film « Pour la suite du monde »

Pierre Perrault est un documentariste québécois (1927, 1999) qui a donné naissance au cinéma-direct, plus tard rebaptisé cinéma-vérité en France. Le premier film de ce mouvement a été réalisé en 1963, il s'agit du premier film de la trilogie de l'Île-aux-Coudres: Pour la suite du monde.

Pierre Perrault, voulant donner un accès direct à ce qu'étaient vraiment les gens de l'Île-aux-Coudres, mit à profit une récente innovation technique: la synchronisation d'un magnétophone et d'une caméra. Aujourd'hui, cela peut sembler une évidence mais, avant cette époque, l'appareillage pour enregistrer le son était trop encombrant et la synchronisation avec l'image peu fiable. La bande sonore des documentaires était donc créée en parallèle et apposée aux images lors du montage. Tous les films qui n'ont pas été enregistrées en studio, avant 1963, ont une bande sonore artificielle.

Plutôt que d'utiliser une voix radio-canadienne hors champ, qui ne ressemble en rien au langage des canadien-français, Pierre Perrault laisse la parole aux habitants de l'Île-aux-Coudres afin qu'ils se racontent eux-mêmes. Ils s'expriment avec leur joual et leur tournure poétique des mots d'usage courant, mots qui composent leur quotidien. C'est la toute première fois qu'un documentaire présente des hommes tels qu'ils sont dans leur milieu, sans mise en scène ni artifice.

Ce n'est pas en Europe ni aux États-Unis que ceci s'est produit, mais bien chez nous au beau milieu du fleuve St-Laurent, sur une île dont les habitants étaient décrits jusqu'alors comme étant sans histoire parce que trop occupé à survivre.

D'une part, ce nouveau cinéma de Pierre Perrault a vu le jour grâce à la technologie de ce moment mais, d'autre part, Perrault a utilisé cette technologie non pour faire des films à succès, mais pour explorer les racines de son propre peuple, alors confronté au choc de la modernité au début de la Révolution tranquille. À l'inverse d'un cinéma d'isolement, c'est plutôt un cinéma universel qu'il a ainsi créé.

Aujourd'hui, une autre révolution technologique est survenue: internet. Le premier réflexe est d'utiliser cette technologie pour tenter de comprendre le monde dans sa globalité, dans son ensemble. Mais ce n'est probablement pas en visant des marchés internationaux à l'aide de produit culturel de masse, et certainement pas en faisant un culte au mégapixel ou à l'outil suprême de consommation numérique, que nous atteindrons la part de l'universel de l'homme.

C'est plutôt en racontant le particulier et ce que l'on connaît le mieux, nous, que nous parviendrons à toucher l'universel, et peut-être à percevoir des nouveaux aspects de l'homme. Dans cette optique, la technologie sert les mêmes fins que l'art.

Et tout comme Pierre Perrault créa le cinéma-direct à quelques kilomètres au sud de Charlevoix, sur une île isolée, de même nous pouvons nous-mêmes explorer les moyens technologiques, ou que nous soyons. C'est dans l'oeil de l'observateur que se trouve la beauté et cet oeil est superposé d'un cerveau qui se doit de travailler à communiquer ce qu'il voit, peu importe où il se trouve. La technologie doit être utilisée dans ce sens.


L'ONF, qui produisait les films de Pierre Perrault, a mis en ligne sur son fantastique site web les 3 films de la trilogie de l'Île-aux-Coudres en version intégrale:
1. Pour la suite du monde
2. Le règne du jour
3. Les voitures d'eau

Pour ceux qui préfèrent les voir sur leur télévision, vous pouvez aussi commander la trilogie en format DVD. Le coffret contient un livret dont la lecture mérite amplement sont achat. Et la publication d'un billet sur son blogue.

Junior, version intégrale

L'ONF nous fait cadeau sur son site web de la version intégrale de Junior, un « Long métrage documentaire explorant le monde du hockey junior et son implacable compétitivité. Portrait plus vrai que nature d'un parcours exigeant, où des jeunes d'à peine 16 ans jouent déjà leur avenir. »

C'est incroyable ce qu'ils font vivre aux ti-culs de 16 ans.

T'as un choix à faire man, t'as un choix à faire.

Le chandail

Billet de 5$ canadien. Côté avec les enfants qui jouent au hockey.

Sur le 5$ canadien dans vos poches, il y a des enfants qui jouent au hockey sur un des côtés. La personne attentive aura remarqué la citation de Roch Carier qui s'y trouve:

Les hivers de mon enfance
étaient des saisons longues, longues.
Nous vivions en trois lieux:
l'école, l'église et la patinoire; mais
la vraie vie était sur la patinoire.

Profitons de notre merveilleux hiver pour écouter, une autre fois, ce compte d'où est tirée cette citation.

D'ailleurs, le blogue de l'ONF nous indique que c'est Un magnifique film d’animation signé Sheldon Cohen est né de cette histoire, toujours d’actualité par les comportements et les sentiments universels qu’elle évoque.

Je suis bien d'accord, recevoir un chandail des Maple Leafs a de quoi rendre un enfant malheureux, peu importe l'époque ou le lieu.

Le premier film français à l'ONF

L'ONF a été créé en 1939 dans un effort de propagande du gouvernement du Canada. Il ne faut donc pas s'étonner si le premier film français de l'ONF vise le recrutement dans le premier et seul régiment francophone de l'armée canadienne à cette époque, le Royal 22e régiment.

Je vous invite à écouter ce film, Un du 22e, où on y parle de machines et où on voit ces dites machines foncer sur des arbres debouts pour les abattre.

Les 90 ans de l'Armistice à l'ONF

Demain, le 11 novembre 2008, sera le 90ème anniversaire de l'Armistice.

Pour souligner cet anniversaire, appelé jour du Souvenir au Canada, l'ONF propose d'écouter en version intégrale, seulement cette journée-là, le film de Claude Guilmain, Entre les lignes.

Voici une « Capsule documentaire relatant le parcours de deux combattants de la Grande Guerre. Enrôlé volontairement ou mobilisé par la patrie, le soldat est celui qui subit le plus durement la douleur physique et morale de la guerre dans les tranchées. Ce court film nous raconte l'histoire de deux d'entre eux

9 minutes pour commémorer le sacrifice de plus de 100 000 canadiens morts au front au cours des Première et Seconde Guerre mondiale:

Et pour ceux qui se demandent pourquoi porter un coqueliquot pour le 11 novembre, vous avez la réponse dans vos poches, sur le texte que se trouve sur le billet de banque canadien de 10 dollars.

Up the Yangtze

Bruno B et moi avions décidé d'aller au cinéma dimanche soir. Parmi une liste de 6 films soumis par celui-ci, je choisi Up the Yangtze, un documentaire sur le fleuve Yangtsé, nom français pour Yangtze, et le barrage des Trois-Gorges en Chine.

Une fois sur place, quelle ne fut pas notre suprise lorsque Yung Chang, le réalisateur lui-même, s'avance à l'avant de la salle et nous présente le film. Nous étions à la première montréalaise!

Il a une moustache plus convaincante en personne que sur sa photo.

Le documentaire présente une famille de paysans qui squatte le rivage du Yangtsé. Le fleuve est appelée à monter, et pas juste un peu, ils seront chassés de leur cabane lorsque celle-ci sera innondée. Comme ils ne sont pas légalement établis, ils n'auront aucune compensation pour déménager. Pour avoir un peu d'argent, les parents envoient leur fille aînée travailler sur un bâteau de croisière pour touristes, occidentaux pour la plupart, qui navigue sur ce fleuve.

La photographie est superbe, montrant tout le long du Yangtsé, l'explosion urbaine de la Chine ainsi que la pauvreté des paysans qui vivent sur ses rives. On voit aussi jusqu'où montera le fleuve, une quantité d'eau impressionante.

Yung Chang est revenu à la fin du film pour répondre à nos questions. Il avait l'air visiblement heureux d'avoir pu présenter son film dans un multiplexe cinématographique, l'AMC Forum, et nous demandait sincèrement d'en parler le plus possible autour de nous pour lui faire de la publicité, puisque c'est sa propre équipe qui distribue le film.

Un gars qui me demande de l'aide comme ça parce qu'il fait les choses en parallèle du système, ça vient me chercher. Et comme le film est bon, ma description ne lui fait pas honneur, je lui fais le plaisir de lui faire un peu de publicité.

Les dates et les salles de cinéma où il sera diffusé sont sur leur site web. Pour Montréal, c'est à l'AMC Forum du 24 au 29 février et au Quartier Latin le 7 mars.

Bon visionnement!

Madame Tutli-Putli est libérée!

Bravo, il y a 23 387 Canadiens, sans oubliez bien sûr les charmantes Canadiennes, qui ont libéré les images du court métrage Madame Tutli-Putli.

Vous pouvez maintenant écouter le film dans son entièreté sur le site de la CBC. J'aime beaucoup le réalisme des visages des personnages, surtout le macro en face de Madame Tutli-Putli dans le train.

Petite note au passage, le site de la CBC, tout comme celui de l'ONF d'ailleurs, ne pénalise pas les utilisateurs des stations GNU/Linux en lui refusant l'accès au contenu multimédia, contrairement au site web de la SRC. Comme quoi ça ne doit pas être si sorcier à faire, que de rendre ses contenus accessibles à tout le monde, sans discrimination.

Libérez Madame Tutli-Putli!

J'aime beaucoup l'idée. Chaque visite sur le site du court métrage de l'ONF Madame Tutli-Putli libère une des 23 287 images qui composent le film. Si jamais ils ont suffisament de visite d'ici le 22 février, CBC diffusera le film sur ses ondes.

C'est sur cette page qu'il faut aller: http://onf.ca/webextension/oscars/index.php?lg=fr

De l'ONF à la révolution numérique

J'ai découvert Norman McLaren grâce à Claude Jutra et Il était une chaise. Suite à cette rencontre, j'ai écrit un billet sur 3 autres de ses films sur le blogue Hors des lieux communs:
* Les voisins;
* Lignes verticales
* Lignes horizontales.

Ses films sont tellement différents les uns des autres qu'il est difficile, voire impossible, de résumer son oeuvre avec quelques films représentatifs. Je termine donc avec ce billet ma série sur Norman McLaren. Si jamais un lecteur désirait continuer son exploration, je recommande les films suivant:
* Le merle (1958);
* Blinkity Blank (1955);
* Caprices en couleurs (musique par l'Oscar Peterson trio!, 1949).

Étudions le contexte qui a permis à une oeuvre comme celle de Norman McLaren d'être créée. Quelles sont les conditions nécessaires pour l'émergence d'une telle oeuvre? Qu'en est-il aujourd'hui de ces conditions? Ce sont ces 2 questions que j'explore ici.

Le contexte de création de Norman McLaren

Pour qu'il soit possible d'obtenir une oeuvre comme celle de McLaren, il faut tout d'abord un artisan de talent, sinon de génie. Dans ce cas-ci, il s'agit bien sûr de lui-même: Norman McLaren.

Dans un deuxième temps, il faut des conditions idéales pour créer. Arrivé à l'ONF en 1941, Norman McLaren a eu accès à ces conditions après la guerre, en 1945 (cf: cinema-quebecois.net). L'effort de guerre de l'ONF étant terminé, il se consacra alors à des projets personnels, le plus souvent dénués d'objectifs utilitaires. Il expérimenta à sa guise avec les outils de création qui étaient à sa disposition à l'ONF: caméra, pellicule, projecteurs, etc. Il n'était pas obligé de faire un film de 40 minutes pour la télévision avec des temps morts pour la publicité. Il pouvait créer des courts métrages de la durée qu'il jugeait la meilleur.

Il manque un dernier ingrédient, les collaborateurs. Ceux-ci provenait d'abord de l'ONF qui recrutait des créateurs et des techniciens talentueux. Puis, la réputation de Norman McLaren grandissant, ce sont les artisans qui l'ont contacté pour collaborer avec lui. C'est ce qui s'est produit lorsque Claude Jutra le contacta en 1959 pour la coréaliser Il était une chaise.

Le contexte de création à l'ère numérique

Quelles conditions constituant le contexte de création de Norman McLaren sont-elles aujourd'hui comblées grâce à la révolution numérique?

Le premier point abordé dans le cas de Norman McLaren était le talent. Ère numérique ou pas, il y a tout à penser que de par le vaste monde, il y a une foule de gens talentueux, des gens qui pourraient créer des oeuvres ayant un certain impact sur la société. Ce n'est certainement pas une ressource qui est disparue de la surface de la Terre, il y en a encore et il y en aura toujours. C'est en fait une condition indépendante du contexte matériel.

Le talent est une chose, avoir les moyens de créer en est une autre. Norman McLaren avait le contrôle sur les instruments de création. Il a d'ailleurs énormément expérimenté avec les limites des appareils. Aujourd'hui les appareils de production sont pour la plupart électroniques: caméra, appareil photo, microphone. En fonction du projet à effectuer, le créateur devra avoir accès à un plus ou moins grand nombre d'appareils numériques. Or, nous notons que, à performance égale, le coût des appareils numériques diminue constamment. Il est ainsi plus facile pour un les créateurs d'avoir accès aux appareils qui lui sont nécessaire, ceux-ci étant beaucoup plus communs qu'avant. Souvent, il les possède lui-même ou peut y avoir accès au près d'un ami.

Il faut aussi ajouter l'informatique: ordinateurs et logiciels. L'ordinateur, l'élément physique, entre dans la même logique de coût que les équipements électroniques. Quant aux logiciels, les 4 libertés nécessaires pour être qualifié de logiciel libre garantissent le contrôle du logiciel par l'usager. Il lui sera donc possible de faire ses expérimentations comme bon lui semble et non tel quel le vendeur aura bien voulu lui permettre. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'énoncé de ces 4 libertés permet ces expérimentations: elles ont été rédigées explicitement à cette fin.

Les personnes, talentueuses ou non, ayant accès aux dispositifs nécessaires peuvent créer avec peu de contraintes de format. Elles ont bien sûr celles imposées par la limite de l'espace de stockage ainsi que celles imposées par le temps. Ceci dit, Norman McLaren avec des contraintes semblables. Donc, à moins d'avoir obtenu un financement extérieur ou d'effectuer un contrat, un individu pourra occuper sont temps libre à créer. La différence qu'il peut y avoir avec Norman McLaren, c'est que celui-ci travaillait à temps plein sur ses projets de film. Une personne occupant un emploi non relié à la création de film, la grande majorité des gens, aura probablement moins de temps à consacrer à cette création.

Il reste à aborder le dossier des collaborations. Bien sûr, les personnes faisant partie du cercle intime de nos créateurs sont susceptibles de devenir des collaborateurs. Ils connaissent le créateur, peuvent être sensibles au sujet et accepter de lui donner un coup de main. Mais, aujourd'hui, il est aussi possible d'ajouter internet comme source pour le recrutement. Que ce soit en se joignant à un groupe de créateurs, comme canal d'échange avec des individus ou encore pour avoir une vitrine présentant ses projets, internet permet souvent de trouver des collaborateurs. Ces collaborateurs auront certes une attitude et une disponibilité différentes de ceux qui sont directement payés pour aider le créateur, mais à partir du moment où quelqu'un se joint au projet, il n'est pas moins compétent ou moins motivé, au contraire.

Ce que l'on constate, c'est que la révolution numérique a fondamentalement changé les moyens nécessaires pour obtenir un contexte favorable à la création de films, particulièrement les courts métrages. Par exemple, il y a 20 ans, il aurait été impensable que j'aie pu, dans mes temps libres, créer un film avec les 1696 coups de foudre observés le 1 août 2006 à Montréal. Cette révolution permet aussi, en plus d'une diffusion sans précédent, une collaboration entre plusieurs individus ne s'étant jamais rencontrés et vivant dans des pays différents. Le court métrage Elephants Dream a été conçu de cette manière (regardez le making of du film). En plus, les créateurs de ce film ont profité du projet pour avancer le développement du logiciel à la base de leurs images: blender.

Il y a en ce moment une certaine résistance à cette transition de modèle de création. La résistance provient des milieux traditionnels de diffusion, notamment les chaînes de télévision qui sont habituées à un canevas très précis pour leurs émissions. Mais, il ne faut pas s'en faire, l'énergie créatrice humaine est trop forte pour pouvoir être longtemps contrainte par des intérêts commerciaux.

L'homme se définit et se construit par la culture, il ne saurait être question qu'une partie en soit détournée pour se mouler dans un cadre rigide. Nous pouvons dès aujourd'hui créer hors de l'ancien carcan. L'ère numérique est aux gens ordinaires ce que l'ONF a été pour Norman McLaren.

Embrassons cette réalité et explorons l'infini grandeur de la créativité!

Lignes horizontales — Lines horizontal

Vous avez aimé Lignes verticales?

En 1962, deux ans après la création de Lignes verticales, Norman McLaren se demande quel effet aurait ce film si, au lieu de lignes verticales, il utilisait des lignes horizontales. Il effectue une rotation de 90° des images, change les couleurs, utilise une autre musique et crée Lignes horizontales! Cette fois, la musique est de Pete Seeger.

Je vous avais demandé de prendre note de vos émotions lors de l'écoute de Lignes verticales. Je vous invite à les comparer avec celles que vous aurez en écoutant Lignes horizontales.

« Page précédentePage suivante »