Nouvelles de la planète lisse
Steve Proulx dans un billet sur le site du Voir où il est question de l'essai Flat Earth News:
L’essence du journalisme moderne serait désormais la « mise en forme rapide de contenus de seconde main, conçus pour servir les intérêts politiques et commerciaux de ceux qui le fournissent. »
Paradoxalement, ou plutôt juste à propos, il ne fait que citer ce qu'il a lu sur un autre billet dans la blogosphère. Sans ajout d'information ou réflexion. Le titre du billet est Lu et vu cette semaine, peut-être que ceci explique cela.
Ce traitement de l'information, où les journalistes ne servent essentiellement que de courroie de transmission, me rappelle un billet écrit l'an dernier: La caisse de résonance médiatique.
Les fournisseurs d'accès et le contrôle d'internet, une analogie
Nicolas Sarkozy l'a récemment suggéré pour la France. La Suède est en train d'étudier cette possibilité. Chez nous, Solange Drouin de l'ADISQ a demandé au CRTC de l'appliquer. Il s'agit de la suggestion de faire des fournisseurs d'accès internet (FAI) les responsables légaux de ce que circulent sur le réseau, notamment en ce qui concerne les oeuvres protégées par le droit d'auteur. Autrement dit, de faire des FAI les gendarmes d'internet.
C'est une très mauvaise idée. Voici pourquoi.
Le protocole à la base du réseau internet a été conçu de manière que, lorsqu'une communication est établie entre 2 ordinateurs, les noeuds par lesquels l'information transige n'effectuent aucun contrôle sur le contenu: ils ne font que transmettre aveuglément. C'est un des principes les plus importants d'internet: l'intelligence se situe aux bouts du réseau, pas à l'intérieur de celui-ci. Toutes les innovations qui sont apparues grâce à internet au cours des dernières années (pensez à google, wikipédia, YouTube!, ptaff.ca) l'ont été parce que les gens avaient le plein contrôle sur leur bout. Le protocole pour communiquer tous ces 0 et ces 1 lui, n'a pas changé d'un iota. Et, pour ce que l'on peut voir de l'avenir, ce n'est pas prêt de changer.
C'est ce principe-là que les politiciens et les gens de l'industrie de la propriété intellectuelle attaquent en voulant faire des FAI des contrôleurs de contenu. Les FAI ont été identifiés parce qu'ils sont la porte d'entrée sur internet. Ils possèdent des noeuds qui sont pratiquement incontournables pour le citoyen moyen qui veut accéder à internet. Ils ont donc été ciblés pour contrôler ce qui s'y passe.
Or, si les FAI doivent contrôler tout ce qui circule sur internet, cela pose d'énormes difficultés. C'est n'est pas pour rien que Solange Drouin de l'ADISQ a cité la Chine en exemple pour le contrôle d'internet. C'est que, pour exercer un contrôle qui est contre la nature du réseau, il faut avoir une approche, et les moyens, d'un système totalitaire.
L'analogie
Étudions l'ampleur de la tâche et les complications qu'entraînerait une telle décision au Canada. Pour ce faire, j'utiliserai l'analogie suivante:
- les ordinateurs sont représentés par nos maisons;
- internet est représenté par les routes;
- les paquets de 0 et de 1 sont transportés les voitures;
- posons que tous les ponts du Canada sont gérés par des compagnies privées (les FAI).
En dernier lieu, posons que l'alcool de contrebande pose un problème de société grave. Celle-ci est rendue monnaie courante, le gouvernement voit le revenu des taxes sur l'alcool fondre, les grands brasseurs du monde entier prétendent que la production d'alcool est menacée de disparaître si leur modèle de revenu n'est pas protégé (on aura reconnu les oeuvres protégées par le droit d'auteur). Pour combattre ce fléau, le gouvernement décrète que les compagnies privés qui sont en charge des ponts sont responsables si les véhicules qui circulent sur leurs infrastructures transportent de l'alcool de contrebande.

Examinons les défis auxquels feront faces les compagnies privées qui gèrent les ponts.
Défi structurel
Bien qu'une certaine réglementation existe pour les véhicules qui circulent sur les ponts (limite de poids, type de véhicule, conducteur en état d'ébriété, etc.), cette réglementation est la même sur tout le réseau routier et le contrôle est effectué par les autorités responsables (police, ministères des transports, etc.).

Avec cette nouvelle loi, les compagnies privées doivent contrôler tous les véhicules. Bien que certains ponts, pas tous, soient munis de guérites pour le péage, la plupart des gens y circulent sans s'arrêter (des cartes magnétiques permettent aux véhicules d'être identifiés, les propriétaires paient un montant mensuel ou reçoivent une facture à la fin du mois). Dorénavant, tous les véhicules devront être contrôlés. La circulation sur les ponts étant déjà problématique à cause des embouteillages, elle le sera encore plus puisque chaque véhicule devra s'arrêter à une guérite. Il faudra donc que les compagnies développent, testent et déploient ces systèmes. Comme il y a des centaines de compagnies différentes en charge des ponts, il y aura fort probablement des centaines de systèmes de guérites différents qui vont être mises en place. De plus les guérites devront aussi répondre aux critères de sécurité du gouvernement, ce qui fait que chaque modification du système devra être approuvée par des fonctionnaires, à moins que le gouvernement n'assouplisse la réglementation pour permettre d'effectuer plus rapidement des changements au système de guérite mais, ce faisant, ils diminuent la sécurité qu'ils sont supposés assurer.
Il y a, bien sûr, des véhicules qui pourront passer sans s'arrêter aux guérites. On pense aux ambulances, aux voitures des policiers, les camions de pompiers, les véhicules diplomatiques, militaires, etc. La compagnie en charge du pont pourrait même louer ou vendre des véhicules « autorisés », véhicules qui seraient dépouillés de toute installation permettant de transporter de l'alcool de contrebande ou, encore mieux, offrir un service d'autobus qui ne s'arrête pas aux guérites. Je reviendra sur ce système de transport plus loin.
Défi juridique
Nos compagnies n'ont aucune expérience ni en contrôle ni en fouille de véhicules. Elles doivent maintenant recruter du personnel et faire en sorte que ceux-ci empêchent tout véhicule de transporter de l'alcool de contrebande sur leurs ponts. Nommons-les les gendarmes. Ces gendarmes ne sont pas des policiers, ils n'ont ni la formation ni le code déontologique de ceux-ci mais, sur le pont, ils auront maintenant les mêmes pouvoir qu'eux. Quelles sont les règles qu'ils utiliseront? Quels recours auront les citoyens contre ces gendarmes? Comment faire pour conjuguer la vie privée et les fouilles systématiques?
Encore une fois, puisqu'il y a des centaines de compagnies privées, il y aura aussi plusieurs façons de faire respecter la nouvelle réglementation. Y aura-t-il moyen de connaître exactement les moyens et politiques mis en place par les compagnies pour faire respecter cette loi? Les textes de loi du gouvernement sont publics et nous pouvons toujours utiliser la loi d'accès à l'information. Cette protection n'existe pas dans le cas des compagnies privées.
Les contenants
L'alcool de contrebande est, parfois, aisément identifiable à l'étiquette. Mais, il est possible de transférer le liquide dans un autre contenant. Les brasseurs ont promis de mettre au point un contenant scellé, inviolable, qui permettra aux gendarmes sur les ponts de l'identifier immédiatement. Nomme-le un contenant certifié.
Qu'adviendra-t-il des liquides dans les autres contenants? Seront-ils systématiquement saisis? Si oui, n'avantage-t-on pas ainsi les brasseurs commerciaux produisant les quelques contenants certifiés par rapport aux petits brasseurs et aux brasseurs artisanaux qui n'ont pas ces moyens? Si non, devra-t-on tester les liquides dans les contenants non certifiés avant de les laisser passer? Dans ce cas, quels seront les tests? qui sera en charge de l'analyse et comment pourra-t-on vérifier ou contester les résultats? Le conducteur ayant en main un contenant non certifié ne sera-t-il pas indûment ralenti dans ses déplacements?
De plus, si les contenants certifiés sont destinés à être ouvert pour en boire le contenu, comment peut-on s'assurer qu'un bricoleur n'inventera pas dans son sous-sol un bouchon permettant de mettre un autre liquide et de le reboucher? Ou encore d'imiter l'apparence du contenant certifié?
Le cas de la Chine
Voyons maintenant, tout en continuant notre analogie, pourquoi la Chine est en mesure d'effectuer ce contrôle.
Premièrement, le gouvernement chinois possède tous les ponts. Il n'y a donc qu'un seul type d'infrastructure à mettre en place.
Deuxièmement, le style de vie des Chinois est beaucoup moins axé sur les transports sur les routes que peut l'être celui des Canadiens. Cette réglementation touche donc, proportionnellement, moins de gens (quoique ce nombre soit sans cesse croissant).
Troisièmement, la Chine possédant tous les ponts, c'est sa propre réglementation qu'elle met en vigueur. Les Chinois possèdent donc les mêmes leviers contres les gendarmes des ponts que pour ceux des autres secteurs du gouvernement chinois, c'est-à-dire pas grand chose.
Donc, la réglementation peut être appliquée en Chine à cause du monopole étatique qu'il possède. Puisque les pays où ce contrôle est proposé (Canada, France, Suède) n'ont pas de monopole sur les ponts (les FAI) et qu'il est plus qu'improbable qu'il l'impose, la Chine n'est pas un exemple valable pour nos pays.
Notons que je n'ai pas eu à invoquer la liberté d'expression ou encore les droits de l'homme pour démontrer que la méthode chinoise ne peut s'appliquer ici. Je ne veux pas diminuer l'importance ou la valeur de ces arguments, seulement que je n'ai pas eu à les utiliser.
Anticipation
Tout en poursuivant la même analogie, supposons que, malgré tous les problèmes évoqués plus haut, le gouvernement décide tout de même d'aller de l'avant. Que se produira-t-il?
Dans un premier temps, ça ne fera pas l'affaire des compagnies privées responsables des ponts. Ce sont des experts en génie civil, pas en contrôle de véhicules. Mais, puisqu'ils y sont contraints, ils en profiteront pour faire des affaires, loi du marché oblige.
Les gens étant habitués à circuler librement et, surtout, rapidement, ils chercheront des moyens pour revenir à cette situation. Les compagnies possédant les ponts, sensibles à cette demande et aux opportunités commerciales, vont s'organiser en consortium pour proposer un système de transport efficace et rapide évitant les moyens de contrôle (pour l'autre côté de l'analogie, on parle ici de neutralité de réseaux). Ils auront ainsi un monopole, inévitable, sur les moyens de transport efficaces et auront ainsi tous les avantages que cette position implique dans un marché.
Il y aura aussi, bien sûr, un partenariat avec les grands brasseurs, les transporteurs vantant les mérites de ces produits, affichant de la publicité dans les autobus de la compagnie de transport, installant des magasins vendant ces produits aux terminus et aux gares routières.
Le summum de ce marché surviendrait si une même compagnie était un grand brasseur et possédait des ponts. Le potentiel commercial serait dès lors très, très intéressant.
Mais n'est-ce pas déjà le cas?
Publiez!
Steve Proulx s'interroge, il croit qu'il y a trop de blogues.
Le blogue. Le blogue est un décloisonnement des formats d'expressions. Ce concept ne doit pas être réduit à sa popularité instantannée. C'est une opportunité qu'il faut saisir et explorer dans toutes ses ramifications.
Publiez! Le jugement humain saura bien séparer le bon grain de l'ivraie.
Implication des scientifiques dans les processus de décision: les présentateurs
Vous étiez au courant, n'est-ce pas, que je fais partie de l'organisation d'une session intitulée Implication des scientifiques dans les processus de décision qui aura lieu au prochain congrès de la Société de météorologie et d’océanographie. Mais oui, j'en ai déjà parlé dans un précédent billet.
Et bien ça y est, on a tout notre monde. En tout, cette session comptera 11 présentations et 2 affiches. Ça s'annonce très intéressant, surtout que l'on aura une belle demi-heure de discussions tout le monde ensemble une fois les présentations terminées.
Un avant-goût de ce que cette session va comporter:
- Le scientifique Charles Lin qui a participé aux groupes de travail I (aspects scientifiques du système climatique et de l’évolution du climat) et III (solutions envisageables pour limiter les émissions de gaz à effet de serre) du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Il a donc reçu conjointement avec ce groupe le prix Nobel de la paix en 2007. Il viendra parler du passé, du présent et du futur du GIEC.
- Jean-pierre Savard, du consortium Ouranos, présentera les impacts des changements climatiques sur les populations vivant sur les côtes au Québec.
- Arelia Werner, de l'Université de Victoria, a fait la visite de plusieurs villes et villages de Colombie-Britannique pour expliquer aux autorités locales les conséquences des changements climatiques sur leur communauté. Elle vient nous raconter son expérience.
La liste complète des présentations ainsi que leur résumé est disponible dans la section « horaire » de la page web du projet: //ptaff.ca/cmos/2008/.
Comme la conférence a lieu à Kelowna, en Colombie-Britannique, et que certains d'entre vous m'ont fait savoir qu'ils ne pourraient y être cette semaine-là (25 au 29 mai), nous filmerons les présentations des personnes qui auront accepté de signer une licence Creative Commons BY. Nous procéderons de la même manière pour les fichiers des présentations.
Après le congrès, les fichiers et les vidéos pourront être téléchargés en format ouvert sur la page du projet. Par la suite, ô joie, je transférerai les vidéos sur YouTube et publierai une série de billets sur ces présentations. Un billet par présentation. Il vous sera alors loisible de commenter les présentations, poser vos questions, passer vos commentaires, etc.
Si tu ne peux pas amener tout le monde au congrès, emmène le congrès à tout le monde.
Pâques est dont ben de bonne heure cette année
Et oui, Pâques est le 23 mars cette année. Ça vous semble tôt en saison? Et pour cause.
Petit rappel, la journée de Pâques est déterminée par
le premier dimanche
qui suit la première pleine lune
qui suit l'équinoxe de printemps.
L'équinoxe de printemps est, depuis la création du calendrier grégorien, toujours le 19, 20 ou 21 mars. Théoriquement, Pâques ne peut donc jamais être plus tôt que le 21 mars (équinoxe le 19, pleine lune le 20 et dimanche le 21 mars). Mais c'est plutôt rare que l'équinoxe de printemps tombe un 19 mars. Ce n'est arrivé ni au XIX ni au XX siècle et la prochaine fois sera en l'an 2044. La pleine lune suivante sera le 12 avril cette année-là.
En 2008, l'équinoxe de printemps est le 20 mars à 5:48 UTC [1], la pleine lune suivante est le 21 mars à 18h40 UTC [2], Pâques est donc le dimanche suivant cette journée, soit le 23 mars.
Aux curieux qui se demandent quand arrivera une prochaine Pâques aussi tôt dans l'année, je lui réponds que ce ne sera pas de son vivant. En effet, d'ici 2100, la date la plus tôt pour Pâques est le 25 mars, en 2035. Il va y avoir une autre Pâques le 23 mars en 2160.
Quand est-ce que Pâques sera le 22 mars? En 2285.
Si on regarde en arrière, Pâques est tombé un 23 mars en 1913 et un 22 mars en 1818.
Extinction volontaire de l'humanité
Il est possible de voir les problèmes qui affligent l'humanité comme étant le résultat de la surpopulation mondiale. Laissez-moi vous présenter les partisans de la solution la plus radicale: ne plus avoir d'enfants.
C'est ce que promouvoit le « Mouvement d'extinction volontaire de l'humanité » (The Voluntary Human Extinction Movement) qui a pour slogan Puissions-nous vivre longtemps et disparaître.

La motivation de ce refus de procréer est:
L'extinction progressive de l'espèce humaine par l'abandon volontaire de la reproduction permettrait à la Biosphère de recouvrer une bonne santé. Le manque d'espace vital et les pénuries en ressources naturelles trouveraient leur solution si la population humaine était moins nombreuse et moins dense.
Vous pouvez voir un vidéo du porte parole du mouvement à MSNBC.
Si vous désirez avoir une discussion animée avec les matantes et les mononcles lors de votre prochain souper de famille, ou encore vous pogner avec un adéquiste, expliquez-leur qu'il ne faut pas que les Québécois fassent plus d'enfants mais, au contraire, arrêtent d'en faire et hausse l'immigration pour monter le niveau de vie global des habitants de la planète. Plaisir garanti.
Tabasser un castor de Bell
Vous connaissez un codeur de flash qui recherche la notoriété? J'ai une idée géniale pour lui.
Il suffit de créer un jeu dont le but consiste à infliger des blessures aux castors de Bell. Il faut les abattre en un temps record.
Moi j'essaierai dans un premier temps une rondelle propulsée par un bon coup de bâton de hockey. On pourrait choisir son joueur de la LNH et les castors de Bell bougeraient de gauche à droit dans le fond. Vous voyez le genre.

En plus, ce jeu aurait aussi la cote chez nos amis du Canada anglais où nos détestables castors sévissent itout. Les anglais doivent les détester tout autant, je peux pas croire.
Ne serait-ce pas défoulant de fesser sur un castor de Bell?
Succès garanti!
Montréal en fête
Villeray, 9 mars 2008
Montréal est en liesse. La foule est sortie dehors, partout, dans toutes les rues, sur tous les paliers. Les gens ne se sont pas massés dans une foule compacte, mais se sont uniformément dispersés dans toute la ville.
Peu importe où on porte le regard, on voit des tuques surgir au-dessus des dunes blanches. Joyeux et bons enfants, ils brandissent haut leurs pelles pour creuser une tranchée pour la voiture ou pour accéder à l'escalier. Les piétons ressemblent à des funambules, marchant sur une mince piste tappée sur le trottoir non déblayé.

Dans un abribus, une vieille raconte à sa fille, les yeux portés au loin: « Quand j'étais jeune, tous les hivers étaient comme ça… ».
La dépression de Bodélé
Si je vous disais que la forêt amazonienne ne serait qu'un désert mouillé sans la présence du Sahara, me croiriez-vous?

La grande majorité des nutriments nécessaires à la croissance des plantes dans le bassin de l'Amazonie provient du Sahara, après un voyage de plus de 5000 km au-dessus de l'océan Atlantique. En tout, il y a 50±15 millions de tonne de poussières qui sont transportées en Amazonie chaque année. 50 millions de tonne, c'est environ 1 million d'éléphants d'Asie. En poussières. Ça fait du sable en ti-péché.

Et de tout ce sable qui provient du Sahara, il y en a environ la moitié qui vient d'un tout petit endroit du Tchad qui se nomme la « dépression de Bodélé ».
La dépression de Bodélé est située au fond d'un lac qui s'est desséché au court des derniers millénaires (ce qui en reste aujourd'hui forme le lac Tchad). Les organismes vivants jadis dans ce lac ont séché sous le soleil du Sahara et, après sédimentation, s'envolent aujourd'hui avec le vent vers l'Amazonie pour y nourrir la forêt. La dépression de Bodélé ne représente que 0,2% de la superficie du Sahara ou encore 0,5% de la superficie de l'Amazonie. Il est extraordinaire qu'une si petite région soit à l'origine de l'alimentation en nutriments d'une aussi grande superficie: 200 fois plus grande!
Cette dépression est coincée entre 2 formations montagneuses: le massif du Tibesti et le plateau de l'Ennedi, ayant une altitude de 2600 m et 1000 m, respectivement. Ces montagnes ont une disposition particulière: elles canalisent le vent qui atteint alors des vitesses permettant d'éroder la surface et d'emporter la poussière sur des milliers de kilomètres. Ce vent a même été baptisé: le courant-jet à basse altitude de Bodélé (traduction de Bodele Low Level Jet).
On peut d'ailleurs voir sur l'image satellite de cette région les stries causées par le vent sur la surface (cliquer sur l'image pour avoir une plus haute définition):
Cette découverte est assez récente, l'étude que je résume ici a été publiée en 2006. Je trouve fascinant de voir à quel point un écosystème si riche dépend de conditions si particulières à un endroit aussi précis. S'il n'y avait pas eu des conditions climatiques pour créer le désert du Sahara, l'Amazonie telle qu'on la connaît aujourd'hui n'existerait pas.
La prochaine fois que vous entendez parler de géo-ingénierie pour sauver la planète des frasques de l'humain, pensez à tout ce qu'il faudra prévoir comme conséquences d'un changement que l'on effectuerait à la dynamique planétaire. Un travail d'orfèvre climatique telle que la dépression de Bodélé pourrait-il être prévue?
Références:
* Koren, Ilan; et al (2006). "The Bodélé depression: a single spot in the Sahara that provides most of the mineral dust to the Amazon forest". Environ. Res. Lett. 1 (October–December 2006) 014005. Note: l'article est disponible en ligne.
* Bodélé Depression. (2008, February 6). In Wikipedia, The Free Encyclopedia. Retrieved March 5, 2008, from http://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Bod%C3%A9l%C3%A9_Depression&oldid=189514080