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La neutralité de réseaux: un faux débat

La neutralité de réseaux est à la mode depuis quelques mois, voire quelques années. Et pour cause. La question est maintenant arrivée au Canada et, bien qu'elle soit, comme la plupart des questions légales reliées à la technologie, surtout discuté dans les milieux spécialisés, ce débat touche toute la population qui a accès à internet.

Papier pH

Dernièrement, cette discussion est entrée par la grande porte au Canada, notamment parce que les grands fournisseurs d'accès internet (FAI) du pays, notamment Bell et Rogers, ont commencé à étrangler les données transitant par leurs infrastructures (voir la note de traduction dans le billet Bell Sympatico contrôle votre vitesse pour la définition d'étranglement).

Les pressions se font grandes pour que le parlement canadien légifère sur la neutralité des réseaux, c'est-à-dire pour qu'il force les FAI à accorder la même priorité aux paquets, peu importe leur origine, leur destination ou encore le protocole utilisé.

Or, la neutralité des réseaux est un faux débat. Voici pourquoi.

Le contexte

La bande passante est limitée. Certes elle peut être augmentée avec des investissements dans les infrastructures, physiques et logicielles, mais il ne saurait être question de la multiplier par 10 d'une manière simple. À tout moment, la bande passante disponible est finie.

Pilone

Il y a quelques années, la bande passante était sous-utilisée. La somme des octets transitant sur internet était, sauf pour certains sites particulier lors d'événement précis (le site du Directeur général des élections la journée des élections par exemple), inférieure à ce que le réseau pouvait digérer sans problème. Puisqu'il y avait de l'espace disponible, des technologies et des habitudes utilisant cet espace ce sont développées. Pensons à la lecture vidéo en transit (YouTube!, Vimeo) ou encore à l'échange de fichiers immenses, comme les vidéos encore une fois, utilisant les protocoles comme BitTorrent.

Donc, peu importe la bande passante disponible, l'utilisation qui est faite par les gens et les logiciels s'adaptera pour profiter à plein de cette bande passante.

Pour éviter la congestion du réseau il faudrait donc que les FAI soient toujours en avance sur la demande et qu'ils investissent constamment pour augmenter la bande passante. Bien que théoriquement possible, on ne peut forcer les compagnies de télécommunication dans cette logique expansionniste infinie. Il est donc normal, à moyen terme, que le réseau devienne congestionné.

Les opposants classiques

La question est dès lors, comment doit-on gérer cette congestion? Les tenants de la neutralité optent pour, comme sont nom l'indique, que tous les paquets soient traités sur le même pied d'égalité. Les FAI, quant à eux, font la sourde oreille et préfère être eux-mêmes les gestionnaires de ce qui peut passer rapidement et de ce qui est ralentit sur le réseau.

Dans le premier cas, c'est la congestion assurée. Si tout le monde doit aller à la même vitesse et que la capacité de la bande passante est saturée, tout le monde ira lentement. Les services nécessitant une certaine qualité de bande passante ne pourront alors plus exister. Ce n'est pas une solution viable.

Congestion

Dans le deuxième cas, les FAI pourront favoriser qui bon leur semble. Comme ceux-ci sont, surtout dans le cas canadien, également des fournisseurs de services et de contenus transitant sur internet, il y a tout à penser qu'ils se favoriseront eux-mêmes. Les services n'appartenant pas au FAI ou encore les compagnies n'ayant pas une entente avec eux auront un net désavantage compétitif. Les FAI qui possèdent les infrastructures matérielles sur lesquelles transitent les octets d'internet, forment un oligopole qui aura dès lors toute la marge de manoeuvre pour fixer des prix prohibitifs. L'internet canadien subira alors le même manque de compétition qu'il existe présentement dans le domaine des téléphones portables. Avec les mêmes conséquences.

La solution

Mais alors, quoi faire? De façon générale, les lois doivent s'appuyer sur des principes et non sur des technologies. Il existe déjà une loi qui empêche de profiter de ce genre d'avantage: la loi canadienne sur la concurrence.

Il faudrait donc faire en sorte que cette loi puisse s'appliquer au FAI sur internet. Comment? C'est tout simple. Forcer les FAI à divulguer les règles qu'ils suivent pour faire de l'étranglement.

De cette façon, la loi canadienne sur la concurrence pourra alors s'appliquer. Cette loi ne peut être appliquée en ce moment puisque tout se fait derrière des portes clauses. Les FAI ne pourront plus de cette façon se favoriser eux-mêmes aux détriments des autres. Il sera aussi possible de choisir son FAI en fonction de sa politique d'étranglement. Certains besoins pourront alors se cantonner sur certaines architectures (un FAI pourrait se spécialiser sur la disponibilité 24/7 alors qu'un autre pourrait offrir un service garantit lors des périodes de pointe plus ponctuelles).

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Les fournisseurs d'accès et le contrôle d'internet, une analogie

Nicolas Sarkozy l'a récemment suggéré pour la France. La Suède est en train d'étudier cette possibilité. Chez nous, Solange Drouin de l'ADISQ a demandé au CRTC de l'appliquer. Il s'agit de la suggestion de faire des fournisseurs d'accès internet (FAI) les responsables légaux de ce que circulent sur le réseau, notamment en ce qui concerne les oeuvres protégées par le droit d'auteur. Autrement dit, de faire des FAI les gendarmes d'internet.

C'est une très mauvaise idée. Voici pourquoi.

Le protocole à la base du réseau internet a été conçu de manière que, lorsqu'une communication est établie entre 2 ordinateurs, les noeuds par lesquels l'information transige n'effectuent aucun contrôle sur le contenu: ils ne font que transmettre aveuglément. C'est un des principes les plus importants d'internet: l'intelligence se situe aux bouts du réseau, pas à l'intérieur de celui-ci. Toutes les innovations qui sont apparues grâce à internet au cours des dernières années (pensez à google, wikipédia, YouTube!, ptaff.ca) l'ont été parce que les gens avaient le plein contrôle sur leur bout. Le protocole pour communiquer tous ces 0 et ces 1 lui, n'a pas changé d'un iota. Et, pour ce que l'on peut voir de l'avenir, ce n'est pas prêt de changer.

Visualisation des multiples chemins à travers une portion de l’Internet.

C'est ce principe-là que les politiciens et les gens de l'industrie de la propriété intellectuelle attaquent en voulant faire des FAI des contrôleurs de contenu. Les FAI ont été identifiés parce qu'ils sont la porte d'entrée sur internet. Ils possèdent des noeuds qui sont pratiquement incontournables pour le citoyen moyen qui veut accéder à internet. Ils ont donc été ciblés pour contrôler ce qui s'y passe.

Or, si les FAI doivent contrôler tout ce qui circule sur internet, cela pose d'énormes difficultés. C'est n'est pas pour rien que Solange Drouin de l'ADISQ a cité la Chine en exemple pour le contrôle d'internet. C'est que, pour exercer un contrôle qui est contre la nature du réseau, il faut avoir une approche, et les moyens, d'un système totalitaire.

L'analogie

Étudions l'ampleur de la tâche et les complications qu'entraînerait une telle décision au Canada. Pour ce faire, j'utiliserai l'analogie suivante:

  • les ordinateurs sont représentés par nos maisons;
  • internet est représenté par les routes;
  • les paquets de 0 et de 1 sont transportés les voitures;
  • posons que tous les ponts du Canada sont gérés par des compagnies privées (les FAI).

En dernier lieu, posons que l'alcool de contrebande pose un problème de société grave. Celle-ci est rendue monnaie courante, le gouvernement voit le revenu des taxes sur l'alcool fondre, les grands brasseurs du monde entier prétendent que la production d'alcool est menacée de disparaître si leur modèle de revenu n'est pas protégé (on aura reconnu les oeuvres protégées par le droit d'auteur). Pour combattre ce fléau, le gouvernement décrète que les compagnies privés qui sont en charge des ponts sont responsables si les véhicules qui circulent sur leurs infrastructures transportent de l'alcool de contrebande.

Bar dans une résidence de Villeray

Examinons les défis auxquels feront faces les compagnies privées qui gèrent les ponts.

Défi structurel

Bien qu'une certaine réglementation existe pour les véhicules qui circulent sur les ponts (limite de poids, type de véhicule, conducteur en état d'ébriété, etc.), cette réglementation est la même sur tout le réseau routier et le contrôle est effectué par les autorités responsables (police, ministères des transports, etc.).

Photo d’un poste de péage sur l’autoroute de l’État de Virginie

Avec cette nouvelle loi, les compagnies privées doivent contrôler tous les véhicules. Bien que certains ponts, pas tous, soient munis de guérites pour le péage, la plupart des gens y circulent sans s'arrêter (des cartes magnétiques permettent aux véhicules d'être identifiés, les propriétaires paient un montant mensuel ou reçoivent une facture à la fin du mois). Dorénavant, tous les véhicules devront être contrôlés. La circulation sur les ponts étant déjà problématique à cause des embouteillages, elle le sera encore plus puisque chaque véhicule devra s'arrêter à une guérite. Il faudra donc que les compagnies développent, testent et déploient ces systèmes. Comme il y a des centaines de compagnies différentes en charge des ponts, il y aura fort probablement des centaines de systèmes de guérites différents qui vont être mises en place. De plus les guérites devront aussi répondre aux critères de sécurité du gouvernement, ce qui fait que chaque modification du système devra être approuvée par des fonctionnaires, à moins que le gouvernement n'assouplisse la réglementation pour permettre d'effectuer plus rapidement des changements au système de guérite mais, ce faisant, ils diminuent la sécurité qu'ils sont supposés assurer.

Il y a, bien sûr, des véhicules qui pourront passer sans s'arrêter aux guérites. On pense aux ambulances, aux voitures des policiers, les camions de pompiers, les véhicules diplomatiques, militaires, etc. La compagnie en charge du pont pourrait même louer ou vendre des véhicules « autorisés », véhicules qui seraient dépouillés de toute installation permettant de transporter de l'alcool de contrebande ou, encore mieux, offrir un service d'autobus qui ne s'arrête pas aux guérites. Je reviendra sur ce système de transport plus loin.

Défi juridique

Nos compagnies n'ont aucune expérience ni en contrôle ni en fouille de véhicules. Elles doivent maintenant recruter du personnel et faire en sorte que ceux-ci empêchent tout véhicule de transporter de l'alcool de contrebande sur leurs ponts. Nommons-les les gendarmes. Ces gendarmes ne sont pas des policiers, ils n'ont ni la formation ni le code déontologique de ceux-ci mais, sur le pont, ils auront maintenant les mêmes pouvoir qu'eux. Quelles sont les règles qu'ils utiliseront? Quels recours auront les citoyens contre ces gendarmes? Comment faire pour conjuguer la vie privée et les fouilles systématiques?

Encore une fois, puisqu'il y a des centaines de compagnies privées, il y aura aussi plusieurs façons de faire respecter la nouvelle réglementation. Y aura-t-il moyen de connaître exactement les moyens et politiques mis en place par les compagnies pour faire respecter cette loi? Les textes de loi du gouvernement sont publics et nous pouvons toujours utiliser la loi d'accès à l'information. Cette protection n'existe pas dans le cas des compagnies privées.

Les contenants

L'alcool de contrebande est, parfois, aisément identifiable à l'étiquette. Mais, il est possible de transférer le liquide dans un autre contenant. Les brasseurs ont promis de mettre au point un contenant scellé, inviolable, qui permettra aux gendarmes sur les ponts de l'identifier immédiatement. Nomme-le un contenant certifié.

Bouteille de Klein

Qu'adviendra-t-il des liquides dans les autres contenants? Seront-ils systématiquement saisis? Si oui, n'avantage-t-on pas ainsi les brasseurs commerciaux produisant les quelques contenants certifiés par rapport aux petits brasseurs et aux brasseurs artisanaux qui n'ont pas ces moyens? Si non, devra-t-on tester les liquides dans les contenants non certifiés avant de les laisser passer? Dans ce cas, quels seront les tests? qui sera en charge de l'analyse et comment pourra-t-on vérifier ou contester les résultats? Le conducteur ayant en main un contenant non certifié ne sera-t-il pas indûment ralenti dans ses déplacements?

De plus, si les contenants certifiés sont destinés à être ouvert pour en boire le contenu, comment peut-on s'assurer qu'un bricoleur n'inventera pas dans son sous-sol un bouchon permettant de mettre un autre liquide et de le reboucher? Ou encore d'imiter l'apparence du contenant certifié?

Le cas de la Chine

Voyons maintenant, tout en continuant notre analogie, pourquoi la Chine est en mesure d'effectuer ce contrôle.

Premièrement, le gouvernement chinois possède tous les ponts. Il n'y a donc qu'un seul type d'infrastructure à mettre en place.

Deuxièmement, le style de vie des Chinois est beaucoup moins axé sur les transports sur les routes que peut l'être celui des Canadiens. Cette réglementation touche donc, proportionnellement, moins de gens (quoique ce nombre soit sans cesse croissant).

Troisièmement, la Chine possédant tous les ponts, c'est sa propre réglementation qu'elle met en vigueur. Les Chinois possèdent donc les mêmes leviers contres les gendarmes des ponts que pour ceux des autres secteurs du gouvernement chinois, c'est-à-dire pas grand chose.

Donc, la réglementation peut être appliquée en Chine à cause du monopole étatique qu'il possède. Puisque les pays où ce contrôle est proposé (Canada, France, Suède) n'ont pas de monopole sur les ponts (les FAI) et qu'il est plus qu'improbable qu'il l'impose, la Chine n'est pas un exemple valable pour nos pays.

Notons que je n'ai pas eu à invoquer la liberté d'expression ou encore les droits de l'homme pour démontrer que la méthode chinoise ne peut s'appliquer ici. Je ne veux pas diminuer l'importance ou la valeur de ces arguments, seulement que je n'ai pas eu à les utiliser.

Anticipation

Tout en poursuivant la même analogie, supposons que, malgré tous les problèmes évoqués plus haut, le gouvernement décide tout de même d'aller de l'avant. Que se produira-t-il?

Dans un premier temps, ça ne fera pas l'affaire des compagnies privées responsables des ponts. Ce sont des experts en génie civil, pas en contrôle de véhicules. Mais, puisqu'ils y sont contraints, ils en profiteront pour faire des affaires, loi du marché oblige.

Les gens étant habitués à circuler librement et, surtout, rapidement, ils chercheront des moyens pour revenir à cette situation. Les compagnies possédant les ponts, sensibles à cette demande et aux opportunités commerciales, vont s'organiser en consortium pour proposer un système de transport efficace et rapide évitant les moyens de contrôle (pour l'autre côté de l'analogie, on parle ici de neutralité de réseaux). Ils auront ainsi un monopole, inévitable, sur les moyens de transport efficaces et auront ainsi tous les avantages que cette position implique dans un marché.

Il y aura aussi, bien sûr, un partenariat avec les grands brasseurs, les transporteurs vantant les mérites de ces produits, affichant de la publicité dans les autobus de la compagnie de transport, installant des magasins vendant ces produits aux terminus et aux gares routières.

Le summum de ce marché surviendrait si une même compagnie était un grand brasseur et possédait des ponts. Le potentiel commercial serait dès lors très, très intéressant.

Mais n'est-ce pas déjà le cas?

Bell Sympatico contrôle votre vitesse

Quelque part au beau milieu de son forum anglophone de support technique , nous apprenons que Bell Sympatico utilise maintenant un « gestionnaire de trafic internet pour restreindre les comptes qui utilisent une large portion de la bande passante durant les heures de pointe ». Les comptes utilisant une large portion de bande passante appartiennent essentiellement aux gens utilisant les applications dites poste à poste (P2P): bittorrent, amule, etc.

Premier constat: En procédant de la sorte, Bell Sympatico ne respecte pas la neutralité des réseaux, c'est-à-dire qu'une discrimination entre les applications utilisant internet est appliquée.

Note de traduction

En anglais, le terme utilisé pour le type de contrôle que Bell Sympatico effectue est « throttling », mot provenant de « throttle » qui signifie « valve ». Le grand dictionnaire terminologique propose, pour à peu près tous les champs lexicaux, le mot étranglement comme traduction de throttling.

Le mot « étranglement » dans le champ lexical génie mécanique a comme définition: « Diminution de débit grâce à un organe d'étranglement mis en place dans la conduite ». Si l'on considère que l'organe d'étranglement est un logiciel et que la conduite est la bande passante, la définition convient parfaitement à la pratique de Bell Sympatico.

Deuxième constat: Bell Sympatico, tout comme les FAI américains utilisant l'étranglement, a commencé la strangulation en catimini. Aucune annonce chez Bell Sympatico: il faut lire le quatrième article, en anglais, sur un forum de support technique fait par un Administrator. Les détails sur la façon dont se fait cet étranglement sont bien sûr inconnus des usagers. Toutes les spéculations sont dès lors permises.

Par exemple, Bell, tout comme Vidéotron, offre des services qui passent sur internet. Dès lors, qu'est-ce qui l'empêchera de prioriser son propre contenu? Même s'il ne le fait pas, Bell sera tout de même accusé d'exercer cette pratique. Mais comment faire la différence? En faisant confiance à Bell?

Cet étranglement de la part de Bell Sympatico soulève aussi d'autres questions. Qu'arrive-t-il aux autres FAI utilisant la technologie ADSL et passant par le réseau de Bell? Leurs clients subissent-ils eux aussi cet étranglement par cascade? Bien que m'affirmant que mon service n'est pas touché, mon FAI (AEI Internet) est-il un client de Bell plus respecté qu'un simple individu? Et à supposer que mon FAI n'utilise pas d'étranglement, serai-je averti s'il commence à utiliser cette technique?

Certes, ce n'est pas par plaisir que Bell Sympatico impose cet étranglement. En fait, Bell Sympatico commence à manquer de bande passante aux périodes de pointe, problème qui peut être amenuisé en jugulant les applications les plus carnivores, soient les applications poste à poste. Une autre solution serait d'augmenter la bande passante de leur infrastructure. La rumeur est que, Bell Canada ayant changé de propriétaire dernièrement, ce soit pour l'instant le statuo quo jusqu'à ce que la nouvelle direction décide où seront fait les investissements et coupures. L'étranglement est une solution logicielle ne nécessitant pas, ou très peu, d'investissement, c'est celle-ci qui aurait été adoptée.

Comment peuvent s'opposer les clients de Bell Sympatico? Je vois 4 moyens.

1 - Recours légaux. Bell Sympatico, comme tous les autres FAI, est lié par un contrat ou une entente d'utilisation qui peut, peut-être, offrir une protection contre l'étranglement. Je doute par contre que quiconque soit intéressé par une bataille juridique contre un horde d'avocats avec un financement quasi-infini.

2 - Nouvelle législation. Crise annoncée depuis 1999 par Lawrence Lessig dans son livre Code and Other Laws of Cyberspace, l'étranglement effectué par les FAI était prévisible. La littérature concernant le pour et le contre d'une intervention des gouvernements dans la neutralité d'internet est abondante. Puisque ce débat a lieu depuis un bon bout de temps chez nos voisins du sud et qu'aucune nouvelle loi n'a été promulguée, il y a fort à penser qu'un gouvernement Conservateur au Canada ne fera rien non plus, du moins à court ou moyen terme.

3 - Fuite des clients. Si les clients de Bell Sympatico optent pour un autre FAI, une fois leur contrat arrivé à échéance, peut-être cela aura-t-il un effet sur l'étranglement effectué par Bell. Encore faudrait-il que les clients qui quittent soient nombreux, que leur motif de départ soit clair et qu'ils soient certains de trouver mieux ailleurs. Des alternatives existent, notamment tous les joueurs mineurs tel que mon propre fournisseur. Cependant, si le réseau de Bell Sympatico ne peut supporter tout le trafic aux heures de pointe, il ne pourra pas plus le supporter si les clients font affaires avec des FAI étant eux-mêmes sur ce réseau. Il ne reste donc qu'à utiliser une autre technologie disponible, alternative pour l'instant réduite au câble, c'est-à-dire Vidéotron. Or, Vidéotron n'offre plus de forfait illimité et fait payer pour la bande passante utilisée supérieure à la limite fixée. Bien qu'ayant le mérite d'avoir une politique claire, ce service n'est pas équivalent à un forfait illimité chez Bell Sympatico.

4 - Combat technologique. Puisque l'étranglement est basé sur l'identification des applications poste à poste, il suffirait à ces dernières, tel qu'expliqué par Wayne sur la ptafflist, de se déguiser en d'autres applications. Cette solution, à mon avis, est simple et, une fois implémentée dans un ou des logiciels, se propagera rapidement sur les ordinateurs des utilisateurs. Oui mais, puisque l'étranglement prévient la congestion, toute cette mascarade ne risque-t-elle pas de ralentir tout le trafic de Bell Sympatico? Oui, et à ce moment-là, la seule option de Bell Sympatico sera d'augmenter la capacité de son réseau.

Parrions que, tout au long de cette épopée appréhendée, le contenu produit, vendu et diffusé par Bell Canada aura le champ libre et respirera librement sur son propre réseau. La charité bien ordonnée ne commence-t-elle pas par soi-même?

Rogers ralentit systématiquement les données encryptées

Rogers, important fournisseur d'accès internet du Canada avec plus d'un millions d'abonnés, a pris la décision de ralentir toutes les données encryptées transitant sur son réseau.

La motivation de cette décision? Faire en sorte que les protocoles poste à poste se cachant derrière l'encryption soient ralenties afin de ne pas occuper leur bande passante. Il va aussi sans dire que le protocole bitTorrent est lui aussi ralentit.

Quelles sont donc les données qui sont encryptées? Tout ce qui transite, entre autres, via le web sécurisé (https). Autrement dit, à chaque fois qu'un client de Rogers voit le petit cadenas se refermer dans le coin de leur navigateur, ça indique qu'ils sont ralentis.

Le réseau internet canadien n'est donc déjà plus neutre.

Source: Rogers Must Come Clean on Traffic Shaping